Les médias italiens se sont fait l’écho d’une anecdote censée valoriser l’image du Pape: une fillette de 7 ans lui a écrit en dernier recours, n’obtenant pas de réponse satisfaisante autour d’elle à la question: qui a créé Dieu?. Et elle a reçu une réponse standard venant d’un quelconque bureau de la Curie. Une réponse (ou plutôt une non-réponse) qui ne l’a pas du tout satisfaite. Et qui nous invite à une profonde réflexion.

AM Valli a commenté cet échange épistolaire, inhabituel par la teneur de la lettre de la fillette, qui touche au coeur de la foi


S’en est suivi sur le blog du vaticaniste un mini-débat fort intéressant (qui laisse songeur, à la veille du Synode) avec la conclusion: « en cas de doute, ne demandez pas au Saint-Siège ».

Et le père Cavalcoli, OP, nous fait partager son expérience personnelle de fonctionnaire de la Curie (sous Jean-Paul II) ayant souvent reçu des lettres émanant d’enfants.

La petite théologienne et la non-réponse du pape

AM Valli
26 septembre 2023

Je voudrais exprimer ma solidarité à la fillette qui a écrit au pape pour lui demander qui a créé Dieu, mais qui a reçu une non-réponse.

La fillette de sept ans a posé la question après un cours de religion et a commencé à demander autour d’elle : parents, connaissances, professeurs, prêtre. Il semble qu’elle n’ait reçu d’explications satisfaisantes de personne et elle a donc décidé (en toute innocence) de s’adresser en haut.

Au bout d’un certain temps, elle a reçu une lettre du Vatican.

« Le pape François veut te faire savoir qu’il prie avec toi, pour que tu puisses grandir dans le désir sincère de connaître et d’aimer Jésus ».

C’est tout. La signature, celle d’un collaborateur du pape.

Une lettre courtoise. Mais qui, comme on le voit, ne répond pas. La fillette n’est donc pas du tout satisfaite. Et il faut la comprendre.

En réalité, la réponse est simple. En deux mots, Dieu est éternel. Cela signifie qu’il a toujours existé et qu’il existera toujours. Il a même créé l’espace et le temps. Il a tout créé. Il n’y a donc pas et il ne peut y avoir d’avant Dieu, de créateur de Dieu.

J’ai souvent constaté que les enfants, même les plus petits, sont des théologiens naturels et qu’ils comprennent donc très bien certaines réponses. Au lieu de cela, le pape est resté vague. Pourquoi ?

Il y a plusieurs possibilités [???]. Certes, chère petite, tu as raison de ne pas être satisfaite. D’où ma solidarité. Mais sache que si tu continues à cultiver de l’intérêt pour la religion tu auras souvent affaire à des gens qui ne te répondront pas ou qui te répondront de manière vague, hâtive et insatisfaisante. C’est l’époque qui le veut.

Mais peut-être deviendras-tu une très bonne théologienne et seras-tu en mesure de donner un coup de main. Il y en a vraiment besoin.

AM Valli

Le lendemain, sur le blog, un lecteur réagit en citant « le sublime catéchisme de saint Pie X », écrit pour des analphabètes

En cas de doute, ne demandez pas au Saint-Siège

AM Valli
27 septembre 2023

Dans l’article consacré à la petite fille qui demandait des éclaircissements sur la généalogie de Dieu, vous avez mis en évidence deux questions fondamentales de notre foi : qui est Dieu et à qui nous devons nous adresser en cas de doute.

Qui nous a créés ?
C’est Dieu qui nous a créés.

.

Qui est Dieu ?
Dieu est l’Être le plus parfait, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre.

.

Dans quel but Dieu nous a-t-il créés ?
Dieu nous a créés pour que nous le connaissions, l’aimions et le servions dans cette vie, et pour que nous jouissions de lui dans la prochaine, au Paradis.

Quelle merveille ! Et combien nous sommes loin aujourd’hui de la sublime simplicité du Catéchisme de Saint Pie X, conçu pour les analphabètes.

Aujourd’hui, peut-être pas totalement incapables de lire et d’écrire, nous expérimentons chaque jour davantage l’incapacité de communiquer la foi avec parésie.

D’un autre côté, la foi peut être communiquée seulement si elle est là.

Dans le Credo (auquel de moins en moins de princes de l’Église croient) sur le Fils co-éternel du Père), il est dit « engendré, non pas créé ».

Une bonne indication, pour une réponse qui, cependant, n’est pas venue. Ce qui nous amène à la deuxième question : à qui poser les questions ?

Ces derniers temps, tout comme l’hôpital est devenu l’endroit le moins sûr pour un malade, le Saint-Siège est devenu l’interlocuteur le moins fiable pour un sceptique.

(…)

Ce que le père Cavalcoli aurait répondu à la petite Maddalena

Père Giovanni Cavalcoli
(AM Valli)
28 septembre 2023

Le journal de Brescia, dans son édition du 22 septembre dernier, a donné la nouvelle d’une petite fille de sept ans, Maddalena Morandi, qui a écrit une lettre au Pape avec un ton qui nous surprend par la profondeur métaphysique du problème qu’elle pose, une profondeur qui semble presque incroyable dans l’esprit d’une petite fille.

