A l’occasion du 97ème anniversaire de sa naissance (il est né le 16 avril 1927, le jour du Samedi Saint, une circonstance qu’il a toujours considérée comme providentielle), le site CWR (Catholic World Report) republie une contribution d’un de ses anciens élèves, le père Vincent Twomey, parue initialement le 2 janvier 2023.

Papa Benedetto XVI il giorno della elezione 19 aprile 2005 (AP)

Dans son activité de pape, nous savons qu’il est l’auteur matériel d’un grand nombre de ses discours officiels, ce qui est rare pour un pape, et encore plus en ces temps d’interviews interminables. Ses homélies et ses écrits pastoraux en tant que prêtre, archevêque, cardinal préfet et pape continueront d’inspirer les gens de tous les horizons de la vie.Ses encycliques sur l’amour, l’espérance et la foi (ces dernières publiées sous le nom du pape François) comptent parmi les plus importantes jamais écrites par un pape. Caritas in Veritate, son encyclique sur le développement humain intégral dans l’amour et la vérité, aura une influence durable sur l’enseignement social catholique.

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Specola

L’héritage théologique de Benoît XVI

www.catholicworldreport.com/2024/04/16/the-theological-legacy-of-benedict-xvi/

Joseph Ratzinger/Pape Benoît XVI sera rappelé avant tout pour sa production littéraire et académique. Un grand nombre de ses ouvrages (seize énormes volumes en allemand) ont été traduits en plusieurs langues et ne sont découverts que maintenant par une jeune génération de théologiens. Son premier ouvrage classique, Introduction au christianisme (1968), a été traduit dans plus de vingt langues.

Alcuni dei libri scritti da  Benedetto XVI. La produzione letteraria di Joseph Ratzinger è davvero ricca. L’Opera Omnia viene curata adesso dalla Fondazione pontificia che porta il suo stesso nome

Ses écrits sur un large éventail de sujets théologiques et philosophiques sont d’une clarté et d’une profondeur qui rendent sa théologie stimulante et donc libératrice. Sa théologie stimule également d’autres recherches universitaires, car tout ce qu’il pouvait faire était d’esquisser les contours de la vérité. Comme un artiste magistral, il peint à grands traits et écrit dans une prose superbe, parfois presque poétique.

Son élection en tant qu’archevêque puis cardinal préfet met un terme à ses projets, lorsqu’en 1969, il décide de quitter la vieille et célèbre université de Tübingen pour la nouvelle université de Ratisbonne, peu connue et tranquille. Loin des tensions et de l’agitation de la faculté de théologie de Tübingen, il espérait qu’à Ratisbonne, stimulé par ses doctorants et post-doctorants, il disposerait des conditions académiques nécessaires à la recherche et à la rédaction de la Dogmatique en plusieurs volumes (c’est-à-dire une systématisation complète de la doctrine de l’Église) qu’il avait planifiée. Son élection en tant qu’archevêque en 1977, puis en tant que cardinal préfet, a mis fin à ce projet scientifique. Les futurs théologiens pouvaient désormais construire sur les fondations qu’il avait posées.

Il soutenait depuis longtemps que le problème le plus important de la théologie aujourd’hui (qui est à l’origine de la crise actuelle de l’Église) réside dans une interprétation du Nouveau Testament qui, en fait, nie la divinité de Jésus-Christ. Afin de développer une interprétation des Écritures qui non seulement prenne en compte la méthodologie historico-critique moderne de l’exégèse, mais qui soit également fidèle à l’ensemble de la Tradition de l’Église, il a utilisé chaque minute de son temps libre en tant que pape pour rédiger les trois volumes de Jésus de Nazareth (2006-2013). Cette œuvre sera son héritage le plus durable dans la discipline théologique.

Ses nombreux écrits sur les questions culturelles et politiques contemporaines – ainsi que ses contributions originales aux questions morales de l’époque – restent à découvrir par les étudiants en politique et les philosophes. Ses discours historiques prononcés devant des hommes politiques à New York (à l’ONU), Londres, Paris et Berlin sont considérés comme des chefs-d’œuvre de sagacité politique. Ils resteront une source d’inspiration pour tous les hommes politiques intègres.

