Abus: Les terribles accusations de Mgr Vigano
Dans l'interviewe publiée le 10 juin dernier, le Washington Post avait censuré l'un des échanges, concernant la gestion des abus sexuels par le Pape François. L'ex-nonce aux Etats-Unis a demandé à <LifeSiteNews> de publier la version non expurgée (7/7/2019).
Sur ce sujet, dans ces pages:
>>> Un document exceptionnel: l'interview de Mgr Viganò au Washington Post. Et l'analyse inédite de Roberto de Mattei (16/6).
Non seulement le pape François ne fait presque rien pour punir ceux qui ont commis des abus, mais il ne fait absolument rien pour dénoncer et traduire en justice ceux qui, pendant des décennies, ont facilité et couvert les auteurs de ces abus.
...
Vous me demandez si je vois des signes que le Vatican, sous le pape François, prend des mesures appropriées pour faire face aux graves problèmes d'abus. Ma réponse est simple : Le pape François lui-même couvre les abus en ce moment même, comme il l'a fait pour McCarrick.
Mgr Viganò donne des faits si précis, avec détails et noms, qu'il est totalement exclu que ses accusations soient mensongères.
Du reste, personne n'a essayé de les faire passer pour telles. "On" a simplement décidé de ne pas en parler, ce qui est finaleement bien plus efficace: pas de reportage, pas de questions gênantes. Ou plutôt (mais le procédé est si grossier qu'il n'a guère été repris, sinon par des sites confidentiels d'irréductibles bergogliens), "on" a choisi de sortir opportunément d'improuvables accusations de corruption contre l'ex-nonce (le tweet ci-dessous est d'Austin Ivereigh, un très proche du Pape, comme par hasard...).
Viganò, pope’s representative in Washington, received letters in 2013 about Bransfield’s lavish lifestyle. Bransfield sent a seven-seat Learjet to pick up Viganò in North Carolina, which cost the diocese $7,687. https://t.co/T9WUeEJqS6
— Austen Ivereigh (@austeni) July 3, 2019
Certains penseront peut-être que les faits rapportés par l'ex-ambassadeur du Saint-Siège à Washington sont de sordides histoires de sexe homo, sans autre intérêt que d'alimenter le voyeurisme du lecteur. CE SONT BIEN DES HISTOIRES SORDIDES, mais il est de la plus haute importance que le plus possible de gens sachent que non seulement le Pape ne fait rien pour punir les coupables, mais qu'il continue à protéger des membres du clergé qui ont gravement failli, et même qu'il couvre EN CE MOMENT MÊME des actes abjects commis par des clercs derrière les murs du Vatican.
Nouveau témoignage de Viganò :
Le Vatican a dissimulé des accusations d'abus sexuels sur des enfants de chœur du Pape
www.lifesitenews.com
3 juillet 2019
* * *
L'interview de l'archevêque Carlo Maria Viganò au Washington Post, publiée le 10 juin, contenait une réponse que le Post a décidé d'expurger de l'interview. Cette réponse contenait des informations importantes concernant des accusations non traitées d'abus sexuels contre un haut fonctionnaire du Saint-Siège, ainsi que la couverture d'un ancien séminariste, aujourd'hui prêtre, accusé d'abus sexuels sur des adolescents pré-séminaristes qui servaient comme enfants de chœur du Pape. Le texte intégral des réponses inédites de Viganò au Washington Post suit. Le nom d'une personne a été retiré par LifeSite parce que LifeSite n'a pas été en mesure de trouver des preuves suffisantes pour étayer l'accusation portée contre lui à ce stade.
Question: Voyez-vous des signes que le Vatican, sous le pape François, prend des mesures appropriées pour faire face aux graves problèmes d'abus. Dans le cas contraire, que manque-t-il ?
Mgr Vigano: Les signes que je vois sont vraiment inquiétants. Non seulement le pape François ne fait presque rien pour punir ceux qui ont commis des abus, mais il ne fait absolument rien pour dénoncer et traduire en justice ceux qui, pendant des décennies, ont facilité et couvert les auteurs de ces abus. Pour ne citer qu'un exemple: le cardinal Wuerl, qui pendant des décennies a couvert les abus de McCarrick et d'autres, et dont les mensonges répétés et flagrants ont été révélés à tous ceux qui y ont prêté attention a dû se retirer en raison de l'indignation populaire. Pourtant, en acceptant sa démission, le pape François l'a loué pour sa "noblesse". Quelle crédibilité a laissé le pape après ce genre de déclaration ?
