Je suppose que les images du pape, faisant irruption dans la Basilique-mère en fauteuil roulant, poussé par des fonctionnaires en bras de chemise, vêtu d’un pantalon noir, d’un maillot de corps (« maglietta intima », dit la presse italienne) et d’un poncho ou d’un plaid, sans AUCUN INSIGNE QUI RAPPELLE SON MINISTÈRE (il aurait été si simple de lui faire porter la calotte papale, ou une étole) vont probablement être déclassées au niveau des ragots tout juste bons à alimenter les pages de la presse à scandale et à satisfaire les lecteurs avides de détails croustillants.
Tel n’est pas mon avis.
Il apparait aujourd’hui que le Pape, arrivé au terme de son pontificat, ait décidé de se « lâcher » complètement, de se moquer de ce qu’on pense de lui et de se montrer tel qu’il est vraiment. Dans le premier article que j’ai repris hier (Le corps du pape exhibé comme un trophée dans sa Basilique), la faute était imputée presque exclusivement au staf communicationnel (je ne suis pas sûre que le mot existe) du Vatican. Mais c’est peut-être excessif. La réalité est plus crue, et le message est clair: « Je suis là, et je ne partirai que mort ».
L’apparition surprise désordonnée du pape François au Vatican : était-ce intentionnel ?
Michael Haynes
blog.messainlatino.it/2025/04/haynes-la-sorprendente-apparizione
Le pape François a fait une apparition surprise au Vatican aujourd’hui, créant un évènement digne d’attention notamment en raison de son apparence étonnamment négligée.

Jeudi après-midi, peu avant 13 heures, les touristes et les pèlerins qui se trouvaient dans la basilique Saint-Pierre ont été accueillis par une apparition inattendue du pape. Des reportages, publiés d’abord par [l’agence] ANSA, décrivent comment il est allé inspecter les travaux de restauration récemment achevés sur l’autel de la cathédrale, avant d’être transporté dans un fauteuil roulant pour prier sur l’autel de saint Pie X.
Il est ensuite retourné à la Casa Santa Marta, qu’il a choisie comme résidence pour la durée de son pontificat.
Mais plus encore que l’apparition surprise du souverain pontife – sur laquelle nous reviendrons – c’est son apparence et celle de ses collaborateurs qui a surpris.
Le Pape ne portait aucun habit clérical, mais un T-shirt blanc à manches longues et un pantalon noir, avec une couverture ou un poncho couvrant son buste pour le protéger du froid. Il utilisait également des canules nasales pour l’oxygène et ne portait pas sa calotte papale.
À quand remonte la dernière fois qu’un pape est apparu en public sans être habillé en pape ? Les célèbres images du pape Jean-Paul II soigné à l’hôpital Gemelli viennent à l’esprit, mais rien d’autre.
Non seulement le pape est habillé d’une manière aussi inhabituelle, mais ses assistants, bien qu’en chemise et cravate, n’ont pas de veste et pourtant, même dans la chaleur de l’été italien, ils ne l’ont jamais enlevée en public.
Compte tenu de la nature improvisée de la situation, on pourrait facilement croire qu’il s’agit d’un événement vraiment imprévu, comme si le pape avait décidé dans son appartement qu’il avait accumulé suffisamment d’énergie et avait donc demandé à ses assistants de l’emmener immédiatement au Vatican.
Oui, ou non?
Pour un observateur attentif des affaires du Vatican, la vidéo d’aujourd’hui a une signification bien plus profonde que la simple valeur apparente de ses quelques secondes. Elle veut envoyer un message au monde, mais aussi aux cardinaux, que le pape n’est pas encore parti.
S’agit-il de cynisme, d’une intention réelle ou d’une erreur de calcul flagrante ? Certes, certains pourraient dire qu’il est cynique de tirer cette signification de ce qui n’aurait pu être qu’un moment émouvant pour le pape. Bien sûr, pourrait-on dire, nous avions hâte de voir le pape après son long séjour à l’hôpital, et un tel événement aujourd’hui est exactement ce que nous espérions.
Toutefois, cette affirmation est contredite par des faits indéniables. Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, apparaît à peine dans la vidéo et, à la fin, on l’entend dire « Merci » à la famille de l’enfant. Le fait que Bruni ait accompagné le pape signifie que cette visite était clairement le résultat d’une organisation et non d’une décision impulsive et soudaine. On a eu le temps de s’assurer que Bruni avait été convoqué pour accompagner le Pape.
Ainsi, si la visite était effectivement planifiée, au moins en partie – ce qui est manifestement le cas -, pourquoi ne pas avoir pris quelques minutes pour revêtir le souverain pontife de sa soutane ? Pourquoi ne pas lui mettre son zucchetto, ou sa croix pectorale, ou encore son anneau papal ? Et même, pourquoi ne pas prendre un moment pour améliorer son apparence et le faire connaître pour ce qu’il est : le Vicaire du Christ, et pas seulement un vieil homme fragile dans un fauteuil roulant ?
Face à ces questions, une réponse s’impose : c’est ainsi que le pape François voulait apparaître et être vu. Et c’est bien ce qui s’est passé, puisque les images sont devenues virales sur les réseaux sociaux.
