Plongeant dans l’histoire et s’appuyant sur le magistère de l’Eglise tel qu’il a été enseigné pendant des siècles, Roberto de Mattei regrette la publicité faite autour du livre scabreux de Tucho Fernandez (notamment dans le milieu de la Tradition), illustrant la raison d’être d’une institution qui a été supprimée par Paul VI en 1966 (quand le Saint-Office est devenu Congrégation pour la doctrine de la foi, le changement de nom, comme aujourd’hui, n’est pas innocent), l‘Index des livres interdits: le livre de Fernandez, dit-il aurait sans doute été mis à l’Index par la Congrégation qu’il préside aujourd’hui!

Roberto de Mattei

Ces derniers jours, dans les blogs catholiques d’orientation traditionnelle, des deux Amériques à l’Europe, on a beaucoup parlé d’un livre scandaleux, publié en 1998 par l’actuel préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, Víctor Manuel Fernández. Dans ce livre, qui s’intitule Passion mystique, sensualité et spiritualité, on trouve de nombreuses pages scabreuses, qui suscitent une indignation justifiée, mais qui sont diffusées, à mon avis, d’une manière imprudente. Le livre a eu plus de lecteurs que lors de sa parution, et la plupart de ces lecteurs sont des traditionalistes, aussi outrés qu’ils puissent être par cette lecture. Mais est-il opportun de s’attarder sur des pages où sensualité et spiritualité se confondent de manière aussi morbide ?

Saint Paul, dans l’épître aux Éphésiens, dit :

« Quant à l’impudicité et à toute espèce d’impureté ou de convoitise, que personne n’en parle entre vous, comme il convient à des saints ; qu’il en soit de même pour la vulgarité, les injures, les futilités : toutes ces choses sont inconvenantes. Au contraire, qu’on rende grâce ! » (Éphésiens 5:3-4).

Pourquoi ne faut-il pas parler de choses impures ?

Parce que parler de choses impures, ou lire des pages immorales, ne serait-ce que pour les critiquer, nourrit l’imagination qui dépeint les scènes décrites en détail : les sens sont inévitablement troublés et la volonté est tentée. On finit par prendre plaisir à ce que l’on condamne.

C’est pour cela qu’il existait l‘Index des livres interdits, supprimé en 1966 lors de la création de la Congrégation pour la doctrine de la foi. L’interdiction concernait la lecture de livres hérétiques et immoraux et visait à préserver les âmes du danger de tomber dans le péché, intellectuellement ou moralement. Aujourd’hui, comme à l’époque de saint Paul, nous parlons trop librement de beaucoup de choses qui devraient être tues. On rit et on plaisante sur des sujets plus ou moins scabreux, on déplore les scandales, mais on est intrigué par tous leurs détails.

Le 7 juin 1929, le cardinal Rafael Merry del Val signe la préface d’une nouvelle édition de l’Index des livres interdits, la dernière publiée par le Saint-Office. Le secrétaire du Saint-Office s’exprime ainsi :

« Au cours des siècles, la Sainte Église a enduré de grandes et terribles persécutions, multipliant peu à peu les héros qui ont scellé la foi chrétienne par le sang ; mais aujourd’hui, une bataille bien plus terrible l’émeut depuis l’enfer, tout aussi insidieuse et fade que délétère, et c’est la presse [l’édition] maléfique.

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Aucun danger plus grand que celui-ci ne menace l’intégrité de la foi et de la coutume, et c’est pourquoi l’Église ne cesse de le signaler aux chrétiens, afin qu’ils prennent garde.

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Les livres irréligieux et immoraux sont parfois écrits dans un style envoûtant, traitent souvent de sujets qui caressent les passions charnelles ou flattent l’orgueil de l’esprit, toujours alors avec des artifices étudiés et des simulacres de toutes sortes, ils visent à capturer l’esprit et le cœur des lecteurs imprudents ; il est donc naturel que l’Église, en tant que mère providentielle, par ses interdictions opportunes, avertisse les fidèles afin qu’ils n’approchent pas leurs lèvres des calices faciles du poison.

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Ce n’est donc pas par crainte de la lumière que le Saint-Siège interdit la lecture de certains livres, mais par ce zèle avec lequel Dieu l’enflamme et qui ne tolère pas la perte des âmes, enseignant par la même expérience que l’homme, déchu de la justice originelle, est fortement enclin au mal et a par conséquent un besoin extrême de protection et de défense ».

Le 3 mai 1927, le Saint-Office condamne ce qu’on nomme « littérature mystico-sensuelle » par l’Instruction Inter mala, qui déclare notamment :

« Parmi les maux les plus mortels qui corrompent totalement la morale chrétienne de nos jours et font beaucoup de mal aux âmes rachetées par le précieux Sang de Jésus-Christ, il y a surtout la littérature qui favorise les passions sensuelles, la luxure et une certaine forme de mysticisme lascif. De ce caractère sont surtout les romans, les nouvelles, les drames, les comédies : écrits qui tous se multiplient aujourd’hui d’une manière incroyable et se répandent de plus en plus partout ».

Le livre du cardinal Víctor Manuel Fernández, Passion mystique, sensualité et spiritualité, aurait probablement été mis à l’Index par la Congrégation qu’il préside aujourd’hui et aurait été interdit de lecture aux catholiques. Le canon 1308 § 1 du Code de droit canonique stipulait :

L’interdiction des livres signifie que le livre ne peut être imprimé, lu, détenu, vendu, ou traduit dans une autre langue sans une licence en bonne et due forme, ni passer d’une manière ou d’une autre de l’un à l’autre ».

L’Index des livres interdits n’est plus, mais le principe demeure : ce qui est mauvais ne doit ni être lu ni circuler.

Il semble qu’aujourd’hui le livre du cardinal Fernández a providentiellement disparu de toutes les bibliothèques. Toutefois, il est quelque peu paradoxal qu’il ait eu son plus grand succès public dans le monde traditionaliste, même s’il a été condamné par le peuple.

La meilleure réaction contre les livres immoraux n’est pas de les diffuser pour montrer leur obscénité, mais de rappeler l’importance des vertus opposées à celles qui sont offensées, comme dans ce cas la pureté.

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L’Évangile dit : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5,8), et La Sainte Vierge a dit à sainte Jacinthe de Fatima que les péchés qui conduisent la plupart des âmes en enfer sont ceux qui vont à l’encontre de la pureté. En effet, comme nous le rappelle saint Paul : « Aucun fornicateur, aucun impur, aucun avare – ce qui est l’apanage des idolâtres – n’aura part au royaume du Christ et de Dieu » (Éphésiens 3:5).

Au contraire, la pureté de l’esprit et du corps est un programme de vie qui, avec l’aide de Dieu, ouvre les portes du Paradis.

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