39 ans, converti au catholicisme en 2019, quasi-inconnu du grand public et même de la classe politique, il est pourtant l’auteur d’un best-seller paru en 2016 et qui s’est vendu à plus de 200 mille exemplaires: son autobiographie Hillbilly Elegy, qui décrit son enfance misérable, son éducation dans la Rust Belt (région industrielle du nord-est des États-Unis), la pauvreté, la toxicomanie, a même servi de base à un long métrage sorti en 2020 (et disponible sur Netflix!). Bref, une incarnation du « rêve américain ». C’est lui que, contre toute attente, Donald Trump a choisi comme « second » lors des prochaines présidentielles. Giuseppe Nardi tente de comprendre les raisons de ce choix.
Pourquoi Donald Trump a-t-il choisi le quasi-inconnu JD Vance ?
L’OURS AUX YEUX BLEUS
Première tentative de repérage par Giuseppe Nardi
En tant que vice-président désigné, JD Vance se lance dans la campagne électorale aux côtés de Donald Trump pour son deuxième mandat de président des Etats-Unis. Le jeune sénateur de l’Ohio est jusqu’à présent peu connu, même de nombreux Américains. Il n’a été élu au Sénat américain qu’en 2022 et était encore en 2016 un critique virulent de Trump au sein de son parti. Si Donald Trump, qui vient de survivre à une tentative d’assassinat, a justement choisi JD Vance comme colistier, c’est parce qu’il veut ainsi gagner le nord industriel des Etats-Unis et les catholiques .
Dès 2016, lorsque Trump a obtenu son premier mandat, l’issue de l’élection présidentielle s’est jouée dans les anciens Etats industriels du Nord, qui ont tous basculé dans le camp républicain, à l’exception du Minnesota et de l’Illinois.
Même les observateurs politiques les plus attentifs ont dû, ces derniers jours, chercher sur Internet qui était ce JD Vance, désigné de manière plutôt surprenante par Trump pour le remplacer. Cela ne vaut pas seulement pour les démocrates, mais aussi pour les républicains, même les chefs de parti, comme le chef des républicains du Michigan l’a reconnu devant les médias. Si Trump est réélu président des États-Unis en novembre, ce que tout indique actuellement, le sénateur de l’Ohio, âgé de 39 ans seulement, deviendra vice-président à ses côtés et sera donc également président du Sénat. JD Vance, « l’ours aux yeux bleus », serait alors le plus jeune vice-président de l’histoire des Etats-Unis.
Né James David Bowman, Vance est le parfait inconnu selon un sondage de CNN, la principale chaîne d’information de gauche aux Etats-Unis. Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi Trump a choisi de s’adresser à lui, lui qui, il y a huit ans, était encore ballotté dans les médias américains en tant que critique républicain de Trump.
Trump veut convaincre le Nord
De nombreux républicains espéraient que Trump ferait appel à de gros calibres comme le gouverneur de Floride Ron De Santis comme vice-président de son équipe de campagne. L’ancien et très probablement [???] futur président des Etats-Unis a toutefois fait ses propres calculs et a ainsi pu surprendre tout le monde, y compris son propre parti. Vance a servi quelques années dans les Marines américains et a passé six mois en Irak. Ce sont des détails importants dans la biographie d’un politicien américain en pleine ascension. Juriste de formation, Vance est diplômé de Yale en droit. Cela aussi est une carte de visite qui ouvre des portes chez les Anglo-Saxons. Vance dispose d’excellents contacts avec le milliardaire allemand de la Silicon Valley Peter Thiel, l’un des rares non gauchistes dans la forge high-tech du mondialisme américain. C’est même Thiel qui a présenté Vance à Trump il n’y a pas si longtemps. Tous ces détails sont intéressants et importants, mais ils n’ont pas été décisifs pour Trump. A titre de comparaison, imaginons qu’un jeune inconnu, qui vient d’être élu au Bundestag allemand, écrive une autobiographie qui se vend à plus de 200 mille exemplaires dans les pays germanophones.
Mais c’est précisément ce qui permet de se rapprocher des motifs qui ont poussé Trump à prendre sa décision.
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Vance est né dans une famille ouvrière de l’Ohio, enracinée dans les Appalaches. Son père a quitté la famille très tôt, sa mère est devenue toxicomane. Vance a donc été élevé par ses grands-parents maternels. Il est né Bowman, a ensuite reçu le nom de son père adoptif et a finalement changé de nom pour celui de ses grands-parents, qui l’ont élevé dans des conditions presque misérables selon les normes américaines.
