A 24 heures des évènements qui se sont précipités hier, et qui ont sans doute été rapportés un peu hâtivement, il est peut-être temps d’y voir un peu plus clair sur la manipulation de dates de la Salle de presse du Saint-Siège – ce qu’on lit sur le site Vatican News -, qui a regroupé les premiers dubia et la réponse du Pape du 11 juillet dans un document unique daté (faussement) du 25 septembre, destinée à faire croire au public (enfin, celui intéressé, la majorité des gens, malheureusement, est à des années-lumière de ces subtilités et se contentera du résumé hyper-simpliste des médias: le Pape François va ENFIN ouvrir l’Eglise aux LGBT++) que le Pape a répondu à TOUT et que le débat est clos

Il faut donc lire

  • la lettre du Pape en date du 11 juillet adressée aux seuls cardinaux Burke et Brandmuller (un affront bien inutile aux trois autres… mais tant qu’à faire, autant semer la zizanie entre eux), dont la Salle de presse n’a publié qu’une version amputée de la première page, soit ce qui lui paraissait présentable
  • les nouveaux dubia exprimés par les 5 cardinaux le 21 août après réception de cette lettre, sous la forme de questions trés simples qui ne réclamaient du Pape qu’un OUI ou un NON – conformément à la parole de l’évangile (« que votre oui soit oui et votre non, non, tout le reste est l’oeuvre du diable ») -, et qui EUX n’ont pas reçu de réponse.

Mais commençons par cet extrait du commentaire de Luisella Scosatti (la partie non technique, i.e. non purement théologique)

Oui, oui, mais peut-être non: François pose plus de doutes que les Dubia

https://lanuovabq.it/it/si-si-ma-forse-no-francesco-pone-piu-dubbi-dei-dubia

La réponse à la « première version » des questions posées par les cinq cardinaux ne clarifie qu’un seul point : le refus flagrant du Souverain Pontife de répondre de manière ponctuelle, préférant laisser des zones d’ombre et des failles ouvertes « ad usum synodi ».

Il est tout simplement incroyable que le Souverain Pontife n’ait toujours pas pris le temps de répondre aux Dubia que les cardinaux Brandmüller, Burke, Sandoval, Sarah et Zen lui ont adressés dans la « deuxième édition » du 22 juillet. Et qu’une opération médiatique soit mise en place pour faire croire qu’en réalité, le Pape aurait donné une réponse exhaustive. Compte tenu de la gravité des sujets abordés et de la simplicité de la réponse attendue, la réticence du Pape François – une fois de plus, après celle envers les Dubia en 2016 – révèle plus que toute autre déclaration, qu’il n’a effectivement pas l’intention de remettre sur les rails la locomotive devenue folle.

Le refus de François de répondre de manière ponctuelle révèle de manière flagrante l’inconsistance de ses paroles rassurantes et de celles de son entourage, selon lesquelles il veut laisser la doctrine intacte pour se consacrer uniquement à la praxis. S’il était déjà difficile de concilier une praxis déviante avec une doctrine correcte, il est maintenant encore plus difficile de continuer à soutenir ce slogan. Si tel était le cas, François n’aurait eu aucun problème à répondre ponctuellement aux questions.

Au contraire, la publication de la lettre que le pape a adressée aux cardinaux le lendemain de la réception des dubia montre à quel point il était nécessaire de reformuler les questions et de demander à François d’y répondre avec précision. La réponse habituelle à n’importe quels dubia adressés aux dicastères, selon leur compétence, implique des réponses brèves, généralement précédées des adverbes négatif ou affirmatif, qui parfois contiennent la totalité de la réponse. Au contraire, François a choisi la voie de ne pas répondre précisément à des questions fondamentales pour la vie de l’Église, provoquant ainsi une nouvelle demande prévisible et légitime de la part des cardinaux.

Il est également assez déroutant que le pape ait pu écrire noir sur blanc que « bien que je ne pense pas toujours qu’il soit sage de répondre aux questions qui me sont directement adressées (parce qu’il serait impossible de répondre à toutes), dans ce cas, je pense qu’il est approprié de le faire en raison de la proximité du Synode ». Manifestement, François ne se soucie guère du fait que ceux qui lui écrivent sont cinq cardinaux qui lui posent des questions capitales pour la foi des chrétiens, et non un groupe d’écoliers qui lui envoie des cartes postales de leur voyage de classe. Son souci était de tout étouffer avant le Synode, mais « Non tutte le ciambelle riescono col buco » [litt. « toutes les ciambelle (gâteau italien en forme de couronne) ne sortent pas (du four) avec un trou ». Locution italienne qui signifie en gros « on ne gagne pas à tous les coups » ou « les choses ne se passent pas toujours comme on voudrait].

