La NBQ vient de mettre en ligne un document exclusif traduit (chose inhabituelle) dans toutes les principales langues, y compris en français. Le document, intitulé « Le Vatican demain » [« Demos II »], apparaît comme la réactualisation du texte produit en 2022 sous le titre « Le Vatican aujourd’hui » [« Demos », cf. ICI] par la plume, ou sous la responsabilité du défunt cardinal Pell. Peut-on supposer que le cardinal à l’origine de l’initiative, et qui a recueilli les témoignages de ses frères revêtus de la pourpre est le cardinal Müller? (car qui d’autre a l’énergie, le bagage théologique et l’autorité pour le faire?)

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Le temps presse, et ce manifeste résonne de façon singulière avec l’actualité, alors que la santé du Pape se dégrade visiblement, la salle de presse du Vatican publie des communiqués de plus en plus fréquents et de plus en plus laconiques nous informant qu’il a dû annuler tel et tel engagement, suite à une « mauvaise grippe » – qui par exemple l’a contraint hier, au terme de l’Audience du mercredi, où il est apparu très affaibli, à se rendre précipitamment à Gemelli pour y subir entre autre un énième scanner.

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La NBQ
29 février 2024

Deux ans après le texte signé ‘Demos’ (dont il a été révélé par la suite qu’il avait été écrit par le Cardinal Pell), un nouveau document anonyme, lié au premier, définit les sept priorités du prochain Conclave pour réparer la confusion et la crise créées par ce Pontificat.

La Nuova Bussola Quotidiana publie un document exclusif en six langues, destiné à circuler parmi les cardinaux en vue du prochain conclave et parmi les fidèles comme matière à réflexion sur les priorités de l’Eglise. Le texte a été rédigé principalement par un cardinal qui a recueilli les suggestions d’autres cardinaux et évêques. Ceux-ci ont choisi de rester anonymes pour les raisons expliquées dans la lettre.

LE VATICAN DEMAIN

En mars 2022 parut un texte anonyme signé « Demos » et intitulé « Le Vatican aujourd’hui » qui soulevait un certain nombre de questions graves et de critiques à propos du pontificat du pape FrançoisOr, la situation de l’Église depuis la parution de ce texte n’a que peu changé, et certainement pas en mieux. Les pensées ci-dessous visent donc à repartir de ces réflexions originelles pour en bâtir d’autres à la lumière des besoins de l’Église de demain.

Les dernières années d’un pontificat, quel qu’il soit, sont l’occasion d’évaluer la situation actuelle de l’Église, ainsi que les besoins futurs de l’Église et de ses fidèles. Il est clair que la force du pontificat du pape François est l’accent particulier qu’il a mis sur la compassion envers les plus fragiles, l’aide aux pauvres et aux marginalisés, le souci de la dignité de la création et des problèmes qui en découlent pour l’environnement, ainsi que les efforts pour accompagner ceux et celles qui sont en souffrance et portent des fardeaux insupportables.

Les limites de ce pontificat sont tout aussi évidentes : un style de gouvernance autocratique et parfois en apparence vindicatif, une incurie juridique, une intolérance envers tout désaccord, fût-il respectueux, et – plus grave encore – une tendance constante à l’ambiguïté en matière de foi et de mœurs qui sème la confusion parmi les fidèles. Or, la confusion engendre la division et le conflit ; elle mine la confiance dans la Parole de Dieu ; et elle affaiblit le témoignage évangélique. Le résultat, aujourd’hui, est une Église plus divisée que jamais dans son histoire récente.

