Toi-même, a-t-on envie de lui répondre irrévérencieusement (pardon pour la familiarité, elle n’est pas pire que la sienne). Dérapage papal intolérable (un de plus) lors d’une interview à la chaîne américaine CBS, dont les médias ont diffusé hier en avant-première les extraits les plus scabreux avant une diffusion en prime time courant mai (en passant, beau coup éditorial pour la présentatrice de la très populaire émission 60 Minutes, Norah O’Donnell). Récit de Riccardo Cascioli.
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Soyons clairs, le problème n’est pas tant la querelle autour de l’origine anthropique du réchauffement climatique (après tout, il pourrait même y avoir débat) que la prise de position définitive du pape sur un sujet sur lequel ses compétences sont au niveau de celles du client lambda du café du coin. Sans parler de l’utilisation d’insultes franchement déplacées dans sa bouche (de Pape!) pour discréditer ceux qui ne partagent pas son point de vue.
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Comment ne pas penser à Benoît XVI?…

Eglise green

Climat, inadmissibles les insultes du pape

Papa Francesco intervistato da Norah O'Donnell

Riccardo Cascioli
lanuovabq.it/it/clima-irricevibili-gli-insulti-del-papa
26 avril 2024

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision américaine CBS, le pape François qualifie de « stupides » les scientifiques et les experts qui nient l’urgence climatique. Paroles pesantes et inacceptables, qui révèlent aussi un problème majeur dans la relation entre l’Église et la science.

Les insultes proférées par le pape François ne devraient plus vraiment nous surprendre : qu’il s’agisse de certaines catégories de catholiques ou d’autres, nous sommes malheureusement habitués à des expressions de mépris qui passeraient mal dans la bouche de n’importe qui, et a fortiori dans celle d’un pape. Pourtant, à certaines occasions, une mise au point s’impose, car les jugements qu’il exprime sont dangereusement fallacieux : c’est le cas de la dernière interview vidéo accordée à la télévision américaine CBS, dans laquelle il qualifie de « stupides » les « personnes qui nient le changement climatique ».

En réalité, seuls quelques fragments de l’interview, filmée la semaine dernière, ont été diffusés mercredi soir, accompagnés d’un reportage qui tente de contextualiser les jugements du pape. L’interview complète, d’une durée d’une heure, sera diffusée le 19 mai dans l’émission « 60 Minutes » de Norah O’Donnell, et constitue à sa manière un événement historique puisqu’il s’agit de la première interview vis-à-vis [en français dans le texte] accordée par le pape François à une chaîne de télévision américaine.

Dans l’extrait diffusé (voir à partir de la minute 4’53 »), Norah O’Donnell demande au pape : “Que dites-vous à ceux qui nient le changement climatique ?” Le pape François répond : « Il y a des gens stupides (il dit “necia” en espagnol, traduit par “foolish” en anglais, ndlr). Et stupides même si vous leur montrez des recherches, ils n’y croient pas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne comprennent pas la situation ou parce qu’ils ont leurs propres intérêts. Mais le changement climatique existe ».

La question est déjà une démonstration d’ignorance crasse et de méconnaissance, mais la réponse est – malheureusement – encore pire. C’est pourquoi il sera utile de résumer au moins les véritables termes de la question.

Pendant ce temps, personne ne nie le changement climatique parce que le changement climatique est la norme ; depuis la création du monde, le climat a toujours changé, il n’y a jamais eu de « stabilité climatique ». Toute personne ayant un minimum d’éducation devrait se souvenir d’avoir entendu parler des périodes glaciaires et interglaciaires, par exemple. Paradoxalement, ce sont les catastrophistes du climat qui voudraient nous faire croire que le climat aurait un équilibre éternel s’il n’y avait pas les activités humaines qui ont tout fait exploser depuis la révolution industrielle. Et même sur le réchauffement climatique, c’est-à-dire une augmentation d’environ 1 °C de la température moyenne de la planète entre 1870 environ et aujourd’hui, il n’y a pour l’essentiel aucune contestation.

