Le commentaire comme toujours émaillés de faits concrets, souvent inédits, de Giseppe Nardi: « Un pape impitoyable a aujourd’hui démis de ses fonctions Mgr Joseph Strickland, évêque de Tyler aussi pastoral que contestataire ».

A propos de la destitution de l’évêque Joseph Strickland

Le pape ne tolère pas les critiques

Giuseppe Nardi
katholisches.info
11 novembre 2023

Un pape impitoyable a aujourd’hui démis de ses fonctions Mgr Joseph Strickland, évêque de Tyler aussi pastoral que contestataire.

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Le pape François a relevé de ses fonctions Mgr Joseph Strickland, le courageux évêque du diocèse américain de Tyler. La destitution a eu lieu sans que les raisons en soient précisées. Ce que beaucoup attendaient et craignaient s’est donc produit.

Mgr Strickland est l’un des critiques les plus ouverts de l’actuel pontificat dans l’épiscopat américain. Il exprime ses critiques de manière fondée et pointue, mais surtout de manière ouverte et désarmante, en disant ce qui est.

Mais à Rome, cela n’a pas été bien accueilli. Sainte Marthe a été informée à l’avance, par plusieurs canaux, de chaque acte de Mgr Strickland. Des interventions directes ont également eu lieu contre lui. Cela s’est fait à la fois par l’intermédiaire d’évêques bergogliens de l’épiscopat américain, particulièrement proches de Sainte Marthe, et par la nonciature apostolique. A Rome même, une fois l’attention attirée, il a été facile de surveiller les principales déclarations de Mgr Strickland, même à distance, car l’évêque de Tyler est très actif sur les médias sociaux.

L’évêque et son diocèse ont été passés au crible pour trouver le moindre cheveu dans la soupe. La décision contre Strickland a été prise avant le 13 mai, disait-on déjà l’été dernier. L’évêque avait alors écrit sur Twitter :

« Je crois que le Pape François est le Pape, mais il est temps pour moi de dire que je rejette son programme de saper le dépôt de la foi. Suivez Jésus ».

Peu de temps après, en juin, le pape François a envoyé des visiteurs apostoliques au Texas. C’était au minimum le signal d’alarme d’un malaise imminent. L’évêque Strickland savait qu’il était dans le collimateur. Mais il n’a pas changé d’attitude ni la nature de ses déclarations. Il a soutenu autant que possible les catholiques fidèles à la foi, même en dehors de son diocèse, en particulier le mouvement pour le droit à la vie. Il est intervenu là où d’autres évêques ont reculé. Mais surtout, il a communiqué au public les mesures prises par Rome à son encontre. Dans une lettre pastorale en plusieurs parties, il a exposé la doctrine morale catholique et s’est ainsi opposé à l’agenda de Sainte Marthe, par exemple dans le domaine de l’homosexualité. Sa déclaration centrale est la suivante : « Dieu ne peut pas bénir le péché, et l’Église ne peut donc rien faire de tel ».

Les personnes que François a envoyées en visite à Tyler ont transmis un signal clair. En particulier, Mgr Gerald Frederick Kicanas, un élève de l’école homo-hérétique de Chicago et évêque émérite de Tucson, était connu pour ses sympathies progressistes pour les groupes qui ont fait de l’homosexualité et de l’avortement leur cheval de bataille.

Mgr Strickland était également un soutien important pour la tradition, dont il se sentait très proche et qu’il promouvait non seulement dans son diocèse, mais aussi à l’extérieur. Le 1er août, Mgr Strickland a écrit en faisant clairement allusion au motu proprio Traditionis custodes et aux actions qui ont suivi :

« Toute tentative de séparer la messe traditionnelle de l’Église est une attaque contre le lien ininterrompu avec la tradition reçue des apôtres et une attaque contre le patrimoine de la foi ».

Strickland lui-même s’était rapproché du rite traditionnel par plusieurs années d’études et de prières intensives et avait célébré lui-même pour la première fois en 2020. Il a ainsi déclaré que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, malgré son statut canonique incertain, n’était pas un groupe schismatique. Cela ne lui a pas valu de sympathie à Rome, selon les critères établis par le pape François.

Dans le contexte du synode sur la synodalité, Mgr Strickland a également mis en garde avec lucidité contre les dangers de la voie choisie par le pape François.

L’attitude droite dont Strickland avait déjà fait preuve au cours des années précédentes s’est également manifestée au moment de sa destitution. Le nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Christophe Pierre, l’un des principaux acteurs de cette révocation, avait demandé à Strickland de démissionner au nom du pape François. L’intention était de régler l’affaire « avec élégance ». Mais Mgr Strickland a refusé de démissionner, affirmant qu’il n’avait rien à se reprocher. Il a donc été démis de ses fonctions aujourd’hui – car si tu ne veux pas, j’ai besoin de la force.

Mais en fin de compte, il était clair dès le départ que Sainte Marthe menait un combat inégal contre l’évêque Strickland. Il n’y a pas eu d’action commune, pas de discussions personnelles : on a travaillé unilatéralement contre l’évêque.

En fin de compte, la destitution a été annoncée ce midi dans le bulletin quotidien de la Salle de presse du Vatican, de manière succincte et sans donner de raisons :

« Le Saint-Père a relevé S. E. Mgr Joseph Strickland de la charge pastorale du diocèse de Tyler (États-Unis) et a nommé l’évêque d’Austin, S. E. Mgr Joe Vásquez, administrateur apostolique du diocèse devenu vacant ».

Mgr Strickland a eu 65 ans il y a quelques jours, le 31 octobre. A titre de comparaison, le pape François atteindra l’âge de 87 ans en décembre.

Selon le droit canonique, la destitution d’un évêque par le pape ne peut se faire que pour des raisons extrêmement valables et en respectant des règles formelles. Voilà pour la théorie. En réalité, le pape peut nommer et révoquer qui il veut, car il n’y a pas d’instance juridique au-dessus de lui. Il est, en personne, le juge suprême de l’Église. Qui donc devrait faire appel ou se plaindre d’une décision prise par lui ? Il n’y a pas d’instance pour cela. Le droit canonique n’est d’aucune aide, pas plus que la question récurrente de savoir si François n’a pas perdu sa papauté par ses actes.

La plupart des papes ont fait preuve d’une grande retenue dans l’utilisation de leurs pouvoirs, on pense notamment à son prédécesseur immédiat Benoît XVI. Mais le pape François est fait d’un tout autre bois. Benoît XVI a été dénigré par ses adversaires dans et en dehors de l’Eglise quand il a été qualifié de « Panzer cardinal », tandis que François a été applaudi. Pourtant, le pape allemand gouvernait d’une main particulièrement douce, alors qu’un régime de fer règne sous François.

L’évêque Strickland n’est pas le premier évêque éminent, plutôt rare, à être passé à la moulinette de François, et il ne sera probablement pas le dernier.

Le diocèse de Tyler perd son bon évêque, mais le monde catholique tout entier gagne un évêque qui, étant encore relativement jeune, peut maintenant renforcer sans limites ses frères dans la foi.

En le destituant, le pape François a confirmé les critiques que Mgr Strickland avait formulées à l’encontre du pontificat actuel, sans ambiguïté, avec précision, tout simplement. Sans oublier l’autre critique, formulée par l’historien britannique Henry Sire, alias Marcantonio Colonna, dans son livre éponyme: « Le Pape dictateur ».

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