Intéressante réflexion de l’écrivain catholique allemand Martin Mosebach, reprise ici par Giuseppe Nardi.,Conçu au départ pour étouffer la tradition, le motu proprio papal pourrait être au contraire l’un des moteurs de sa renaissance:

En réalité, le motu proprio bergoglien fait exactement le contraire, malgré lui. En relançant la lutte contre le rite traditionnel, c’est précisément par cette rechute destructrice qu’il consolide dans les esprits, tant ceux qui sont favorables à la tradition que ceux qui y sont hostiles, sinon la conscience, du moins l’intuition que le rite traditionnel est la véritable, et finalement la seule alternative pour surmonter la crise de l’Eglise de plus en plus massive.

Pourquoi le pape François renforce malgré lui le rite traditionnel

TRADITIONIS CUSTODES ET LA RÉPONSE À LA CRISE DE L’ÉGLISE

Papstmesse des heiligen Pius X. im Petersdom: Die Papstmesse ist nicht einfach der feierlichste, sondern der eigentliche Ausdruck der Heiligen Messe.

Messe papale de saint Pie X dans la basilique Saint-Pierre : la messe papale n’est pas simplement l’expression la plus solennelle de la sainte messe, mais la véritable expression de la sainte messe.

Réflexions de Giuseppe Nardi

Sobrement et sans ambages, Martin Mosebach a affirmé en 2013, lors de la première année du pontificat du pape François, que seul le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI avait une chance d’avenir. Il en avait ébranlé plus d’un à l’époque. Mais il allait atteindre son but et, de manière inhabituelle mais peut-être peu surprenante pour lui, il aura encore plus raison. Pourtant, le présent est bien différent et semble faire perdre courage à certains. Mais il n’y a pas vraiment de raison à cela.

Moins de huit mois s’étaient écoulés depuis l’élection de François quand Martin Mosebach a fait part de son analyse. Il avait auparavant contribué à préparer le terrain pour Summorum Pontificum avec son ouvrage « Hérésie de l’informe » publié en 2002. Dans ce livre, il ne mâchait pas ses mots et montrait de manière convaincante les erreurs du développement liturgique post-conciliaire. Depuis la réaction de Benoît avec son motu proprio de 2007, mais surtout depuis l’élection de François en 2013, Mosebach a mis en cause Summorum Pontificum à plusieurs reprises.

Il a reconnu que le pape allemand avait lancé la « réforme de la réforme » qu’il souhaitait, mais qu’il l’avait ensuite abandonnée dès les premières phases de sa mise en œuvre en démissionnant de manière inattendue. Mosebach a dit textuellement à Paix Liturgique en novembre 2013 :

« Parmi les actions du pape Benoît, seule Summorum Pontificum a une chance d’avenir. Il est probable qu’une ‘réforme de la réforme’ était dès le départ un projet sans espoir. Avec l’inculture liturgique générale et l’incompréhension du clergé, il était désespéré de promouvoir le retour de formes sacramentelles individuelles qui ne prennent leur sens et leur signification que dans l’ensemble du corpus sacramentel. L’échec du pape Benoît sur cette question confirme que le programme maximal des ‘insoumis’ et des ‘non disposés au compromis’ était le plus réaliste : le retour sans réserve à la tradition ».

Mosebach se montre néanmoins optimiste et mentionne deux aspects de Summorum Pontificum :

« D’un côté, les groupes de la tradition sont devenus plus forts ; on ne peut plus simplement les intimider et les balayer, comme l’ont fait de nombreux évêques ‘dans l’esprit du Concile’« .

Et aussi :

« Les chances de la tradition ne sont pas si mauvaises si elle se concentre sur le fait de rester forte à l’intérieur, de ne pas se disperser dans des querelles et surtout d’attirer les jeunes, les jeunes prêtres. Nous avons eu une courte période de récréation, maintenant il faut à nouveau se passer de Rome ; mais ça, nous le connaissons déjà ».

Mais ensuite, en juillet 2021, le nouveau Motu proprio Traditionis custodes du pape François a annulé l’effet de Summorum Pontificum dans de larges secteurs, c’est-à-dire précisément là où Benoît XVI s’était efforcé de faire pénétrer le rite traditionnel dans les circonscriptions ecclésiastiques du Novus Ordo.

Summorum Pontificum est-il terminé depuis Traditionis custodes ?

La question ne se pose pas, car le motu proprio de Benoît XVI n’était qu’un moyen d’arriver à ses fins, une aide qui devait permettre d’entamer une nouvelle étape et de franchir un nouvel obstacle dans l’ascension.

Selon d’autres, Traditionis custodes a plus ou moins ramené la tradition à l’état actuel d‘Ecclesia Dei, le motu proprio de Jean-Paul II de 1988, et a effacé Summorum Pontificum. En effet, de nombreux éléments vont dans ce sens. Les prêtres et les fidèles sont sans cesse secoués par des nouvelles désastreuses hostiles à la tradition en provenance de différentes régions du monde, et rien ne laisse présager une fin.

Et pourtant, Traditionis custodes fait le contraire de ce qu’elle cherche à faire, comme le soulignait ces jours-ci le cardinal Raymond Burke. Mais ce n’est pas seulement parce que les communautés et les paroisses de la tradition font preuve de persévérance. Le cardinal Burke, qui avait critiqué Traditionis custodes en 2021 comme étant « révolutionnaire et dur », a souligné lors d’une conférence pendant la semaine de Pâques que le rite transmis ne pouvait absolument pas être effacé, aboli et interdit, car il est l’expression indissociable de l’église. Les propos du cardinal doivent être complétés par un autre aspect :

François et toute une frange de liturgistes qui cherchent à marginaliser le caractère sacrificiel et à réinterpréter la messe en une assemblée animée, veulent, avec Traditionis custodes, repousser dans les séminaires, le clergé diocésain, les ordres religieux névralgiques et les paroisses le retour du rite traditionnel , et l’éliminer là où il a déjà eu lieu.

Ainsi, grâce à son pouvoir, Sainte Marthe remporte depuis bientôt trois ans de nouvelles victoires d’étape, chacune d’entre elles étant extrêmement douloureuse pour les prêtres et les fidèles concernés.

En réalité, le motu proprio bergoglien fait exactement le contraire, malgré lui. En relançant la lutte contre le rite traditionnel, c’est précisément par cette rechute destructrice qu’il consolide dans les esprits, tant ceux qui sont favorables à la tradition que ceux qui y sont hostiles, sinon la conscience, du moins l’intuition que le rite traditionnel est la véritable, et finalement la seule alternative pour surmonter la crise de l’Eglise de plus en plus massive.

Bien que l’impression actuelle semble indiquer le contraire, il se dessine déjà de manière invisible qu’à l’avenir, ceux que personne ne voit aujourd’hui et dont personne ne connaît encore le nom se lèveront dans l’Eglise pour se saisir du rite traditionnel dans la détresse et le désarroi, parce qu’ils reconnaissent ou du moins pressentent que le rite traditionnel persécuté et combattu, voire proscrit, doit être la véritable réponse à la crise de l’Eglise.

De ce point de vue, peu importe dans quelle mesure Traditionis custodes parviendra à éradiquer le rite traditionnel. Car même s’il reste peu de Summorum Pontificum, il est certain que quelque chose restera et perdurera. Et dans l’Eglise, on saura demain, notamment grâce à Traditionis custodes, l’attaque la plus dure depuis la réforme liturgique de 1969/70, que la réponse à la crise a un nom et qu’elle est indissociable de la question de la liturgie, le cœur de l’Eglise.

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