Dans la situation dramatique que nous connaissons, nous aurions besoin de guerriers (au moins culturels) et nous avons des ronds-de-cuir timorés qui relaient docilement la doxa mainstream. C’est ce qui ressort de deux documents insipides émis par les évêques de la COMECE (Commission des Episcopats de l’Union européenne) en vue des prochaines élections européennes, que Stefano Fontana passe ici au crible. Ce n’est pas en égrenant des platitudes politiquement correctes qu’ils vont susciter l’engagement des électeurs, et surtout des jeunes.

la présidence de la Comece

Euroconformisme: Les évêques catholiques réduits à des fonctionnaires de l’UE

Stefano Fontana
lanuovabq.it/it/vescovi-cattolici-ridotti-a-funzionari-della-ue

Que viennent faire les épiscopats européens à Bruxelles ? Une question spontanée à en juger par les deux documents à l’approche du vote, où la doctrine sociale se fait rare et les clichés triomphent.

Que viennent faire les évêques catholiques de la COMECE à Bruxelles ? On ne peut éviter cette question en examinant deux de leurs récents documents produits à l’approche des prochaines élections parlementaires européennes de juin. La COMECE est la Commission des épiscopats européens auprès de l’Union européenne, elle a son siège à Bruxelles, elle est présidée par l’Italien Mgr Mariano Crociata, ancien secrétaire de la Conférence épiscopale italienne, et elle est composée de 24 évêques représentant les conférences épiscopales nationales, quatre d’entre eux faisant office de vice-présidents. Le premier document est un communiqué publié le 13 mars sous le titre Pour un vote responsable qui promeut les valeurs chrétiennes et le projet européen. Le second est un Kit catholique pour les jeunes européens, une boussole pour les jeunes appelés à voter aux élections européennes. En voyant ce que pas moins de 24 évêques ont produit pour l’occasion, on est très embarrassé pour eux, si l’on connaît ne serait-ce que de manière rudimentaire quelques éléments minimaux de la Doctrine sociale de l’Église.

Il est notoire que l’UE est en crise et dans un état de confusion. La liste de ses méfaits serait très longue. Le président Macron a exprimé la volonté d’inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, après l’avoir déjà inscrit dans la constitution française. Dans toute l’Union, les agriculteurs manifestent leur ras-le-bol face aux politiques du Green New Deal voulues par Bruxelles qui, poursuivant l’idéologie climatiste d’un réchauffement climatique attribué à des causes humaines, impose des mesures absurdes et antiéconomiques. Les pays de l’Union, peu ou prou, sont envahis par une migration clandestine incontrôlée tandis que l’islam atteint des pourcentages très élevés dans plusieurs villes, imposant sa civilisation. Les institutions européennes défendent et diffusent une culture homogène inspirée par la démocratie relativiste et le subjectivisme narcissique qui tue la famille et les autres dimensions naturelles de la vie sociale avec les « nouveaux droits ». Les différentes « transitions » préfigurent un système social qui, avec la numérisation et l’intelligence artificielle, contrôlera nos vies. Changer les traités risque d’accentuer le centralisme au détriment des nations. Sur la question de la guerre en Ukraine, l’Union se retrouve prise à contrepied et subordonnée à des décisions prises ailleurs. Et la liste pourrait s’allonger…

Face à cette authentique perte de repère qui provoque des dérives inquiétantes, les 24 évêques de la COMECE ne savent rien faire d’autre que réaffirmer le bien-fondé du projet européen, en rappelant que les hommes politiques catholiques en ont été à l’origine, inviter les citoyens à participer aux élections et à « voter pour les personnes et les partis qui soutiennent clairement le projet européen et dont nous pensons raisonnablement qu’ils vont promouvoir nos valeurs et notre idée de l’Europe, telles que le respect et la promotion de la dignité de chaque personne humaine, la solidarité, l’égalité, la famille et le caractère sacré de la vie, la démocratie, la liberté, la subsidiarité, la sauvegarde de notre maison commune« .

L’invitation à voter pour ceux qui soutiennent clairement le projet européen a pour but d’éviter de voter pour des partis d’opposition, ce que vont faire de nombreux catholiques exaspérés par cette Union. Le respect de la personne humaine est désormais un concept polyvalent et vide de sens puisque même Macron y fait appel. Solidarité, égalité, liberté, subsidiarité ne sont que des mots conventionnels et génériques si on ne les étaye pas à la lumière de la Doctrine sociale de l’Église. Dans les traités, par exemple, la subsidiarité est déjà envisagée, mais ce n’est pas celle de la pensée sociale catholique. La défense de l’environnement (la « maison commune ») ne pouvait manquer, mais que d’idéologie aujourd’hui sur ce front, un brouillard idéologique que les évêques de la COMECE dans leur communiqué ne songent pas à éclaircir. Enfin, la famille et la vie : mais face aux défis d’aujourd’hui, suffit-il de se limiter à mentionner ces deux mots dans une liste, ou ne fallait-il pas parler un peu plus fort et taper quelques poings sur la table ? Ce communiqué a toute la saveur d’un texte rédigé par des évêques-fonctionnaires, plus bureaucrates qu’évêques, aseptisés, froids, alignés, timides et craignant de brouiller quelques cartes sur la table.

Le kit pour les jeunes est encore plus fade et plus mou. Il se compose de cinq courtes fenêtres, toutes (sauf une) rigoureusement accompagnées de citations de François sur la politique, la citoyenneté, le bien commun et la sauvegarde de la création, l’UE en tant que communauté d’appartenance, l’esprit critique.

Un jeune lecteur est amené à penser que la Doctrine sociale de l’Église est un générique « aimons-nous les uns les autres et participons aux élections ». Aucune question sérieuse n’émerge, aucune mention n’est faite du travail, de la défense de la vie, de la vraie nature de la démocratie, de la biopolitique, de la relation entre la politique et la morale, des fondements de la solidarité. Il n’y a pas d’évaluation critique du projet européen ni d’évaluation pour l’avenir. Et surtout, il n’est jamais fait mention de Dieu et du Christ. En pratique, de l’eau de rose, avec de nombreuses concessions aux lieux communs inventés par la pensée dominante : l’accusation de  » populisme « , l’éloge des « leaders populaires », la focalisation sur l’utilisation des réseaux sociaux – un sujet qu’il ne coûte rien d’aborder -, l’Union européenne présentée comme une « communauté », le bien commun réduit à celui écologique, l’action pour le climat, les jérémiades sur la baisse du taux de participation. Et à la fin, bien sûr, en bons fonctionnaires, les indications pratiques sur comment voter.

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