L’histoire de JD Vance est une histoire américaine. C’est l’histoire d’un homme qui a réussi malgré les circonstances les plus défavorables. Son histoire est celle d’un « héros » pour une catégorie d’électeurs bien précise, sur laquelle Trump avait déjà misé en 2016. Cette partie de l’ancienne Amérique qui, selon Trump, a été abandonnée à cause de développements erronés et de mauvaises orientations. Cette partie d’une Amérique glorieuse, pour reprendre le langage de Trump, dont les efforts ont été récompensés par l’ingratitude. Il s’agit des travailleurs et des agriculteurs américains dans les États allant de la Pennsylvanie sur la côte est au Minnesota en passant par l’Ohio, le Michigan et le Wisconsin. Ces États ont fait pencher la balance lors de l’élection de 2016 et ils feront également pencher la balance à l’automne prochain. La vente massive de l’autobiographie de Vance prouve que le jeune sénateur ne fait pas que toucher le nerf d’une partie de la société américaine, il la personnifie.
C’est Vance qui, en 2016, avait encore vivement critiqué la politique migratoire de Trump. Aujourd’hui, en revanche, il est l’un des critiques les plus virulents de la politique d’ouverture des frontières de Biden. Sur le plan personnel, il est inattaquable, car il est marié à une Américaine d’origine indienne avec laquelle il a trois enfants .
Trump représente le rêve américain, mais il est déjà né dans une famille aisée. Vance vient de milieux sociaux totalement opposés. En fait, il aurait été prédestiné à finir négligé dans le caniveau et à ne plus en sortir. C’est le contraire qui s’est produit grâce à ses grands-parents. Il défend, notamment en raison de son jeune âge, une variante fascinante du Rêve américain. Et, comme le montrent les faits, il s’adresse aux Américains blancs qui ne veulent pas seulement haïr et éliminer les esprits du temps woke, mais les punir. Il parle le langage de ces couches d’électeurs menacées par une migration effrénée, par l’inflation et par un Etat tentaculaire. Il est l’un d’entre eux et est perçu comme tel.
Et les catholiques
JD Vance devrait en outre s’adresser aux catholiques, potentiellement, si l’on compte les anciens, un tiers de l’électorat américain. Lui qui a été baptisé protestant s’est converti à l’Église catholique en 2019. Sur les questions de politique sociale, il défend des positions plus accentuées que Trump, plus réservé. Vance les souligne justement sur la question du droit à la vie.
Enfin, JD Vance est le premier membre de la Millennial Generation à accéder à l’une des plus hautes fonctions de l’Etat si Trump remporte les élections. Trump a déjà plaisanté en faisant allusion aux critiques qui le considèrent comme trop vieux et Vance comme trop inexpérimenté : il suffit d’additionner son âge et celui de Vance et de le diviser par deux pour que toute question sur leur âge soit réglée.
Surtout, Vance est aux côtés de Trump sur les questions de politique étrangère, ce qui n’est pas le cas de tous les républicains qui ont été considérés ces derniers mois comme des candidats potentiels au poste de vice-président de Trump. La nomination de Vance signifie un rejet de cette partie des républicains.
Vance a immédiatement choqué les alliés européens des Etats-Unis par ses déclarations glaciales sur l’avenir de l’Ukraine. Il n’en a que faire. Il n’a fait qu’exprimer honnêtement ce que l’ensemble de la direction politique des Etats-Unis pense, mais que les démocrates et les républicains mondialistes cachent derrière de belles façades comme la démocratie et les droits de l’homme. La carte géopolitique de Trump est différente, et il l’a fait savoir très tôt aux dirigeants ukrainiens. Sous sa présidence de 2017 à 2021, le message était qu’il n’y avait pas eu de guerre et qu’il n’y en aurait pas eu non plus après 2021 si on l’avait laissé à la Maison Blanche. Il n’assume donc pas non plus la responsabilité du fait que d’autres veulent quand même faire la guerre. Lui, Trump, mise sur les négociations et le business. On pourrait aussi dire « vivre et laisser vivre ».
Vance suit les prémisses de la politique étrangère de Trump visant à limiter l’engagement militaire global des Etats-Unis. Lui qui a combattu en Irak déclare aujourd’hui: ;
« En 2003, j’ai fait l’erreur de soutenir la guerre en Irak en m’engageant dans les Marines. J’ai servi mon pays avec honneur, mais en Irak, j’ai réalisé qu’on m’avait menti, que les promesses de la classe dirigeante en matière de politique étrangère étaient un mensonge colossal « .
Des mots clairs. Et un message clair pour le monde.