Le cardinal Burke doit célébrer la messe de l’Epiphanie dans une paroisse romaine, l’église Santissima Trinità dei Pellegrini (que, par un décret de 2008, Benoît XVI avait érigée en « paroisse personnelle », confiée à la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, et où l’on célèbre la « messe en latin »). Dans une lettre adressée à AM Valli, le vaticaniste allemand Armin Schwibach (*), qui vit à Rome et qui fréquente cette paroisse s’inquiète que l’on tente « d’introduire dans ce lieu sacré, dans ce lieu vécu par une communauté vraiment libre, un élément démonstratif de dissidence ». Et, dans un témoignage très personnel, il rappelle que Benoît XVI « a voulu la paix liturgique, notre paroisse est un lieu de cette paix et doit le rester, sans entrer dans des polémiques néfastes, des revendications vaines ou des combats ».

(*) Voir ici le très beau récit de sa visite au monastère Mater Ecclesiae en 2014: Sur la montagne avec Benoît XVI

La paroisse de la Santissima Trinità dei Pellegrini, lieu de paix et non de confrontation.

Je me permets de t’écrire à propos de l’annonce que tu as faite dans Duc in altum à propos de la messe qui sera célébrée à Rome par le cardinal Burke dans l’église de la Sainte-Trinité des Pèlerins.

Je voudrais te rappeler que notre paroisse est un lieu de prière, une paroisse « normale ». Chaque dimanche, elle est remplie de personnes qui veulent simplement prier et assister à la Sainte Messe (ainsi qu’à de nombreuses autres initiatives). Elle n’a jamais été un lieu de manifestation ou quoi que ce soit de ce genre, jamais un lieu pour cultiver le ressentiment, jamais un lieu de tristesse ou de nostalgie. C’est un lieu de conscience, de beauté simple et de jouissance de ce qui est vraiment catholique : la vie immergée dans le mystère du salut, la réalité de la promesse.

Ce sont précisément les mots du premier curé, le père Kramer : nous sommes normaux, nous sommes une paroisse, une paroisse pleine de jeunes, d’enfants, de gens qui veulent être proches de Dieu. Et il en est ainsi depuis le premier jour d’ouverture en 2008. J’étais présent quand la paroisse personnelle a commencé sa vie et quand, pendant la messe, le décret du cardinal Ruini, vicaire de Sa Sainteté pour le diocèse de Rome, a été lu.

En 2017, j’ai eu (une fois de plus) la grâce de pouvoir rencontrer le pape Benoît XVI au Vatican. Nous étions assis dans ce petit salon que le monde entier connaît désormais. Ironiquement, j’étais dans le même fauteuil que celui dans lequel François s’est également assis lors de ses rares visites au monastère (et qui étaient importantes avant tout pour faire prendre de jolies photos).

Le pape m’a consacré une heure de son temps, comme il l’avait fait à d’autres occasions, mais une heure passée ensemble avec Benoît XVI m’a semblé un temps plongé dans l’éternité. Bien sûr, il s’agissait d’une interview en toute confiance et, comme tu peux l’imaginer, en toute confidentialité. Quoi qu’il en soit, je peux et je veux dire une chose. À cette occasion, le pape voulait savoir comment les choses se passaient dans la paroisse. Nous avons donc parlé de la situation, du don de Summorum Pontificum, des fruits tangibles de la mesure, au-delà de toute forme d’idéologie ou de polémique. J’ai parlé des enfants à la première communion, du catéchisme, du bon travail des prêtres et de bien d’autres choses encore. Le pape était particulièrement satisfait de ce que je continuais à appeler la normalité de la vie paroissiale, une normalité qui faisait briller encore plus les yeux du pontife. Car c’était exactement ce qu’il avait voulu lorsqu’il avait créé la paroisse.

Aujourd’hui encore, en des temps devenus plus difficiles, cette normalité continue d’être la richesse de la paroisse. Je regretterais donc beaucoup que l’on tente maintenant d’introduire dans ce lieu sacré, dans ce lieu vécu par une communauté vraiment libre, un élément démonstratif de dissidence, même s’il est déguisé en solidarité.

Notre paroisse n’est pas une congrégation de personnes idéologisées, mais un lieu de prière, de beauté, de tranquillité, où il est normal de respirer l’air catholique, l’air des millénaires déversé dans le présent. Et c’est précisément ce que veut la Fraternité Saint-Pierre, suivre la volonté du pape Benoît, sans la tendance haineuse et malheureusement répandue à l’opposition.

En ces heures de mémoire spéciale et sacrée du pape Benoît XVI, docteur de l’Église au sens propre du terme, une chose doit précisément être soulignée : il voulait la paix, il voulait que l’Église jouisse de cette paix et grandisse ainsi dans la vérité du Logos fait chair. Selon les propres paroles de saint Paul aux Romains :  » Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : c’est là votre culte spirituel (logikē latreia)  » (Rm 12,1). Voici le mot clé : le culte spirituel, qui mène au mystère sublime.

Ainsi, la messe de samedi prochain, à mon avis, doit être vue exactement dans cette dimension, dans cette perspective. Non pas une messe de partisans, mais une messe du peuple de Dieu qui suit le chemin de la prière indiqué par le pape Benoît XVI. Notre église de la Très Sainte Trinité des Pèlerins, notre paroisse qui nous a été donnée par le Pontife, ne connaît pas la controverse, mais offre la possibilité de respirer l’air de la vraie liberté : la liberté que seule la vérité peut donner.

La messe commence par la prière peut-être la plus belle (du moins pour moi) : « Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam », « Je m’approcherai de l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse », « Emítte lucem tuam et veritátem tuam : ipsa me deduxérunt et adduxérunt in montem sanctum tuum, et in tabernácula tua », « Accorde-moi ta faveur et ta grâce, qu’elles me guident et me conduisent à ta montagne sainte, et à tes tabernacles ». Cette prière reflète et dit tout. C’est, comme nous le dirions aujourd’hui, un programme.

Benoît XVI a voulu la paix liturgique, notre paroisse est un lieu de cette paix et doit le rester, sans entrer dans des polémiques néfastes, des revendications vaines ou des combats.

Un salut amical, en pensant aux bénédictions du pape Benoît XVI qui veille sur nous depuis le ciel !

Armin Schwibach

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