Pour les touristes et les pèlerins qui l’ont vu, cela aura été un choc et une émotion indescriptibles de le voir, et accessoirement un choc de ne pas le voir en habit papal. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les rues de Rome, la première des priorités aura été la rareté du Pape, qui les aura réjouis quelle que soit sa tenue vestimentaire.
Aux yeux de ceux qui sont à l’extérieur du Vatican, les événements d’aujourd’hui auront probablement donné une image positive du Pape en tant que figure humaine : un homme affligé par la souffrance et les fragilités de l’âge, comme tout le monde tôt ou tard, mais assez généreux pour montrer ses faiblesses. Pour beaucoup, cela aura consolidé l’appréciation de François comme figure humanisante de l’Église.
Pour ceux qui l’entourent au Vatican et ceux qui participent au « battement de coeur du Vatican » – en particulier les cardinaux qui ont déjà commencé à planifier un conclave, bien qu’ils le nient officiellement et disent que de tels plans peuvent être au moins temporairement suspendus – les événements d’aujourd’hui ont envoyé un message très différent. Un message clair. « Le pape est ici et il ne partira pas », voilà ce qui a été proclamé haut et fort.
Certes, ses capacités physiques sont moindres qu’il ne le souhaiterait, mais il peut les assumer, d’autant qu’il s’est habitué à gouverner en fauteuil roulant au cours des dernières années. La détérioration de ces dernières semaines semble être une chose qu’il prend avec philosophie, ayant depuis longtemps surmonté sa réticence initiale à utiliser un fauteuil roulant. Ceux qui s’attendaient à ce que l’esprit et la volonté de François soient affaiblis par sa récente hospitalisation de 38 jours devront reconsidérer leur position.
Mais ce qui est encore plus déconcertant pour tout cardinal impliqué dans la politique, c’est que le pape François reste exactement comme il l’a toujours été : déterminé et très imprévisible. Le moment et les modalités de son apparition comme visiteur d’honneur au Vatican aujourd’hui – un jeudi ordinaire, alors que le Vatican est peuplé des milliers de touristes habituels – auront rappelé à la Curie romaine à quel point il est difficile d’encadrer ou de prédire le pape François.
De plus en plus, le pontificat du pape François a été compris en allant au-delà de la valeur apparente de ses actions et déclarations quotidiennes et en examinant ce qui se cache derrière elles. Examiné par des biographes aux interprétations très différentes, François a été qualifié de «Pape dictateur » par Henry Sire et de « Grand réformateur » par Austen Ivereigh. Quelle que soit l’épithète que l’on juge la plus appropriée pour l’Argentin, on ne peut nier que François a accompli un pontificat très habile, politiquement très rusé. Tantôt un chef-d’œuvre politique, tantôt un échec total.
C’est ce qu’a également démontré sa récente apparition dimanche dernier, lorsque, malgré l’ordre des médecins de maintenir une convalescence isolée pendant au moins deux mois, François a rejoint des milliers de pèlerins sur la place Saint-Pierre pour la messe du jubilé et a serré la main de bon nombre d’entre eux.
Peu avant la fin de la messe célébrée par Mgr Rino Fisichella, un bruissement a parcouru l’assemblée lorsque la silhouette blanche en fauteuil roulant a été aperçue sortant des portes de la basilique. François, accompagné des photographes de Vatican Media, était venu faire une apparition remarquée et rappeler à tous qu’il était toujours au Vatican et qu’il y resterait à jamais.
Il y a probablement des opinions contradictoires à ce sujet : certains diront que l’accueil des pèlerins était un geste de bonté aimante ; d’autres diront qu’il s’agissait d’une manœuvre soigneusement calculée pour attirer l’attention sur lui pendant un court laps de temps. L’une ou l’autre hypothèse pourrait être vraie, et même dans ce cas, l’effet de l’option alternative pourrait rester tout aussi exact.
François a interrompu la fin de la messe alors qu’il était transporté en fauteuil roulant jusqu’à l’autel, où il s’est joint à l’archevêque Fisichella pour donner la bénédiction finale. Après la messe, il a salué d’autres fidèles.
Mais pour un événement qui avait été minutieusement planifié, comme en témoigne la présence des médias du Vatican, il aurait été plus approprié que le pape n’interrompe pas la messe et ne détourne pas l’attention de la liturgie. N’aurait-il pas été plus conforme au caractère sacré de la messe que l’archevêque Fisichella donne la bénédiction finale et annonce ensuite aux fidèles que le pape se joindra à eux pour les saluer ?
En fait – pour ceux qui choisissent de se plonger dans les détails – la messe est devenue secondaire pour François, devenant sa scène plutôt que celle de Dieu. Si seulement son entrée sur la place avait été retardée d’une seule minute, elle n’aurait pas eu lieu. Une fois de plus, la question se pose : pourquoi en est-il ainsi ?
Le Souverain Pontife est rentré au Vatican après ses longues journéesd’hospitalisation. Ainsi, sans se laisser décourager par ses deux accidents mortels, l’homme qui gouverne de manière à constamment dérouter et embrouiller ceux qui l’entourent est de retour.
Aux qualificatifs de « Pape dictateur » et de « Grand Réformateur », il convient d’ajouter celui de « Grand Intrigant ».
Mots Clés : Pape-en-poncho