Le pontificat suivant aura donc comme tâche celle de retrouver et de rétablir les vérités qui se sont progressivement obscurcies ou perdues chez beaucoup de chrétiens. Parmi ces vérités, on trouve entre autres celles-ci :

(a) nul ne peut être sauvé que par Jésus-Christ, et Lui seul, comme il l’a lui-même clairement énoncé ;

(b) Dieu est miséricordieux, mais Il est aussi juste ; Il a le souci de chaque vie humaine en particulier, ce qui veut dire qu’Il nous pardonne, mais qu’Il nous demandera aussi des comptes ;

(c) l’homme, créature de Dieu, ne s’invente pas lui-même ; il est une créature dotée non seulement d’émotions et d’appétits, mais aussi d’intelligence, de libre arbitre, et d’une destinée éternelle ;

(d) il existe des vérités objectives et immuables sur le monde et la nature humaine, qui peuvent être connues à travers la Révélation Divine et par l’exercice de la raison ;

(e) la Parole de Dieu consignée dans la Sainte Écriture est fiable et a une force permanente ;

(f) le péché existe réellement et ses effets sont mortels ; et enfin,

(g) l’Église de Dieu a à la fois l’autorité et le devoir de « faire de toutes les nations des disciples ». Si l’on n’embrasse pas joyeusement ce travail d’amour missionnaire et salvifique, cela a de réelles conséquences. Comme dit Paul en 1 Cor 9, 16 : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »

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De la tâche et de la liste que l’on vient d’établir découlent quelques observations pratiques.

Premièrement : en pratique, tout autoritarisme sape l’autorité elle-même. Le Pape est le Successeur de Pierre et le garant de l’unité de l’Église. Mais il n’est pas un autocrate. Il ne peut pas changer la doctrine de l’Église et il ne doit pas non plus en inventer ou en changer la discipline de façon arbitraire. Il doit la gouverner collégialement avec ses frères évêques dans leurs diocèses particuliers. Et il doit toujours le faire en fidélité continue à la Parole de Dieu et au Magistère de l’Église. Les « paradigmes nouveaux » et « nouveaux sentiers inexplorés » qui s’écartent de l’une ou de l’autre ne sont pas de Dieu. Le nouveau Pape devra revenir à l’herméneutique de continuité dans la vie catholique et réaffirmer la compréhension qu’a Vatican II du rôle propre de la papauté.

Deuxièmement : si l’Église n’est pas une autocratie, elle n’est pas non plus une démocratie. L’Église appartient à Jésus-Christ : elle est son Église. Elle est le Corps mystique du Christ, composé d’une multitude de membres. Nous n’avons aucune autorité pour en remodeler les enseignements et les adapter plus commodément au monde. En outre, le sensus fidelium catholique n’est une question ni de sondages, ni même d’opinion majoritaire parmi les baptisés. Il ne se trouve vraiment que chez ceux et celles qui croient vraiment et mettent activement en pratique la foi et les enseignements de l’Église, ou du moins, s’y efforcent avec sincérité.

Troisièmement : l’ambigüité n’est ni évangélique ni signe d’accueil. Bien plutôt, elle sème le doute et nourrit des pulsions schismatiques. L’Église est une communauté non seulement de la Parole et des sacrements, mais aussi de foi. Ce que nous croyons aide à nous définir et nous soutenir. Ainsi, les questions de doctrines ne sont ni des fardeaux imposés par des « docteurs de la Loi » insensibles, ni des à-côtés exagérément intellectuels de la vie chrétienne. Au contraire, elles sont indispensables pour vivre une vie chrétienne authentique, parce qu’elles concernent l’application de la vérité, et que la vérité demande de la clarté, non des nuances ambivalentes. Dès le départ, ce pontificat s’est posé en opposition à la force évangélisatrice et à la clarté intellectuelle de ses prédécesseurs immédiats. Le démantèlement et la réorientation de l’Institut pontifical Jean-Paul II d’études sur le mariage et la famille à Rome, tout comme la mise à l’écart de textes comme Veritatis Splendor, sont des signes que la « compassion » et les émotions ont été exaltées aux dépens de la raison, de la justice et de la vérité. Pour une communauté de foi, c’est à la fois malsain et périlleux.

Quatrièmement : l’Église catholique, en plus d’être une communauté de la Parole, des sacrements et de foi, est aussi une communauté juridique. Le droit canon ordonne la vie de l’Église, harmonise ses institutions et ses procédures, et garantit les droits des fidèles. Or, parmi les notes du pontificat actuel, on trouve un recours excessif aux motu proprio comme outil de gouvernance, ainsi qu’une incurie et une aversion en général envers les détails du droit canon. Ici encore, comme pour l’ambiguïté de la doctrine, le mépris pour le droit canon et la juste procédure canonique sapent la confiance dans la pureté de la mission de l’Église.  

