« Toutes les religions se valent ». C’était hier, 13 septembre, lors de la rencontre avec les jeunes à Singapour, ultime étape de sa « tournée » en Asie. L’apothéose, en quelque sorte. Le sujet était « le dialogue interreligieux » et François, enfilant des banalités qui feraient passer les conversations autour de la machine à café comme un symposium de prix Nobel, a annulé en une phrase tout l’édifice de 2000 ans de christianisme. Et les médias, qui devraient jubiler, n’en parlent même pas tellement c’est « normal » pour eux. Il est vrai que les sorties de François n’intéressent plus personne en dehors d’un très petit cercle d’initiés.
Un pape déconcertant : pour atteindre Dieu, une religion en vaut une autre
Luisella Scrosatti
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S’exprimant sur le dialogue interreligieux avec des jeunes à Singapour, le pape François met toutes les religions sur un pied d’égalité. En fait, c’est la négation de la prétention du Christ à être « le chemin, la vérité, la vie », l’annihilation du sens de l’Incarnation et de la Rédemption.
Un revirement à 180 degrés par rapport à son prédécesseur, un recul de plus de deux mille ans dans l’histoire des religions, et – ce qui est inacceptable dans la bouche de tout chrétien – la remise à zéro du cœur de l’événement chrétien. Les remarques de François à l’occasion de la rencontre avec les jeunes du Catholic Junior College de Singapour ne laissent aucune place à l’ambiguïté: pour François, toutes les religions mènent à Dieu, de même que tous les chemins mènent à Rome, sans concéder ne serait-ce qu’un petit avantage de faveur et de sympathie au christianisme.
L’exhortation au dialogue interreligieux d’hier, 13 septembre, est en fait la pierre tombale non seulement du dialogue interreligieux lui-même, tel qu’il est conçu par l’Église catholique, mais aussi du sens même du christianisme:
L’une des choses qui m’a le plus frappé chez vous les jeunes, chez vous ici, c’est la capacité de dialogue interreligieux. Et c’est très important, parce que si vous commencez à vous disputer : « ma religion est plus importante que la tienne… », « la mienne est la vraie, la tienne n’est pas vraie… ».
Où tout cela mène-t-il ? Où, que quelqu’un réponde, où ? [quelqu’un répond: « La destruction »].
C’est ça. Toutes les religions sont un chemin vers Dieu. Elles sont – je fais une comparaison – comme des langues différentes, des idiomes différents, pour y parvenir. Mais Dieu est Dieu pour tous. Et parce que Dieu est Dieu pour tous, nous sommes tous ses enfants.
« Mais mon Dieu est plus important que le tien ! Est-ce vrai ? »
Il n’y a qu’un seul Dieu et nous, nos religions sont des langues, des chemins vers Dieu. Certains sont sikhs, d’autres musulmans, d’autres hindous, d’autres chrétiens, mais ce sont des chemins différents. Compris? »
Des mots qui sonneraient comme une platitude désarmante sur les lèvres de n’importe qui, mais qui laissent perplexe lorsqu’ils sont prononcés par le successeur de l’apôtre Pierre, dont le ministère consiste à confirmer ses frères dans la foi, et non à les désorienter.
François, en revanche, le réinterprète à sa manière, comme si saint Pierre avait entamé un dialogue avec les juifs et les païens, leur disant que la mort et la résurrection du Christ n’ont rien apporté de substantiellement décisif à l’histoire de l’humanité, si ce n’est une nouvelle voie alternative vers Dieu, mais toujours facultative et sans la prétention d’être la seule vraie. Comme la variante d’une autoroute.
Peut-être le Pape croit-il que l’affirmation qui est sortie de la bouche même de Jésus-Christ – « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6) – était une coquille de quelque copiste, ou une réinterprétation des disciples du Seigneur, qui n’avaient encore rien compris au dialogue interreligieux, ou même un délire de toute-puissance d’un certain Jésus-Christ, qui s’était monté la tête en se prenant pour Dieu. « Personne ne vient au Père si ce n’est par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi le Père » (Jn 14,6-7) : une “perspective” résolument opposée à celle du Pape.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que nier que la religion chrétienne est la seule vraie, la seule capable de conduire à Dieu, en la plaçant sur le même plan que n’importe quelle autre voie religieuse des hommes, signifie simplement nier l’auto-révélation que le Christ fait de lui-même dans les saints Évangiles, enseignés par l’Église depuis sa fondation ; c’est refuser que les hommes ne puissent en aucun cas venir à Dieu, bien qu’ils le cherchent, si ce n’est par Jésus-Christ et son Église ; c’est n’avoir rien compris à la nécessité d’être racheté par le sang de Jésus-Christ par le baptême, et d’être incorporé à son Église. C’est précisément apostasier de toute la foi catholique, et non se tromper seulement sur quelques points.
On ne comprend donc pas la superficialité avec laquelle il règle la question de la vérité de la religion. Pendant des siècles, la préoccupation principale des Pères, des Docteurs et des théologiens a été de montrer comment le christianisme est l’accomplissement de la religio vera. Le cardinal Ratzinger, rappelant la comparaison entre saint Augustin et Varro, avait expliqué avec une extrême clarté qu’il s’était produit dans le christianisme quelque chose d’« étonnant » :
« Les deux principes fondamentaux du christianisme apparemment opposés, le lien avec la métaphysique et le lien avec l’histoire, se conditionnent et se rapportent l’un à l’autre ; ensemble, ils constituent l’apologie du christianisme comme religio vera »
(La victoire de l’intelligence sur le monde des religions, « 30 Giorni », janvier 2000).
La vérité, le Logos éternel et primordial, est entrée dans l’histoire, créant l’embrassement entre religion et philosophie ; la forme historique assumée par le Verbe constitue le dévoilement définitif de la vérité, établissant ainsi définitivement le christianisme comme la vraie religion, non pas simplement dans ses principes ou, comme on dit aujourd’hui, dans ses « valeurs », mais précisément dans sa forme historique qu’est l’Église catholique. La bonne nouvelle est là : les hommes ne sont plus livrés à eux-mêmes dans leur recherche de la vérité, ni même dans leur aspiration au divin, systématiquement vouée à l’échec, jusqu’à ce que Dieu vienne à leur rencontre. Et Dieu s’est fait connaître à l’homme en la personne de Jésus-Christ, Dieu s’est fait homme pour que les hommes puissent participer à la vie divine.
Par ses propos misérables, François efface le sens du christianisme, le sens de l’incarnation du Verbe et de sa Passion, réduisant le christianisme à une religion parmi d’autres et annulant même la recherche par l’homme de la vérité sur Dieu.
Il s’agit de déclarations graves qui rendent vain le sens même de l’Incarnation et de la Rédemption et qui ne peuvent donc pas passer inaperçues aux yeux du Collège des cardinaux et de tous les évêques catholiques.