Avec François, comme dans un célèbre magasin parisien, il se passe toujours quelque chose. Et ce sont des néologismes forgés par le Pape lui-même qui entérinent la nouveauté. Après la démondanisation, le pélagisme, l’indiétrisme, la synodalité, etc., voici le tour de la démasculinisation, lancé devant la Commission théologique internationale, un vilain mot destiné à mettre en accusation l’Église du passé, utilisant un thème théologiquement douteux tout en surfant sur la mode féministe. Explications (et interrogations) de Giuseppe Nardi.

Le pape François demande de « démasculiniser l’Église ».

Giuseppe Nardi
katholisches.info
30 novembre 2023

Papst Franziskus empfing heute die von ihm ernannte Internationale Theologenkommission.
Le pape François a reçu aujourd’hui la Commission théologique internationale qu’il a nommée.

Le pape François a reçu aujourd’hui la Commission théologique internationale et l’a réprimandée. Il a critiqué le fait qu’elle soit composée de trop d’hommes. « L’Eglise est une femme, démasculinisons-la », a déclaré le pape.

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La Commission théologique internationale a été créée en 1969 par le pape Paul VI, à la suite d’une suggestion du premier synode des évêques. Elle est composée de 28 membres, nommés par le pape pour une durée de cinq ans. Cinq membres de la commission sont des femmes. C’est la raison de la critique papale.

François a annoncé dès le début de la rencontre qu’il avait certes un discours préparé pour lui, mais qu’il le ferait distribuer. Le chef de l’Eglise est donc allé droit au but :

« Je vous remercie pour ce que vous faites. La théologie, la réflexion théologique, est très importante. Mais il y a quelque chose qui ne me plaît pas chez vous, excusez ma sincérité. Une, deux, trois, quatre femmes. Pauvres femmes ! Vous êtes seules ! Ah, excusez-moi, cinq. C’est ici que nous devons avancer » !

Car, selon François,

« l’Église est femme. Et si nous ne comprenons pas ce qu’est la théologie d’une femme, nous ne comprendrons jamais ce qu’est l’Eglise ».

En réponse, François a ajouté un nouveau péché :

« L’un des grands péchés que nous avons commis est la ‘masculinisation’ de l’Eglise. Et cela ne sera pas résolu par la voie ministérielle, c’est autre chose. Cela se résout par la voie mystique, par la voie royale. La pensée de Balthasar m’a donné beaucoup de lumière : le principe pétrinien et le principe marial. On peut en discuter, mais les deux principes sont là. Le marial est plus important que le pétrinien, car il y a l’Église comme épouse, l’Église comme femme, sans se masculiniser ».

Manifestement, même François était conscient que ses propos allaient susciter des questions et des interrogations, car il a déclaré :

« Vous allez vous demander : où va ce discours ? Pas seulement pour vous dire que vous devriez avoir plus de femmes ici, c’est une chose, mais pour vous aider à réfléchir. L’Église quand elle est une femme, l’Église quand elle est une épouse. Et c’est une tâche que je vous demande de faire. Démascuniliser l’Église ».

Cinq remarques spontanées

1- La « démasculinisation » du service de l’autel après le Concile Vatican II a entraîné le grand exode des garçons. Dans son discours d’aujourd’hui, le pape a oublié de mentionner la partie masculine, l’Époux, le Christ, la tête de l’Église, représentée dans le sanctuaire par le prêtre. L’exemple de la « démasculinisation » des enfants de chœur a entraîné une première confusion des rôles dans le sanctuaire. Certains voient comme conséquence logique la baisse des vocations sacerdotales.

2- La théorie des sexes de l’ Époux et de l’ Épouse, du Christ et de l’Église, reprise par le pape François, même si c’est de manière très sentencieuse, pour ne pas dire brutale, et qui a toujours été comprise ainsi par l’Église, n’est cependant pas suivie par le pape lui-même dans son agenda-homo accentué, qui est plutôt en contradiction ouverte avec cette théorie.

3- Mais qu’en est-il du « péché », même d’un « grand péché », que François a identifié ? Outre le caractère douteux du choix du terme, cette affirmation supposerait un acte conscient de « masculinisation ». Celui-ci a-t-il eu lieu ? Il s’agit là d’un sujet d’histoire de l’Eglise dont l’étude est certainement très intéressante pour les historiens. Reste à savoir si cela vaut aussi pour la situation actuelle de l’Église. Mais on sait aussi que les femmes constituent depuis longtemps la majeure partie de « l’Église », c’est-à-dire des fidèles dans la nef. La « démasculinisation » y a eu lieu depuis longtemps, sauf dans les communautés de la tradition. On sait ce que veulent les féministes, particulièrement nombreuses dans la théologie dévoyée. Mais les femmes croyantes attendent-elles que l’Église établisse des quotas ?

4- Et d’ailleurs, qui nomme la Commission théologique internationale ? C’est le pape. François a nommé les membres du 10e quinquennat, mais aussi ceux du 9e. La nomination des membres de l’actuel 10e quinquennat a eu lieu en 2021. Ou bien l’invitation à la réflexion signifie-t-elle que les membres actuels doivent réfléchir aux femmes que François pourrait encore nommer à la Commission pour – oui, quoi exactement – se rapprocher d’un quota ?

5- Enfin, il y a une contradiction dans le bref discours de François. Ce qui le dérange et qui a motivé ses déclarations, c’est le fait que la Commission théologique ne compte que cinq femmes, au lieu de la parité de quatorze qu’il avait peut-être en tête. Mais dès la phrase suivante, il a déclaré que la question « ne sera pas résolue par la voie ministérielle. Elle sera résolue par la voie mystique, par la voie royale ». S’agit-il donc d’une question structurelle au sens d’un quota ou d’une question théologique ?

Lors de la rencontre d’aujourd’hui avec les membres de la Commission théologique internationale, François a d’abord fait ce qu’il aime particulièrement faire. Il a pris une pierre qui lui plaisait et l’a jetée dans l’eau, la faisant tourbillonner – et il observe et se réjouit.

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