(…)

Annexe

I. La lettre du Pape du 11 juillet

Cité du Vatican,
Sainte Marthe, 11 juillet 2023
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Éminences cardinales
Walter BRANDMÜLLER
Raymond Leo BURKE

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Chers frères,
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Je vous écris en référence à votre lettre du 10 juillet dernier. Dans cette lettre, vous avez voulu attirer mon attention sur quelques doutes qui, selon vous, sont en quelque sorte liés au processus en cours en vue du prochain Synode des évêques sur le thème de la synodalité.

À cet égard, je voudrais partager avec vous quelques aspects très importants. Avec le prochain Synode, j’ai voulu créer un processus impliquant la participation d’une partie vraiment significative de l’ensemble du Peuple de Dieu.

Dans ce processus, avec l’aide et l’inspiration de l’Esprit Saint, nous avons pu recueillir « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout, et de tous ceux qui souffrent » et nous avons pu, une fois de plus, faire l’expérience que ces joies et ces espoirs, ces tristesses et ces angoisses ne sont pas seulement le fruit d’un travail de longue haleine. expérimenter que ces joies et ces espoirs, ces tristesses et ces angoisses « sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et qu’il n’y a rien d’authentiquement humain qui ne trouve un écho dans leur cœur » (Gaudium et spes, 1).

Afin de répondre pleinement à tout cela, ce processus – qui durera jusqu’en octobre 2024 – a également inclus des questions et des consultations sur la structure (participation et communion) et la mission de l’Église à l’époque où nous vivons.
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Avec une grande sincérité, je vous dis qu’il n’est pas bon d’avoir peur de ces questions et de ces consultations. Le Seigneur Jésus, qui a promis à Pierre et à ses successeurs une assistance indéfectible dans la tâche de prendre soin du peuple saint de Dieu, nous aidera, également grâce à ce Synode, à nous maintenir toujours plus dans un dialogue constant avec les hommes et les femmes de notre temps et dans une fidélité totale au saint Évangile.
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Maintenant, bien que je ne trouve pas toujours opportun de répondre directement aux questions qui me sont adressées (parce qu’il serait impossible de répondre à toutes), dans le cas présent, il me semble opportun de le faire en raison de la proximité du Synode.

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Source: Messa in latino, avec fac similé de l’original en espagnol, et signature autographe du Pape

Le reste, les prétendues « réponses » du Pape, est à peu près ce qui est publié sur le site du Vatican

II. La réponse des cardinaux à la lettre du Pape

Très Saint Père,

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Nous vous sommes très reconnaissants des réponses que vous avez bien voulu nous offrir.

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Nous voudrions tout d’abord préciser que si nous vous avons posé ces questions, ce n’est pas par crainte du dialogue avec les hommes de notre temps, ni des questions qu’ils pourraient nous poser sur l’Évangile du Christ. En effet, nous sommes convaincus, tout comme Votre Sainteté, que l’Évangile apporte une plénitude à la vie humaine et offre des réponses à toutes nos questions.

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La préoccupation qui nous anime est autre : nous sommes inquiets de voir qu’il y a des pasteurs qui doutent de la capacité de l’Évangile à transformer le cœur des hommes et finissent par leur proposer non pas une saine doctrine, mais « des enseignements selon leurs propres désirs » (cf. 2 Tm 4,3). Nous sommes également préoccupés par le fait que les gens ne comprennent pas que la miséricorde de Dieu ne consiste pas à couvrir nos péchés, mais qu’elle est bien plus grande, en ce qu’elle nous permet de répondre à son amour en gardant ses commandements, c’est-à-dire en nous convertissant et en croyant à l’Évangile (cf. Mc 1, 15).

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Avec la même sincérité que celle avec laquelle vous nous avez répondu, nous devons ajouter que vos réponses n’ont pas résolu les doutes que nous avions soulevés, mais qu’elles les ont plutôt approfondis. Nous nous sentons donc obligés de proposer à nouveau ces questions, en les reformulant, à Votre Sainteté qui, en tant que successeur de Pierre, est chargée par le Seigneur de confirmer vos frères dans la foi.

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Ceci est d’autant plus urgent en vue du prochain Synode, que beaucoup souhaitent utiliser pour nier la doctrine catholique précisément sur les questions sur lesquelles portent nos dubia.

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Nous vous reproposons donc nos questions, afin que vous puissiez y répondre par un simple « oui » ou « non ».

….

Suit la nouvelle formulation des dubia, telle qu’on la trouve, y compris traduite en français chez Sandro Magister.

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