Eh bien, à chacun de se faire son opinion, évidemment, je devrais ajouter, « sous réserve de l’avoir lu » (*), mais je crois plus raisonnable de préciser « si l’on en croit les médias », puisque la perception des médias sera la seule porte d’accès pour la très grande majorité des catholiques.
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Les médias (j’inclus les blogs dans cette catégorie), quand ils en ont parlé, ont souligné, qui avec dépit, qui avec soulagement (selon leur orientation), que le Pape, ou son préfet, avait confirmé les points fixes de la morale catholique, réaffirmant l’opposition à l’avortement, à l’idéologie gender, au mariage gay, et ainsi de suite. C’est certes une bonne chose, mais c’est oublier un peu vite ce qui avait précédé, et surtout la personnalité de l’auteur (des auteurs) du texte, et les choses ne sont peut-être pas aussi simples.

(*) La version en français est sur le site de Vatican (www.vatican.va/roman_curia), et en passant, je suis effarée par la pauvreté de la traduction, qui « sent » son Google translator à plein nez: certaines tournures ne trompent pas, et quand on compare avec les traductions d’avant François, on se dit que les bureaux de la curie sont tombés bien bas.
A part ce détail technique, les lecteurs curieux pourront trouver des passages qui effectivement inspirent des soupçons légitimes sur les intentions du pape, comme par exemple cette phrase se référant au gender et citant… François: « Il ne faut pas ignorer que “le sexe biologique (sex) et le rôle socioculturel du sexe (gender), peuvent être distingués, mais non séparés” ».

L’intellectuel catholique américain Robert Royal propose sur le blog « The Catholic Thing » une analyse critique intéressante qui s’ouvre sur une anecdote savoureuse et très significative:

La lecture de la Déclaration sur la dignité humaine (« Dignité infinie »), publiée par le Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF) hier, me rappelle une vieille histoire de professeur et d’élève. Un élève remet sa dissertation au professeur qui lui rend avec le commentaire suivant : « Ce que tu as écrit ici est à la fois bon et nouveau. Malheureusement, ce qui est bon n’est pas nouveau, et ce qui est nouveau n’est pas bon… ». .

Mais laissons là l’histoire. Et suivant la règle chrétienne de la charité en toutes choses, disons de la Déclaration que ce qu’elle contient de nouveau est… encore à déterminer.

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Car dans à peu près la première moitié de ses soixante-six paragraphes, le document cherche à se situer dans la lignée des papes récents et de l’enseignement catholique classique. Il cite Paul VI, JPII, Benoît, François (environ la moitié des citations, bien sûr). Et dans une note de bas de page, il remonte même jusqu’à Léon XIII, Pie XI et XII, et les documents Dignitatis humanae et Gaudium et spes de Vatican II.

(…)

Tout cela ne peut qu’inciter le lecteur averti à penser que les rédacteurs – et ceux qui ont approuvé le texte final – ont voulu mettre en avant de nombreuses preuves à décharge contre toutes les objections qui pourraient suivre.

Et inévitablement, les objections suivront. Car à plusieurs égards, cette apothéose de la dignité humaine soulève plus de questions qu’elle n’en résout. (La dignité humaine « infinie » entre les mains de Jean-Paul II était une chose ; aujourd’hui, elle peut signifier quelque chose de très différent).

(…)

https://www.thecatholicthing.org/2024/04/09/a-dignity-still-to-be-determined/

Le blog espagnol Specola, qui selon son habitude propose une revue de presse « réécrite », cite les commentaires de lecteurs, qui me semblent plutôt bien vus.

En regardant Tucho présenter quelque chose, quoi que ce soit, on doit se méfier. La vision du pornocardinal parlant de dignités et de vertus tombe d’elle-même. Il peut asséner les vérités du bateleur, elles le sont peut-être, mais impossible de se départir de notre méfiance à l’égard de quelqu’un qui a les antécédents que nous connaissons tous. Sa présentation était des plus imprésentable, intolérable, une provocation indigne, venant de quelqu’un qui est là où il est, alors qu’il ne devrait pas y être.

Certains lecteurs nous ont envoyé leur avis :

Le document Dignitas infinitas me semble très dangereux, car il a l’apparence de l’orthodoxie, mais il est parfaitement calculé. La partie orthodoxe est l’introduction, où l’on parle du concept de dignité humaine, et où l’on cite JPII, BXVI ou Paul VI. Et même saint Thomas d’Aquin. Et la partie qui condamne l’avortement et l’euthanasie et la gestation pour autrui est également orthodoxe. Mais dans tout le reste, c’est-à-dire dans la partie hétérodoxe, les renvois au « magistère » de Bergoglio sont constants, comme il ne pouvait en être autrement. Il introduit donc en douce les thèmes obsessionnels de Bergoglio, qu’il consacre, comme le changement climatique, l’immigration de masse, l’interdiction de la peine de mort..

Le pire, c’est qu’il semble être contre l’idéologie du genre, et c’est ainsi que cela va être vendu par l’Église, mais ce n’est pas vrai : parce qu’il laisse échapper aussi au passage qu’il y a des gens avec des orientations sexuelles différentes (ce que le magistère de l’Église ne conçoit pas), il dit que le sexe biologique peut être « distingué » du sexe en tant qu’orientation ou genre, bien qu’il ne puisse pas être « séparé », ce qui implique qu’il accepte l’homosexualité ou le lesbianisme, mais pas la transsexualité. Cependant, en ce qui concerne cette dernière, lorsqu’il s’agit de condamner la transsexualité, il le fait sans conviction, puisqu’il dit que « en règle générale (ces opérations) courent le risque de porter atteinte à la dignité des personnes », alors qu’il est clair qu’elles l’affectent toujours et dans tous les cas.

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https://infovaticana.com/blogs/specola/a-vueltas-con-la-dignitas-infinita-las-entrevistas-del-papa-francisco-brandmuller-y-alemania-china-y-los-franciscanos-el-vaticano-denuncia-por-difamacion-siri-a-los-sacerdotes/
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