Une grande partie de cet héritage doit être constituée de ses homélies et de ses écrits pastoraux en tant que prêtre, archevêque, cardinal préfet et pape, qui continueront à inspirer les personnes de tous horizons. Cela s’applique également à ses discours du mercredi sur les saints. Il a choisi les saints comme sujet principal parce qu’il était convaincu que les saints canonisés, ainsi que l’art et la musique chrétiens, constituent l’apologie de la foi la plus convaincante que l’Église puisse offrir. Ils jouent également un rôle central en inspirant les fidèles de chaque génération à chercher le chemin de la sainteté.

Ses encycliques sur l’amour, l’espérance et la foi (cette dernière publiée sous le nom du pape François) doivent être comptées parmi les plus importantes jamais sorties de la plume d’un pape. Caritas in Veritate, son encyclique sur le développement humain intégral dans l’amour et la vérité, aura une influence durable sur l’enseignement social catholique.

Sa contribution unique au renouvellement de la liturgie est peut-être son plus grand héritage. Tout au long de sa vie, il a promu une réforme de la liturgie selon l’esprit et la lettre de Vatican II. L’importance que Benoît XVI accordait à la réforme de la liturgie dans la vie et la mission de l’Église ressort clairement de sa décision de publier le premier volume de son recueil d’œuvres sur la théologie de la liturgie (qui est le volume 10 de la série).

Au centre de ce volume – 634 pages en traduction anglaise – se trouve son livre L’Esprit de la liturgie (2000), écrit pendant les vacances du cardinal préfet. Permettre une plus grande utilisation de la forme extraordinaire du rite romain (ce que l’on appelle la messe latine traditionnelle). Le pape Benoît XVI a favorisé une approche plus respectueuse et sacrée de la célébration des sacrements en langue vernaculaire (la forme ordinaire du rite romain). Malgré quelques restrictions récentes, cette initiative transformera profondément la façon dont les sacrements seront célébrés à l’avenir.

Une autre de ses initiatives aux conséquences à long terme a été la création de l’Ordinariat anglican. Introduit pour permettre aux anglicans d’entrer en union avec Rome tout en préservant la richesse de leur propre tradition liturgique, il enrichira à terme le rite romain.

Son commentaire audacieux de Dominus Iesus a été et reste une contribution importante à la christologie, à l’ecclésiologie et à l’effort œcuménique de l’Église inspiré par le Concile Vatican II. Il s’agit d’une part importante de son héritage et doit être considéré dans le contexte de la contribution qu’il a apportée tout au long de sa vie au dialogue œcuménique avec les Églises orthodoxes et d’autres communautés chrétiennes.

Sa contribution théologique originale au dialogue interreligieux portera également ses fruits au fil du temps. Par exemple, dans son discours aux représentants des religions du monde à Assise en 2011, il a attiré l’attention sur la nécessité pour les croyants de toutes les religions d’écouter la voix des agnostiques sincères. Leur recherche de la vérité peut aider les croyants à « purifier leur foi, afin que Dieu, le vrai Dieu, devienne accessible », contribuant ainsi à surmonter les pathologies, telles que le fondamentalisme, auxquelles les religions sont souvent sujettes.

Dans son dialogue avec Jurgen Habermas, le plus grand philosophe laïque d’Europe, le cardinal Ratzinger de l’époque a souligné que la philosophie devait prêter attention à la voix des religions afin de surmonter les pathologies de la raison (telles que la bombe atomique et la procréation assistée). Bien qu’il ait d’abord suscité l’indignation pour une citation sortie de son contexte, sa conférence de Ratisbonne sur le rôle de la théologie à l’université a conduit à un nouveau dialogue plus intense avec l’islam modéré. À Ratisbonne, il a également mis l’accent sur la relation intrinsèque entre la foi et la raison, leitmotiv de sa vie et de ses écrits, si nécessaire pour rendre l’humanité plus pleinement humaine.

Dans tous ses écrits, son souci ultime était de souligner la primauté de Dieu et le don du salut de l’homme par Jésus-Christ. C’est là son ultime héritage.

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