Cela fait longtemps qu’il avait disparu des radars mais le vieil adversaire (dans tous les sens du terme, il a 91 ans) de Benoît XVI a apparemment conservé sa lucidité, et même son pouvoir de nuisance et entend faire savoir qu’il n’a pas dit son dernier mot. En se réclamant de l’Eglise antique, voilà qu’il plaide pour une décentralisation (accrue) de l’Eglise à travers une redéfinition du rôle des cardinaux. Non sans conclure sur l’espoir de « garder François encore quelques années et que ses successeurs achèveront ses réformes »

Pape, cardinaux et décentralisation dans l’Eglise.

Kasper le progressiste redescend sur le terrain

Le 10 avril, l’abbaye Saint-Pierre de Salzbourg – le plus ancien monastère bénédictin du monde germanophone – était remplie de spectateurs venus écouter la conférence introductive donnée par un invité de marque dans le cadre du symposium  » Cardinaux et bénédictins« .

Le cardinal Walter Kasper, défenseur d’une ligne progressiste dans l’interprétation du Concile Vatican II – et qui était autrefois en désaccord avec le cardinal Joseph Ratzinger pour cette raison – a intitulé son discours Les cardinaux au service de l’Église et de la papauté.

Le cardinal, qui a joué un rôle de premier plan lors des deux derniers conclaves mais qui est aujourd’hui privé de ses droits en raison de son âge, reste une voix écoutée par le pontife actuel. Selon lui, le synode sur la synodalité sera l’occasion de ramener les cardinaux à leur vraie place.

L’ex-évêque de Rottenburg-Stuttgart estime que, dans le cadre du synode, le pape François a lancé un grand mouvement de décentralisation de l’Église : il faudrait maintenant faire un nouveau pas vers la réforme du collège des cardinaux, dans le sens d’un prétendu retour aux sources.

Dans cette perspective, les cardinaux se verraient attribuer une nouvelle prérogative : celle de présider les conciles pléniers dans les régions dont ils sont originaires, afin d’établir une sorte de système bicaméral dans le gouvernement de l’Église, composé du synode des évêques et du Conseil des cardinaux. Du jamais vu dans l’histoire de l’Église.

D’abord ancrée dans la liturgie, la fonction cardinalice se serait, selon l’ancien professeur de l’université de Tübingen, « politisée » pour devenir le jouet des grandes familles romaines jusqu’à participer au déclin de la Rome décadente de la fin du Moyen-Âge.

À l’époque moderne, la fonction de cardinal se serait alors réduite à exercer le rôle d’un fonctionnaire de la Curie romaine, avant la grande « redécouverte » de cette vénérable institution lors du Concile Vatican II, qui constitue toujours, selon Kasper, l’alpha et l’oméga de l’Église.

Les spécialistes s’accordent à voir l’origine lointaine des cardinaux dans le presbyterium, une assemblée de prêtres et de diacres qui assistaient et conseillaient l’évêque dans la conduite de son troupeau. Saint Ignace d’Antioche le décrit comme « le sénat de l’évêque », auquel les fidèles devaient du respect parce qu’il représentait l’évêque, tout en étant en dessous de lui.

L’évêque de Rome était également entouré d’un presbyterium. Mais « de la similitude d’origine et du fait que le nom de cardinal était commun au haut clergé de Rome et au haut clergé des autres évêchés, on aurait tort de conclure », précise le Dictionnaire de théologie catholique, « que ce nom répondait dans les deux cas à des prérogatives identiques ».

« Le titre de pape était autrefois donné indistinctement à tous les évêques et il n’est venu à l’idée d’aucun catholique de les mettre tous, pour cette raison, au même rang. Il en va de même pour le nom de cardinal : il était à l’origine générique et n’impliquait en lui-même aucun rôle spécifique ; aucun degré uniforme de pouvoir ; sa valeur exacte était déterminée selon les circonstances. »

« Les cardinaux d’un diocèse donné autre que celui de Rome ne pouvaient jamais recevoir de leur évêque, pour le partager avec lui, d’autre pouvoir que celui contenu dans les limites de ce diocèse ; mais les dignitaires associés par le Souverain Pontife à l’administration des affaires qui le concernent acquéraient nécessairement un pouvoir et une influence qui s’étendaient à toute l’Église. »

Ces lignes autorisées suffisent à remettre en cause le bien-fondé historique du « bicamérisme » défendu par le cardinal Kasper, qui reviendrait à diluer davantage l’autorité du Pontife romain.

« Nous espérons garder François encore quelques années et que ses successeurs achèveront ses réformes », a déclaré le cardinal Kasper.

Une conclusion pleine d’incertitudes.

Le progressisme est encore loin d’avoir gagné et lors du prochain conclave, sous la grâce bienveillante de l’Esprit Saint, toutes les possibilités sont ouvertes.

Source : katholisch.de

Share This