Luisella Scrosatti souligne le dernier contraste – abyssal- entre François, et son prédécesseur Benoît XVI qui savait bien, lui, que le prêtre, et a fortiori le pape, devait s’effacer derrière Celui dont il n’était que la représentation. Tandis que pour le premier, depuis le 13 mars 2013, « il ne s’est pas passé un mois sans qu’il veuille, parfois explicitement, parfois implicitement, mettre le pontificat au service de sa personne et de ses idées ».

Le pape en poncho, emblème d’un pontificat
Luisella Scrosatti
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La dernière apparition à Saint-Pierre, qui a déconcerté le monde entier, est une ultime et éclatante démonstration de la façon dont le pape François a vécu le pontificat au service de ses propres idées, en contraste total avec son prédécesseur. Une déconstruction systématique de la papauté.
L’image de Jorge Mario Bergoglio en fauteuil roulant, vêtu d’un tricot de corps à demi recouvert d’un poncho rayé, les cheveux ébouriffés et en pantalon noir, est peut-être l’expression la plus éloquente de la manière dont lui – et son entourage [en français dans le texte] – ont compris le pontificat et le énième, peut-être le dernier contraste flagrant avec Benoît XVI.
Ce dernier était conscient que Joseph devait disparaître pour que le Seigneur puisse garder son Église à travers Benoît. Sa personne devait être entièrement absorbée par son ministère, il devait servir ce ministère ; Ratzinger savait que le pape n’avait plus de vie privée, et même après sa démission, il a voulu répéter qu’il ne reviendrait pas à une vie privée. Celui qui a été choisi comme successeur de l’apôtre Pierre doit « disparaître » derrière la robe blanche ; sa pensée personnelle, sa sensibilité particulière ne comptent plus : il doit, plus que tout autre baptisé, se laisser absorber par la pensée du Christ.
C’est ainsi que Ratzinger avait fondamentalement compris son rôle d’évêque, et même son appel à présider la Congrégation pour la doctrine de la foi : il n’était plus un simple théologien – qui devait se mettre au service de la Révélation et non la dominer – mais le gardien d’une doctrine qui n’était pas la sienne. C’est aussi ainsi qu’il concevait le ministère sacerdotal, notamment dans sa composante liturgique : le prêtre est serviteur du mystère qu’il célèbre ; son individualité est enfouie sous les vêtements sacrés, afin que le rite soit préservé et transmis dans toute sa sacralité et sa pureté, sans aucune contamination de goût personnel. Son regard vers le bas pendant les célébrations, la justesse des gestes, l’exactitude des rubriques, la gravité en toute chose, ont montré au monde ce que signifie être un ministre de Dieu.
François a toujours fait le contraire. Il a utilisé le pontificat pour faire avancer ses propres idées et repousser ceux qu’il percevait comme des opposants à son agenda personnel. L’« Église de François » ne s’exprime pas différemment : le ministère sacerdotal et épiscopal est surtout vécu comme une passerelle pour s’exhiber, un rôle de pouvoir pour imposer ses propres désirs. La sphère liturgique ne fait pas exception : l’église où tu vas, la messe que tu trouves, avec des prêtres qui déversent leurs frustrations dans le rite sacré et qui façonnent les lieux sacrés et les rites à leur image et à leur ressemblance.
Depuis ce 13 mars 2013, il ne s’est pas passé un mois sans que François ne veuille, parfois explicitement, parfois implicitement, mettre le pontificat au service de sa personne et de ses idées. Pas seulement le pontificat : la justice, la doctrine, la structure de l’Église, tout a été retravaillé pour être utilisé pour le projet et la personne de Jorge Mario Bergoglio. Le fait de se présenter comme un simple homme en fauteuil roulant dans la basilique vaticane – qu’il s’agisse de sa propre volonté ou de celle des autres, peu importe [non! c’est également très significatif, voir Badilla] – n’est que l’épilogue cohérent de l’un des pontifes les plus narcissiques de l’histoire de l’Église. Benoît XVI, peut-être à tort, a voulu garder la soutane blanche jusqu’à la fin de sa vie, même après avoir renoncé au ministère pétrinien, pour souligner que sa personne continuait à être pleinement au service de l’Église, totalement relative à elle ; François a voulu l’abandonner alors qu’il est encore pape, montrant au fond combien il était peu à l’aise en portant le signe de la soumission totale à Dieu et à l’Église.
Car le principe et la finalité de l’autorité dans l’Église, c’est précisément cela : la soumission totale à Dieu. Et plus encore pour le successeur de Pierre, qui doit toujours se rappeler que ce n’est pas de la chair et du sang que vient la foi qu’il est appelé à confirmer, et que c’est précisément lorsque l’humanité l’emporte que Pierre mérite d’être appelé même « Satan » par le Seigneur (cf. Mt 16, 13-23).
« S’il y a un souverainiste dans le monde, c’est le pape », a déclaré avec lucidité Gian Franco Svidercoschi – un vaticaniste bien connu et certainement eu suspect d’ « indiétrisme » . Sous le couvert de l’Église synodale, belle-fille dégénérée de la collégialité conciliaire, François a réalisé le pontificat le plus absolutiste de l’histoire, mettant les cardinaux et les évêques sous ses pieds, presque comme s’il s’agissait d’un tabouret.
Svidercoschi détruit également un autre mythe, en répondant par un non sec à la question de savoir si une Église plus inclusive émergera du pontificat de François. Et il ajoute, pour mettre les points sur les « i », que
« l’Église de François a perdu beaucoup, beaucoup d’autorité morale ».
Une Église non seulement moins inclusive, mais aussi plus divisée :
« Il y a des réformes ou des changements supposés qu’il a faits, qui ont brisé l’Église… Alors qu’avant il y avait une division au sommet, maintenant il y a une division dans le peuple de Dieu ».
Mais la véritable pierre tombale de François, Svidercoschi la place lorsqu’il prononce le verdict épigrammatique sur le pontificat désormais en déclin :
« Pendant les 3/4 de son pontificat, il a manqué l’absolu. Il a manqué Dieu ».
Pas vraiment un détail pour le vicaire du Christ sur terre. Des mots forts, mais vrais. Le protagonisme [la volonté de se mettre au premier plan] de François a fini par éclipser Dieu et par avilir la papauté, et ce nouveau coup d’éclat d’une apparition publique presque en pyjama en est une nouvelle confirmation, après les différents buongiorno et buona sera, les apparitions chez Fazio, les blagues sur les religieuses vieilles filles et les parents qui font des enfants comme des lapins.
Aux cardinaux, nous adressons une supplique : qu’ils choisissent un homme qui se mette au service de la papauté et non un homme qui mette la papauté au service de lui-même.
Mots Clés : Pape-en-poncho