Nous continuons notre revue avec le formidable éditorial du blog Messa in latino, qui s’interroge dès le titre: optimisme mesuré ou pessimisme prudent ?
Car indubitablement, la première impression est favorable, mais ce n’est pas une raison pour ne pas rester vigilant, en attendant les premiers actes. Déjà ce matin, avec la messe dans la Chapelle Sixtine, et le cérémonial qui y sera respecté.
Oscar Wilde disait, et il avait raison, que seules les personnes vraiment superficielles ne jugent pas sur les apparences.

Le pape Léon : optimisme mesuré ou pessimisme prudent ?
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Oscar Wilde disait, et il avait raison, que seules les personnes vraiment superficielles ne jugent pas sur les apparences. La forme, c’est le fond, dit-on également.
Commençons donc notre examen critique (au sens étymologique, et non péjoratif, de l’adjectif : de κρίνειν, évaluer) par la manière dont le nouveau souverain pontife s’est présenté hier soir à la loggia centrale de la vénérable basilique Saint-Pierre.
Un beau spectacle, à n’en pas douter. Nous avions encore à l’esprit l’horrible journée de 2013 où le pape François (et déjà le nom inédit…) était apparu au balcon déguisé en marchand de glaces pour nous souhaiter le bonsoir. L’apparition du nouveau pape en mozzette rouge, étole pontificale brodée et croix pectorale dorée (et pas de chaussures noires, car on ne les voyait pas de toute façon), a été une consolation bienvenue.
Mais c’est surtout le discours qui nous a frappés : l’incipit tout d’abord, avec les mots presque liturgiques repris – s’est empressé d’ajouter le nouveau pape – de la salutation du Seigneur ressuscité aux disciples : « la paix soit avec vous tous ».
Et puis un discours théologiquement dense, dans lequel il semble réaffirmer l’unicité salvifique de Jésus-Christ (autre chose que la déclaration bergoglienne d’Abu Dhabi sur la providentialité du pluralisme religieux !) : comment interpréter autrement la phrase « L’humanité a besoin de Lui comme pont pour être rejointe par Dieu et son amour » ?
D’ailleurs, la devise cardinalice de Prévost, tirée de saint Augustin, reprend le même concept : In illo uno unum, en Lui seul nous sommes un.

Bref, voilà un pape qui est entré immédiatement in medias res, c’est-à-dire directement dans le vif de sa nouvelle fonction, qui est d’enseigner les fondamentaux de la foi. Les salutations et les souhaits de bon repos, nous les laissons aux anachorètes.
Enfin, nous avons apprécié la référence à une dévotion populaire et mariale telle que la Supplication à Notre-Dame de Pompéi, avec une saveur qui renvoie à la fin du XIXe siècle et donc pré-conciliaire ; la même saveur que le nom Leon, sur lequel nous avons écrit dans l ‘un de nos billets:
Leon XIV. Cela nous semble un choix très intelligent, comparable à celui de Ratzinger d’exhumer le nom d’un prédécesseur peu controversé. Personne n’a de souvenirs significativement négatifs de Léon XIII. Certes, il a maintenu la condamnation par Pie IX du nouvel État italien qui s’était emparé de Rome et a lutté contre la franc-maçonnerie (son Oraison à saint Michel Archange est une prière antimaçonnique), mais ces « fautes » sont rachetées par sa célèbre encyclique Rerum novarum, par laquelle il inaugure la doctrine sociale de l’Église, protectrice du prolétariat. Et puis, le nom évoque aussi le pape Léon le Grand qui, ayant arrêté la horde d’Attila sans défense, par la seule force du courage et de la foi, peut s’élever au rang de saint homme du pacifisme. Bref, retenez ce nom.
Avec cette belle première impression, qu’est-ce qui peut donc nous inquiéter ?
Dans ce même billet de pari sur les noms, j’écrivais que si j’étais devenu pape, j’aurais choisi le nom de François II, pour mieux cacher mes intentions de faire exactement le contraire de mon prédécesseur. Le pape Prévost a peut-être eu la pensée inverse : utiliser un nom et des accoutrements traditionnels pour mieux poursuivre un programme révolutionnaire. Mais prêter de telles intentions trompeuses au nouveau pontife n’est ni correct ni chrétien, alors basons-nous sur les faits.
Ce que nous savons, c’est que Prévost dirigeait la terne de l’aile progressiste, qui était composé, par ordre de préférence, de Prévost, Grech et Battaglia. Les cardinaux Tolentino et Tagle, quant à eux, étaient les candidats « de paille », ceux qui étaient mis en avant lors des étapes préliminaires afin de ne pas épuiser les vrais candidats (la même tactique utilisée à nouveau par les progressistes en 2013, en « brûlant » le nom du cardinal Scherer pour garder la vraie carte, Bergoglio, couverte).
