Le 26 mai dernier, sur la Place Saint-Pierre était organisé, en présence du Pape (précisons que le François n’est pas l’unique responsable) l’un de ces raouts que l’Eglise affectionne au prétexte qu’ils seraient une occasion d’évangélisation (cela, c’est l’interprétation charitable, l’autre étant qu’elle cherche surtout à plaire au monde qui pourtant la méprise). L’invité de prestige, le clou du spectacle, ce n’était pas le Pape, vous n’y pensez pas, mais un « comique » pas drôle (c’est du moins mon avis), on ne peut plus politiquement correct, athée, et j’en passe, l’ineffable Roberto Benigni. Retour, sur la NBQ d’aujourd’hui, sur ce choix pour le moins discutable

Le Vatican offre aux enfants le monologue « sciolto » [2] de Benigni

Stefano Bimlbi
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11 juin 2024

(AP Photo/Gregorio Borgia) Associated Press / LaPresse Only italy and Spain

L’humoriste qui a autrefois appelé le Pape [JPII] « Wotylaccio » [1] est aujour’hui appelé à Saint-Pierre pour les Journées Mondiales des enfants, leur offrant son catéchisme mainstream très personnel.

Le dimanche 26 mai, sur la place Saint-Pierre, à l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance, le pape a célébré la messe et récité l’Angélus. Le monologue de Roberto Benigni, l’humoriste toscan qui ne manque jamais une occasion de régaler un public distrait avec ses sermons aux connotations politiques et idéologiques évidentes, a rendu la rencontre appétissante pour la télévision.

Il n’a évidemment pas interprété L’inno del corpo sciolto (L’hymne du corps relâché) [2], qu’il chantait dans ses premiers spectacles, ni réservé au souverain pontife des plaisanteries offensantes, comme lorsqu’il a crié « Wojtylaccio ! » à la télévision, ce qui lui a valu un procès au Vatican pour insulte à un chef d’État étranger, un million d’euros d’amende et un an de prison avec sursis. Rien de tout cela, mais plutôt une tirade sur le pape François qui, selon Benigni, « a de la poussière de fée autour de lui, comme celle de la fée Clochette, et est lui-même un enfant ». Puis l’invitation à se présenter aux élections sur une liste avec lui et enfin la ruée pour lui donner un baiser.

Avvenire a titré avec enthousiasme : « Benigni : les seules choses sensées que Jésus a dites dans l’Évangile », définissant le comédien comme « un grand spectacle qui a su trouver le juste équilibre entre le sérieux et la facétie ».

Famiglia Cristiana elle aussi est satisfaite de ce discours, qu’elle qualifie de « monologue pétillant » d’un « Roberto pétillant ». Outre le manque d’imagination des adjectifs, on peut se demander si le discours de Benigni était vraiment bon. Le Père Enzo Fortunato, coordinateur de la Journée, semble ne pas en douter et a déclaré : « Merci à Benigni qui a invité les enfants à prendre leur vie en main, à en faire un chef-d’œuvre, à apporter du bien et à rendre les autres heureux ».

Bref, tout semble s’être bien passé. Mais… A écouter ce monologue de vingt-quatre minutes, quelques doutes viennent à l’esprit, à commencer par le début où, racontant qu’enfant il voulait être pape, le comédien toscan espère qu’il y aura « le premier pape africain de l’histoire ». Dommage qu’il y ait déjà eu des papes africains : Victor Ier Martyr, 14e pape (189-199) ; Miltiades ou Melchiades, 32e pape (311-314) ; Gélase Ier, 49e pape (492-496). Il aurait suffi de consulter Wikipédia pour éviter l’erreur.

Mais Benigni va plus loin et espère qu’il y aura « la première femme pape de l’histoire. Mamma mia ! On en parlerait sur la lune, ce serait extraordinaire, pensez-y ». Là, il fallait rire, pensant que c’était une blague, et au contraire, le public applaudit. Pourtant, le Christ a voulu conférer l’ordination aux douze apôtres, tous des hommes, qui, à leur tour, l’ont communiquée à d’autres hommes, et l’Église s’est toujours reconnue liée par cette décision du Seigneur. Saint Jean-Paul II, dans sa lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994, a enseigné (et « de manière définitive ») « que l’Église n’a en aucun cas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes ». Le pape François l’a également rappelé lors du vol retour de son voyage apostolique en Suède, le 1er novembre 2016. Est-il possible que personne n’ait remarqué le désaccord de Benigni ?

