J’ai vraiment éprouvé une sympathie spontanée (je dis bien: sympathie, rien de plus… et surtout pas admiration, encore moins enthousiasme) pour le successeur de François: après le rustre argentin, c’était un soulagement, et n’importe qui serait apparu comme un miracle d’élégance et de mesure. Et même après que certains de ses propos m’aient troublée, et même déplu, que les nominations attendues se fassent douloureusement attendre, je me suis efforcée, le plus loyalement possible, de lui trouver des excuses (on ne pourra donc pas me soupçonner d’anti-léonisme primaire – pardon pour le barbarisme) et de penser que par ses coups de menton, la « cour » bergoglienne ne faisait que prendre ses désirs pour des réalités: non, Léon XIV, comme le confirmait son nom, n’était pas un « François bis ».
Il semblerait bien que j’aie pêché par naïveté.
Le livre-interview paru à peine 4 mois après l’élection, le choix de l’interlocutrice, les références appuyées et constantes à son « bien-aimé prédécesseur » ont marqué un tournant décisif. Sans parler du soin qu’il met à ne JAMAIS citer Benoît XVI, même quand il utilise un concept forgé par le grand pape bavarois, par ex. celui de « laïcité positive », dans le discours adressé à un « groupe de travail sur le dialogue interculturel et interreligieux » (!!) à l’initiative du… Parlement européen (voir ce qu’en dit John Allen, cf. cruxnow.com , qui relève que Léon a un « Benoît intérieur » mais on ne peut s’empêcher de le comparer avec son « François extérieur »… énorme, celui-là!).
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, si l’on me permet cette familiarité, c’est l’interview à bâtons rompus accordée à des journalistes lors d’une petite promenade à Castelgandolfo. Le pape a abordé à la va-vite des sujets divers qu’il avouait ne pas connaître à fond (raison de plus pour ne pas en parler), et sur lesquels il n’a ni compétence ni autorité, en particulier sur la politique internationale. Comme si l’opinion du citoyen américain Robert Prevost, probable électeur démocrate, avait un quelconque intérêt du fait même de la haute charge qui est la sienne: celle de « confirmer ses frères dans la foi », pas de disserter sur le changement climatique.
Le pire concerne évidemment la polémique américaine autour du prix attribué par l’archevêque de Chicago, le cardinal Cupich, à un sénateur démocrate, Dick Durbin, pour « son travail en faveur des immigrants », sans tenir compte du fait que Durbin, qui se dit catholique, a toujours été favorable à l’avortement.
Réponse du pape à une question d’un journaliste:
« Je ne connais pas très bien ce cas précis.
Je pense qu’il est important de prendre en considération l’ensemble du travail accompli par un sénateur au cours, si je ne me trompe, de ses quarante années de service au Sénat américain.
Je comprends les difficultés et les tensions. Mais je pense, comme je l’ai déjà dit par le passé, qu’il est important de prendre en considération de nombreuses questions liées aux enseignements de l’Église. Ceux qui disent « je suis contre l’avortement » mais qui sont favorables à la peine de mort ne sont pas vraiment pro-vie. Ceux qui disent « je suis contre l’avortement mais je suis d’accord avec le traitement inhumain des immigrants aux États-Unis », je ne sais pas si cela est pro-vie.
Il s’agit donc de questions très complexes et je ne sais pas si quelqu’un connaît toute la vérité, mais je voudrais avant tout demander que nous nous respections mutuellement et que nous essayions ensemble, en tant qu’êtres humains et, dans ce cas, en tant que citoyens américains et citoyens de l’État de l’Illinois, ainsi qu’en tant que catholiques, de dire que nous devons être attentifs à toutes ces questions éthiques. Et de trouver la voie à suivre en tant qu’Église. L’enseignement de l’Église sur chacune de ces questions est très clair ».
Certes, l’enseignement de l’Eglise est très clair.
Que ne l’a-t-il rappelé!
Il manque manifestement une phrase. LA phrase: pour l’Eglise, l’avortement est inacceptable dans tous les cas. Point.
Le pape ne l’a pas prononcée, car il savait bien que s’il l’avait fait, c’en aurait été fini de sa lune de miel avec les journalistes… et le système dont ils sont les voix.
Quelle différence avec Benoît XVI, dont la parole, en dehors des canaux institutionnels était rarissime, et même absente, qui a été accusé pendant 8 ans de ne pas savoir COMMUNIQUER, et qui a été persécuté du jour de son élection jusqu’à sa mort, et même après.
Pour compléter ce bref tour d’horizon, on ne manquera pas de lire le formidable article que publie aujourd’hui sur ce sujet AM Valli, qui revient aussi sur l’intention de prière du pape pour le mois d’octobre: « Pour la collaboration entre les traditions religieuses » (voir ici: www.benoit-et-moi.fr…/des-intentions-de-prieres-du-pape-tres-bergogliennes/)