Pourtant, des cas comme celui de cette enfant existent. Cela démontre le lien nécessaire qui existe entre l’exercice de la raison et la connaissance métaphysique. La raison humaine, dès l’aube de son activité, conçoit l’être dans les choses de l’expérience infantile immédiate et, à la lumière de l’être, inconsciemment conçu, elle pose immédiatement les problèmes fondamentaux de l’existence et, réfléchissant au fait que les choses ne peuvent pas s’être faites elles-mêmes, elle arrive à savoir qu’il y a quelqu’un qui les a faites, mais qui, à son tour, n’est fait par personne, sinon cela n’expliquerait rien. Et c’est Dieu.

Voilà ce que Maddalena a écrit:

« Cher Pape François, j’ai une question importante : si Dieu a créé le monde et les hommes, par qui a-t-il été créé ? Tu as certainement une réponse. Si tu n’as pas le temps de me répondre, ce n’est pas grave. Je t’aime’.

La petite fille conclut ensuite sa lettre en y joignant un dessin.

Tout d’abord, il est surprenant qu’une fillette de sept ans puisse non seulement s’interroger sur Dieu, mais aussi posséder le concept de création, un concept sans doute rationnel en soi et pourtant très difficile, un concept autour duquel les plus grands philosophes ont travaillé, tombant souvent dans de graves erreurs, un concept très élevé, que l’humanité n’a en fait appris que de l’Ecriture Sainte et qui, devenu un article de foi, fait sans aucun doute l’objet d’une formation catéchétique.

Nous nous trouvons donc face à une enfant qui a déjà reçu, au moins de façon incomplète, cette formation. Il en va de même pour le concept de Dieu et le mot Dieu. Le fait que Maddalena l’utilise est un signe clair de son intelligence métaphysique, puisque Dieu est l’entité suprême, l’entité première et la plus haute parmi toutes les entités.

En même temps, Maddalena en posant cette question, montre qu’elle n’a pas encore une conception pleinement juste de Dieu. Mais son intérêt pour le problème de Dieu est louable. C’est à ce moment-là qu’il faut l’aider. Et je m’étonne que la réponse reçue du Secrétariat d’Etat, bien que contenant de bonnes paroles, évite de répondre à la question, dont la réponse n’est pas difficile pour le théologien et est déjà bien connue en théologie.

Moi qui ai enseigné la métaphysique pendant trente ans, j’ai travaillé pendant huit ans à la Secrétairerie d’État avec saint Jean-Paul II pour préparer les lettres du Saint-Père ou au nom du Saint-Père. Dans mon bureau arrivaient de nombreuses lettres d’enfants ou d’écoliers au contenu généralement très simple et souvent émouvant par l’affection qu’ils portaient au Vicaire du Christ.

Nous avions un formulaire de remerciement au nom du Pape. Cependant, de temps en temps, nous recevions des lettres d’enfants, de jeunes ou d’adultes, qui sortaient de l’ordinaire et qui nous faisaient réfléchir en raison de la gravité et de l’importance du contenu. Nous portions alors le cas à l’attention des supérieurs, de l’assesseur, du substitut ou du secrétaire d’État, en accompagnant le rapport d’un projet de réponse.

Il n’était pas du ressort de mon service de contacter directement le Pape. Les supérieurs s’en chargeraient éventuellement. Mais cela ne nous empêchait pas de proposer des projets de réponse que le pape lui-même aurait pu donner. Eh bien, si une lettre comme celle de Maddalena était arrivée dans mon bureau, nous aurions signalé le cas aux Supérieurs sous la forme que j’ai mentionnée. L’enfant méritait une réponse qui lui montre la sagesse de l’Église. Sinon, à quoi servirait la Secrétairerie d’État ?

Voilà comment la Secrétairerie d’État a répondu :

« Le Saint-Père a reçu ta belle carte. Le Pape François, qui te remercie pour ce geste affectueux, souhaite te faire savoir qu’il prie pour toi, afin que tu puisses grandir dans le désir sincère de connaître et d’aimer Jésus ».

Comment se fait-il que la question très sérieuse, qui a fait trembler les veines et les poignets de Kant lui-même (…) n’ait pas été prise en considération ? Il aurait suffi de quelques mots bien centrés, que Maddalena aurait compris, et son inquiétude se serait apaisée. Si j’avais été en fonction, j’aurais préparé pour l’Assesseur le projet de réponse suivante:

« Chère Maddalena,

le Saint-Père a reçu avec plaisir ta petite lettre. Mais, comme tu t’en doutes, n’ayant pas le temps de te répondre personnellement, il me charge de te répondre en son nom.

Il est très heureux que tu poses des questions aussi profondes. Garde toutefois à l’esprit que Dieu n’est pas une créature dont on peut se demander qui l’a créée. Dieu est le Créateur, qui a créé toutes choses à partir de rien. Par conséquent, tout dépend de Lui et Il ne dépend de personne. S’il n’en était pas ainsi, il ne serait pas Dieu, car le mot « Dieu » désigne précisément celui qui est la cause de tout et qui n’est causé par personne.

Le Pape François, qui te remercie pour ce geste d’amour, veut te faire savoir qu’il prie pour toi, afin que tu puisses grandir dans le désir sincère de connaître et d’aimer Jésus ».

La Secrétairerie d’État aurait ainsi dignement représenté cette immense ouverture de cœur que le Pape manifeste surtout à l’égard des petits, de leurs besoins, de leurs désirs, de leurs problèmes et de leurs souffrances.

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