Mais en plus d’inviter les petites filles à rêver d’être papes, le comédien propose quelques exemples parmi lesquels se distingue la scientifique Rita Levi Montalcini [1909-2012]. Elle a certes reçu les applaudissements du monde entier, a été couronnée par le prix Nobel et la nomination comme sénatrice à vie, mais pour quelle raison? Peut-être parce qu’elle était une athée convaincue et qu’elle était favorable à l’euthanasie, à l’insémination artificielle et à l’avortement ? En quoi un tel personnage devrait-il être présenté comme un exemple au peuple catholique réuni autour du successeur de Pierre ? N’aurait-il pas mieux valu proposer comme exemple aux enfants sainte Maria Goretti, martyre de la pureté, ou sainte Thérèse de Lisieux, avec son petit chemin vers le ciel ?

En ce qui concerne les lectures pour enfants, Benigni ne voit rien de mieux que de proposer les contes de Gianni Rodari. Mais qui était-il ? Un intellectuel de gauche qui disait considérer le marxisme comme la bonne vision du monde… à inculquer aux enfants. Très politiquement correct, mais peut-être aurait-il mieux valu suggérer les livres écrits par Tolkien pour ses enfants, tels que Roverandom. Les aventures d’un chien ailé ou Les lettres du Père Noël. Ou encore le Corrierino delle Famiglie de Giovannino Guareschi. Mais comment de telles citations auraient-elles pu venir d’un humoriste de gauche ?

Benigni plaisante ensuite sur Saint Pierre qui lui a dit à cause d’un petit mensonge :

« Maintenant je dois t’envoyer en enfer ou au purgatoire pour cinquante ans, mamma mia cha paura. […] mais n’aie pas peur parce qu’il n’y a ni enfer ni purgatoire, il n’y a que le paradis ».

C’est là que nous atteignons le paradoxe. Tout d’abord, l’enfer est une chose grave et on n’y va pas pour un petit mensonge. Mais ensuite, en niant l’enfer et le purgatoire, on se demande si cet acteur est le même que celui qui a commenté avec tant de pathos la Divine Comédie de Dante. De plus, si, comme nous le disons dans le Credo, Jésus est descendu du Ciel « pour nous les hommes et pour notre salut », on se demande de quoi il nous a sauvés si l’enfer n’existe pas. Et puis la Vierge de Fatima a dû tromper les trois enfants bergers en leur montrant l’enfer qui, lui, n’existe pas. A ce stade, il aurait été bon qu’un garde suisse donne un coup de pied à Benigni en le renvoyant étudier le catéchisme de la première communion.

Mais la cerise sur le gâteau, ou plutôt la boulette empoisonnée, arrive vers la fin lorsque le comédien dit sur un ton condescendant :

« Je sais que vous êtes petits, que vous êtes encore à l’âge où vous ne savez pas quoi faire, que vous avez beaucoup de doutes, mais ne vous inquiétez pas […] ne vous fiez pas à ceux qui vous disent “Sois sûr”, “Va tout droit”. Non, je vous dis le contraire : plus vous êtes incertains, indécis, sceptiques, plus vous avez de doutes, mieux c’est, les certitudes sont belles, mais l’incertitude est plus belle« .

Face à cet éloge du doute, les bras tombent et bien d’autres choses encore. Proposer un scepticisme absolu à un public d’enfants, c’est tuer en eux la soif de vérité. Peut-être parce que Benigni n’a jamais eu d’enfant, il ne peut pas comprendre les enfants ? Pourtant, nous avons tous été des enfants. À cet âge surtout, on exige des certitudes. Ils exigent. Avec leurs questions, les enfants veulent la vérité et ont une logique impeccable. La moindre erreur d’un adulte est immédiatement remarquée et les réponses vagues ou contradictoires ne satisfont pas.

En conclusion, on se demande pourquoi des scènes prestigieuses comme la place Saint-Pierre sont offertes à des personnes qui n’ont rien de catholique, mais qui sont l’expression la plus flagrante du politiquement correct.

NDT

[1] « accio » est un suffixe dépréciatif, on pourrait traduire par « sale Wojtyla »

[2] Allusion à L’inno del corpo sciolto . Chanson interprété par Benigni en 1979, qui a pour thème l’invitation à déféquer, sans honte, en faisant l’éloge de l’acte …Derrière les paroles scabreuses de la chanson se cache le désir de faire apparaître comme absolument normal tout ce qui appartient à l’humain, y compris des éléments généralement jugés fallacieux et dégoûtants, tels que les matières fécales. En outre, l’acte de déféquer est affirmé dans son humanité perturbatrice précisément comme un geste de lutte, avec le souhait d’une révolution scatologique dans laquelle les surpuissants défèquent en signe de protestation sur les surpuissants du monde entier. (it.wikipedia)

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