Le nouveau pape est donc incontestablement soutenu en premier lieu par les innovateurs. Et il était aussi, avec le cardinal Grech, le candidat préféré du pape François.
L’appel explicite, dans le premier discours, à « l’Église synodale, une Église qui marche » est une caution versée à ses principaux électeurs. De plus, avec une pleine adhésion, car le nouveau Saint-Père est un partisan convaincu de la synodalité. Mais nous devrons comprendre ce qu’il entend précisément par ce concept : s’il s’agit des kermesses bergogliennes bâclées et fondamentalement inutiles des « synodes sur la synodalité » ; ou de la voie synodale allemande subversive, qui voudrait changer la doctrine catholique ; ou de quelque chose d’autre encore, et, espérons-le, plus ancré dans la tradition et le droit canon (le nouveau pape est, après tout, un canoniste).
Son passé de préfet de la Congrégation des évêques n’est pas non plus de bon augure, compte tenu des choix très discutables opérés durant son mandat. Certes, on ne saura jamais si les nominations (largement contestables) sont de son fait ou de celui du despotisme bergoglien, peu enclin à suivre l’avis de ses dicastères ; mais on soupçonne une complicité dans le forfait.
Ce qui nous réconforte plutôt, outre la première impression et le style personnel en général (réservé, laborieux, cultivé et réfléchi), c’est que la nomination est intervenue tôt, au quatrième tour de scrutin. Aux votes initiaux des progressistes se sont ajoutés ceux des partisans de Parolin, dès qu’il s’est rendu compte, après les premiers tours de scrutin, qu’il n’atteindrait pas l’objectif. Mais il restait une minorité de blocage des plus conservateurs d’un peu plus de quarante voix, et il a dû en gagner au moins quelques-unes. Pour un résultat en si peu de tours de scrutin, l’élu a dû nécessairement les rassurer, et nous pensons qu’il l’a fait sur ces trois points fondamentaux
- Un retour à une plus grande clarté doctrinale, pour dissiper au moins en partie la désorientation doctrinale engendrée par les documents et, plus encore, par les interviews et les sorties du pape Bergoglio. Les dérapages, en particulier dans le domaine de la bénédiction des couples homosexuels, ont déjà conduit au schisme la confession anglicane, et les « évêques » africains (et d’autres) rejettent ces parodies blasphématoires du mariage. Rares sont ceux qui veulent suivre cet exemple.
- restaurer l’unité et la paix au sein de l’Église, en atténuant les persécutions et les interdictions à l’encontre de ceux qui ne suivent pas la ligne (et cela nous concerne directement, nous les traditionalistes) ;
- en lien avec les deux points précédents, enfin, la très importante question de l’argent, les finances du Vatican étant dans le rouge, l’attitude péroniste de Bergoglio ayant réduit à peau de chagrin les financements, notamment des fidèles américains. Le choix d’un pape américain a peut-être été influencé par l’espoir qu’il puisse convaincre ses compatriotes de rouvrir les cordons de la bourse : en revanche, il n’y a pas grand-chose à espérer de l’autre église nationale riche, l’église allemande (qui bénéficie même d’un revenu fiscal somptueux payé par les contribuables), puisque les Alémaniques préfèrent garder le magot pour eux, comme les nains du trésor des Nibelungen, et financer grâce à lui des assemblées et des études sur le sacerdoce féminin, les réformes pro-genre et l’accueil des LGBT…
Certes, il peut y avoir un problème dans le litigieux panorama politique américain, car Prevost, bien qu’ayant voté dans plusieurs primaires du parti républicain, n’est certainement pas un Trumpien et s’est récemment opposé au vice-président Vance sur l’interprétation du concept d’ordo amoris de Saint Augustin (pour Vance, cela implique qu’il y a une gradation dans la bienveillance en faveur de ceux qui sont les plus proches par rapport à ceux qui sont les plus éloignés ; Prevost, par contre, a un concept plus universaliste de l’amour).
Aujourd’hui, la première messe du nouveau pontife est prévue dans la chapelle Sixtine. Avec le prétexte de la valeur artistique de la chapelle, Benoît XVI avait réussi à y célébrer sur l’autel original, tourné ad Deum (et, plus précisément, vers la fresque du Jugement Dernier de Michel-Ange). Bergoglio, en revanche, faisant violence au pauvre maître de cérémonie Guido Marini et insultant le récemment démissionnaire Ratzinger, avait exigé qu’une table à repasser soit installée pour célébrer face au peuple.
Que fera Léon aujourd’hui ?
Mots Clés : Conclave 2025