Samedi 27 avril, Giorgia Meloni a annoncé que le pape François participerait au sommet du G7 prévu du 13 au 15 juin prochain dans les Pouilles, sous la présidence de l’Italie. Les médias souligne que c’est une « première fois » (mais il y a tellement de « premières fois » sous François qu’on ne doit plus s’étonner de rien).
Le thème retenu est celui de l’intelligence artificielle. L’invitation de la part du Premier ministre italien fait honneur à cette dernière, et que le pape fasse entendre la voix de l’Eglise dans le grand débat sur ce qui devient le défi anthropologique majeur du XXIe siècle est une chose normale. Qu’il soit présent physiquement est une autre question (Benoît XVI serait certainement intervenu, mais très probablement sous une autre forme). Sans parler du fait que l’on peut trouver « inapproprié que le pontife participe, en sa qualité de chef d’État (c’est-à-dire de dirigeant politique), à un rassemblement international au même titre que d’autres chefs d’État (comme un Macron ou un Biden) », on peut redouter (comme le laissent entrevoir certaines anticipations) que le pape apparaisse comme le porte-parole non pas de la foi catholique, mais des « fois » et des « religions » .

Le pape, le G7 et l’intelligence artificielle

Le Premier ministre Meloni a annoncé en grande pompe que le pape François assistera à la prochaine réunion du G7 à la mi-juin dans les Pouilles et interviendra lors de la session sur l’intelligence artificielle ouverte aux pays non membres.

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C’est la première fois qu’un pontife participe à une réunion des « grands de la terre » et la présidence italienne du G7 « entend valoriser la voie tracée par le Saint-Siège en matière d’intelligence artificielle avec l’appel de Rome pour l’éthique de l’IA, et la porter à l’attention des autres dirigeants présents au sommet des Pouilles », a souligné Meloni dans son message vidéo, convaincue que « la présence de Sa Sainteté apportera une contribution décisive à la définition d’un cadre réglementaire, éthique et culturel pour l’intelligence artificielle ».

L’appel de Rome pour l’éthique de l’IA est une déclaration voulue par l’Académie pontificale pour la vie dirigée par Mgr Paglia, qui depuis 2020 engage des leaders religieux, des grandes entreprises et des universités du monde entier à la signer : la déclaration  » veut être un cadre de valeurs pour l’application des nouvelles technologies « .

Je suis conscient que l’intelligence artificielle sera de plus en plus importante à l’avenir et qu’elle apportera d’énormes opportunités et avantages, mais qu’en même temps, elle générera d’énormes dangers pour l’homme. Sa réglementation devient une priorité pour de nombreux États, même si, comme c’est souvent le cas, rien n’est plus difficile que de gouverner et de réglementer avec équilibre un phénomène qui est apparu spontanément et qui a une portée mondiale.

Le risque est celui d’une censure qui peut pousser le Léviathan de service à définir arbitrairement ce que l’IA peut et ne peut pas faire, peut et ne peut pas dire. On voit déjà aujourd’hui les effets de l’autocensure que des géants comme Facebook ou Twitter opèrent souvent sur les comptes de leurs utilisateurs, occultant, sur la base d’algorithmes, les opinions et les contenus qui ne leur plaisent pas (y compris, malheureusement, les commentaires de ceux qui sont contre l’avortement ou les théories du genre) : si cette censure était rendue obligatoire par la loi et non plus sur une base volontaire, tous les sites qui ne se conforment pas à la pensée dominante pourraient être fermés et toutes les voix qui ne s’y intègrent pas pourraient être définitivement éteintes.

D’autre part, comme l’écrivait Ludwig von Mises [1881-1973] au milieu du siècle dernier, « si l’autorité contrôle toutes les imprimeries et les papeteries, la liberté de la presse est une imposture »(L’action humaine). À l’époque, la page imprimée était l’un des principaux moyens de diffusion des idées (et pendant des siècles, ce fut le principal) : aujourd’hui, les idées sont diffusées avant tout sur le web et si, demain, l’autorité étatique (ou supra-étatique) devait contrôler l’ensemble du web, la liberté d’expression et de pensée elle-même serait gravement menacée.

En ce qui concerne la participation du pape au G7, au moins deux circonstances laissent perplexe.

  • Les modalités concrètes de l’intervention du Saint-Père ne sont pas encore connues, si ce n’est qu’il sera présent en personne. Cependant, je trouve inapproprié que le pontife participe, en sa qualité de chef d’État (c’est-à-dire de dirigeant politique), à un rassemblement international au même titre que d’autres chefs d’État (comme un Macron ou un Biden). Le véritable risque est d’exalter la fonction de monarque de la Cité du Vatican et de diminuer son rôle d’autorité religieuse.
  • Je suis également préoccupé par les déclarations de certains de ses conseillers ; en particulier par le père Paolo Benanti, professeur à la Grégorienne, membre du Comité sur l’IA aux Nations Unies et président de la Commission sur l’intelligence artificielle au Palazzo Chigi [résidence officielle du Premier ministre italien, ndt]. Selon le prélat, en effet, le pape François apporterait au G7 « la sagesse des religions sur l’IA » et montrerait « la sagesse des religions sur le sujet, afin qu’un avenir de paix et de prospérité soit assuré à l’humanité ».

En d’autres termes, le pape semblerait être le porte-parole non pas de la foi catholique, mais des « fois » et des « religions » : une sorte de secrétaire général des « religions unies », prélude peut-être à la religion universelle que beaucoup appellent de leurs vœux.

J’espère me tromper, mais les prémisses ne sont pas encourageantes.

Vincenzo Rizza

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