Cinquièmement : l’Église, telle que Jean XXIII en dressa le magnifique portrait, est mater et magistra, « mère et éducatrice » de l’humanité, non sa domestique obséquieuse ; elle défend l’homme comme sujet de l’histoire, non comme son objet. Elle est l’épouse du Christ ; elle est de nature personnelle, surnaturelle et intime, non pas simplement institutionnelle. Elle ne peut jamais se réduire à un système d’éthique flexible ou à d’analyse sociologique, à remodeler au gré des instincts et des appétits (et des confusions sur le plan sexuel) d’une certaine époque. L’un des défauts principaux de ce pontificat est d’avoir abandonné une « théologie du corps » convaincante, ainsi que son manque d’anthropologie chrétienne persuasive, et ce, alors même que les attaques contre la nature et l’identité humaines sont en plein essor, du transgendérisme au transhumanisme.

Sixièmement : les voyages planétaires d’un pasteur comme le pape Jean-Paul II lui ont été de grande aide à cause de ses dons personnels et des circonstances de l’époque. Mais les temps ont changé. L’Église en Italie et à travers l’Europe – berceau historique de la foi – est en crise. Le Vatican lui-même a un urgent besoin d’un enthousiasme renouvelé, d’une purification de ses institutions, de ses procédures et de son personnel, ainsi que d’une réforme financière complète, pour faire face à un futur qui ne manquera pas de défis. Ce ne sont pas là des affaires de petite envergure. Elles exigent la présence, l’attention directe et l’engagement personnel de tout nouveau pape.

Septièmement, enfin : le Collège des cardinaux existe pour fournir des conseillers principaux au pape et, à sa mort, pour élire son successeur. Ce service exige des hommes au caractère trempé, dotés d’une formation théologique solide, d’une bonne expérience de gouvernement et de sainteté personnelle. Il exige aussi que le pape soit prêt à se solliciter les conseils et à les écouter. Il n’est pas clair dans quelle mesure ceci vaut pour le pontificat du pape François. Le pontificat actuel a placé l’accent sur la diversification du Collège, mais il a échoué à rassembler les cardinaux dans des consistoires réguliers visant une collégialité réelle et une confiance fraternelle. Par conséquent, bon nombre d’électeurs ayant droit de vote au prochain conclave ne se connaîtront pas vraiment les uns les autres, et pourront donc être plus sujets à manipulation. À l’avenir, si le Collège doit réellement être servir, les cardinaux qui le composent auront besoin de bien plus qu’une calotte rouge et un anneau. L’actuel Collège des cardinaux devrait être plus moteur pour que ceux-ci apprennent à mieux se connaître les uns les autres, afin de mieux comprendre leurs vues sur l’Eglise, leurs situations ecclésiales particulières et leurs personnalités – ce qui jouera sur leur choix du nouveau pape.

Les lecteurs se demanderont bien sûr pourquoi ce texte est anonyme. La réponse devrait être évidente au regard de l’ambiance actuelle à Rome. La franchise n’y est pas la bienvenue, et le fait d’en avoir peut avoir des conséquences néfastes. Et pourtant, on pourrait poursuivre ces réflexions à loisir, par exemple, en notant combien le pontificat actuel dépend beaucoup de la Compagnie de Jésus, ou bien le travail problématique récent du cardinal Victor Manuel Fernández du DDF, ou encore l’émergence d’une petite oligarchie de confidents ayant trop d’influence au Vatican – et ce, en dépit des prétentions décentralisatrices de la synodalité, entre autres.
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C’est précisément pour toutes ces raisons que les réflexions sous forme d’avertissement menées ici pourront s’avérer utiles dans les mois à venir. On espère que cette contribution pourra aider à guider les indispensables échanges sur ce à quoi le Vatican devrait ressembler pendant le pontificat suivant.

Demos II

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