Vidéo. C’était il y a 12 ans. Le 15 février 2012, Benoît XVI se rendait au Grand Séminaire pontifical romain à l’occasion de la fête de Notre-Dame de la Confiance et y prononçait une lectio magistralis, commentant deux versets de l’épître de Paul aux Romains (Rm 12:1-2): ce serait réducteur de la qualifier de mémorable, elle était conforme à toutes ses interventions publiques (et toutes les comparaisons avec ce que nous vivons en ce moment sont malheureusement vaines).

(*) C’était la première leçon de « L’école Ratzinger », il y a un an.

La vidéo ressort ces jours-ci sur plusieurs blogs italiens (mais sans mention de date), en particulier sur Messa in latino, qui commente sobrement: « Une magnifique brève vidéo de Benoît XVI, à voir en entier ».

Sans parler de l’émotion de réentendre la voix du Saint-Père, il faut en effet relire le texte en entier. Je l’avais à l’époque traduit en français (et c’est ma traduction que je propose ici, plutôt que celle officielle sur le site du Vatican, que je trouve un peu trop éloignée de la version originale).

Voici le passage correspondant à la vidéo:


«Ne vous conformez pas à ce monde.»

(traduction: benoit-et-moi.fr/2012)

(…) Saint Paul poursuit «Ne vous conformez pas à ce monde.»

Il y a un non-conformisme du chrétien qui ne se laisse pas conformer. Cela ne signifie pas que nous voulons fuir monde, que nous ne sommes pas intéressés par le monde; au contraire, nous voulons nous transformer nous-mêmes et nous laisser transformer, transformant ainsi le monde. Et nous devons garder à l’esprit que dans le Nouveau Testament, en particulier dans l’Evangile de saint Jean, le mot «monde» a deux significations, et indique donc le problème et la réalité dont il s’agit. D’une part, le «monde» créé par Dieu, aimé de Dieu, au point de se donner lui-même et son Fils pour ce monde; le monde est une créature de Dieu, Dieu l’aime et veut se donner lui-même afin qu’il soit réellement création et réponse à son amour.

Mais il y a aussi l’autre concept de «monde», kosmos houtos: le monde qui est dans le mal, qui se trouve dans le pouvoir du mal, qui reflète le péché originel.

Nous voyons ce pouvoir du mal aujourd’hui, par exemple, dans deux grands pouvoirs, qui en eux-mêmes sont utiles et bons, mais qui sont facilement susceptibles d’abus: le pouvoir de la finance et le pouvoir des médias. Tous deux nécessaire, car ils peuvent être utiles, mais tellement susceptibles d’abus que, souvent, ils deviennent le contraire de leurs véritables intentions.

Nous voyons comment le monde de la finance peut dominer l’homme, que ‘l’avoir’ et le ‘paraître’ dominent le monde et l’asservissent. Le monde de la finance ne représente plus un instrument pour favoriser le bien-être, pour favoriser la vie de l’homme, mais devient un pouvoir qui l’opprime, qui doit presque être adoré: «Mammon», la vraie fausse divinité qui domine le monde. Contre ce conformisme de la soumission à ce pouvoir, nous devons être non-conformistes: ce qui compte, ce n’est pas avoir, c’est d’être! Ne nous soumettons pas à cela, utilisons-le comme un moyen, mais avec la liberté des enfants de Dieu

Et puis l’autre, le pouvoir de l’opinion publique.

Certes, nous avons besoin d’informations, de connaissance de la réalité du monde, mais il peut être aussi un pouvoir de l’apparence; à la fin, ce qui est dit est plus important que la réalité elle-même. Une apparence se superpose à la réalité, devient plus importante, et l’homme ne suit plus la vérité de son être, mais il veut surtout paraître, être conforme à ces réalités. Et contre cela aussi, il y a le non-conformisme chrétien: nous ne voulons pas être toujours «conformés», loués, nous voulons non pas l’apparence, mais la vérité, et cela nous donne la liberté, et la liberté vraiment chrétienne: la libération de ce besoin de plaire, de parler comme la masse pense que ce devrait être, et avoir la liberté de la vérité, et ainsi recréer le monde de telle sorte que personne ne soit opprimé par l’opinion, par l’apparence qui ne laisse plus émerger la réalité elle-même; le monde virtuel devient plus réel , plus fort et on ne voit plus le monde réel de la création de Dieu. Le non-conformisme chrétien nous rachète, nous restitue à la vérité. Prions le Seigneur de nous aider à être des hommes libres dans ce non-conformisme qui n’est pas contre le monde, mais qui est l’amour vrai du monde.

Et saint Paul continue: «Transformez-vous, renouvelant votre mode de penser» (v. 2). Deux mots très importants: «transformer», du grec metamorphon, et «renouveler», en grec anakainosis. Nous transformer nous-mêmes, nous laisser transformer par le Seigneur dans la forme de l’image de Dieu, nous transformer chaque jour de nouveau à travers sa réalité, dans la vérité de notre être. Et «renouvellement»: ceci est la vraie nouveauté: que nous ne nous soumettions aux opinions, aux apparences, mais à la Grâce de Dieu, à sa révélation. Laissons-nous former, façonner, afin qu’apparaisse vraiment en l’homme l’image de Dieu.

«Renouvelant – dit Paul, de façon surprenante pour moi – la façon dont vous pensez». Donc, ce renouvellement, cette transformation commence avec le renouvellement de l’acte de penser. Saint Paul dit, «o nous»: tout notre mode de raisonnement, la raison elle-même, doit être renouvelé. Renouvelé non selon les catégories de l’habitude, renouveau signifie réellement se laisser éclairer par la vérité qui nous parle dans la Parole de Dieu. Et ainsi, enfin, apprendre la nouvelle façon de penser, qui est la façon qui obéit non pas au pouvoir et à l’avoir, au paraître, etc., mais qui obéit à la vérité de notre être qui habite au plus profond de nous et qui nous est redonnée dans le Baptême.

«Renouveler la façon de penser»: chaque jour, c’est une tâche dans le chemin de l’étude la théologie, de la préparation à la prêtrise. Bien étudier la théologie, spirituellement, la penser à fond, méditer sur les Ecritures tous les jours: cette manière d’étudier la théologie, à l’écoute de Dieu lui-même qui nous parle est la voie du renouveau de la pensée, de la transformation de notre être et du monde.

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