En revanche, ce qui est contesté, c’est l’affirmation selon laquelle la phase de réchauffement actuelle est sans précédent, qu’elle est de la seule responsabilité (ou presque) de l’homme, que les températures ont tendance à augmenter de façon incontrôlée et que tout cela a des conséquences catastrophiques pour la planète et pour nos vies. En résumé, il y a ceux qui soutiennent l’existence d’une urgence climatique – c’est d’ailleurs la réflexion qui sous-tend les politiques climatiques et l’urgence de la transition écologique et énergétique – et il y a ceux qui nient toute urgence concernant le climat, et qui mettent en garde contre l’investissement de milliards de dollars ou d’euros pour des mesures qui ne changeraient de toute façon pas l’évolution du climat, mais feraient au contraire basculer des centaines de millions de personnes dans la pauvreté.

Le pape François se range évidemment du côté des premiers et a pleinement épousé non seulement la thèse de l’urgence climatique, mais aussi le catastrophisme qui l’accompagne. De ce point de vue, l’encyclique Laudato Si’ (2015) et, pire encore, l’exhortation apostolique Laudate Deum (2023) prouvent à quel point le souverain pontife pourrait facilement recevoir une carte de membre honoraire du WWF ou de Greenpeace. Qui plus est, dans Laudate Deum, §58, le pape François fait également un clin d’œil aux extrémistes de la dernière génération, ceux, pour être précis, qui bloquent la circulation ou vandalisent des œuvres d’art et d’autres lieux symboliques : « En réalité, écrit François, ils occupent un vide dans l’ensemble de la société, qui devrait exercer une saine pression, car il appartient à chaque famille de penser que l’avenir de ses enfants est en jeu ».

C’est donc à cela que le pape François fait référence dans sa réponse à Norah O’Donnell : les «idiots» seraient alors les nombreux scientifiques et experts, dont plusieurs prix Nobel, qui démentent, données en main, les thèses catastrophistes et dénoncent l’instrumentalisation de la science à des fins politiques.

Ils n’ont pas besoin qu’on leur montre des recherches, ils les font eux-mêmes et arrivent à des résultats complètement différents de ceux imposés par la pensée dominante, y compris dans l’Église. Et il est tout simplement ridicule qu’un Pape, sans aucune compétence en la matière, leur dise qu’ils « ne comprennent pas la situation » ou même les insulte en disant qu’ils la nient parce qu’ils pensent à « leurs propres intérêts » : nous parlons de personnes qui ont consacré leur vie à l’étude et à la recherche, qui n’ont pas besoin de se mettre en valeur pour en tirer des bénéfices, voire qui mettent leur position en danger précisément parce qu’elles croient en la vraie science en ces temps d’idéologies totalisantes.

Ces simples observations suffiraient à conseiller au Pape d’éviter les jugements hâtifs sur les personnes et de se rappeler que – même s’il ne s’agit pas de Magistère – dans les interviews, il est important de savoir de quoi l’on parle. Et aussi d’essayer d’écouter les arguments des scientifiques qui nient l’existence d’une urgence climatique : il apprendrait certainement quelque chose.

Mais le vrai problème est celui que nous soulignions déjà à l’époque de Laudato Si’, à savoir l’élévation d’une thèse scientifique – par nature sujette à correction ou à démenti – au rang de vérité de foi, qui exige donc une action morale immédiate. Aujourd’hui, chaque vérité proclamée par l’Église depuis deux mille ans peut être remise en question, mais une thèse scientifique controversée et contestée comme le Réchauffement Climatique Anthropique (c’est-à-dire provoqué par l’homme) est une vérité absolue ; et la transition écologique est un devoir moral, sous peine d’être insultée publiquement par le Pape lui-même.

Et là, il ne s’agit plus d’opinions divergentes ou d’intempérance verbale, c’est la mission même de l’Église qui est remise en cause.

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