Mais un tel comportement n'est pas du tout le pire. Pour en revenir au Sommet [du 25 février dernier, sur les abus sexuels] et à l'accent qu'il met sur les abus sur mineurs, je voudrais maintenant attirer votre attention sur deux cas récents et vraiment horribles, incluant des allégations d'agressions contre des mineurs, pendant le mandat du pape François. Le pape et de nombreux prélats de la Curie sont bien au courant de ces allégations, mais dans aucun des cas une enquête ouverte et approfondie n'a été autorisée. Un observateur objectif ne peut s'empêcher de soupçonner que des actes horribles sont dissimulés.
1. Le premier cas aurait eu lieu à l'intérieur même des murs du Vatican, au Petit Séminaire Pie X, situé à quelques pas de la Domus Sanctae Marthae, où vit le pape François. Ce séminaire forme des mineurs qui servent comme enfants de chœur dans la basilique Saint-Pierre et lors des cérémonies papales.
Un des séminaristes, Kamil Jarzembowski, compagnon de chambre de l'une des victimes, affirme avoir été témoin de dizaines d'agressions sexuelles. Avec deux autres séminaristes, il a dénoncé l'agresseur, d'abord en personne à ses supérieurs du pré-séminaire, puis par écrit aux cardinaux, et enfin en 2014, toujours par écrit, au Pape François lui-même. L'une des victimes était un garçon qui aurait été abusé pendant cinq années consécutives, à partir de l'âge de 13 ans. L'agresseur présumé était un séminariste de 21 ans, Gabriele Martinelli.
Ce pré-séminaire est sous la responsabilité du diocèse de Côme et est géré par l'Association Don Folci. Une enquête préliminaire a été confiée au vicaire judiciaire de Côme, don Andrea Stabellini, qui a trouvé des éléments de preuve justifiant une enquête plus approfondie. J'ai reçu des informations de première main indiquant que ses supérieurs lui avaient interdit de poursuivre l'enquête. Il peut témoigner lui-même, et je vous conseille d'aller l'interroger. Je prie pour qu'il trouve le courage de partager avec vous ce qu'il a si courageusement partagé avec moi.
En plus de ce qui précède, j'ai appris comment les autorités du Saint-Siège ont traité cette affaire. Après que don Stabellini eût recueilli des preuves, l'affaire fut immédiatement couverte par l'évêque de Côme de l'époque, Diego Coletti, et le cardinal Angelo Comastri, vicaire général du pape François pour la Cité du Vatican. De plus, le cardinal Coccopalmerio, alors président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs, consulté par don Stabellini, l'a fortement exhorté à arrêter l'enquête.
Vous vous demandez peut-être comment cette horrible affaire a pu être classée. L'évêque de Côme a relevé don Stabellini de ses fonctions de vicaire judiciaire; le dénonciateur, le séminariste Kamil Jarzembowski, a été expulsé du séminaire; les deux autres séminaristes qui l'avaient rejoint dans la dénonciation ont quitté le séminaire ; et l'auteur présumé des abus, Gabriele Martinelli, a été ordonné prêtre en juillet 2017. Tout cela s'est passé entre les murs du Vatican, et pas un mot n'en est sorti pendant le Sommet.
Le Sommet a donc été terriblement décevant, car il est hypocrite de condamner les abus à l'encontre des mineurs et de prétendre sympathiser avec les victimes tout en refusant de regarder les faits en face avec franchise. Une revitalisation spirituelle du clergé est des plus urgentes, mais elle sera finalement inefficace s'il n'y a pas la volonté de s'attaquer au vrai problème.
2. Le deuxième cas concerne l'Archevêque Edgar Peña Parra, que le pape François a choisi comme nouveau substitut à la Secrétairerie d'État, faisant de lui la troisième personne la plus puissante de la curie. Ce faisant, le pape a en substance ignoré un dossier terrifiant qui lui avait été envoyé par un groupe de fidèles de Maracaibo, intitulé «¿Quién es verdaderamente Monseñor Edgar Robinson Peña Parra, Nuevo Sustituto de la Secretarîa de Estado del Vaticano» ("Qui est vraiment Mgr. Edgar Robinson Peña Parra, le nouveau substitut au Secrétariat d'Etat du Vatican"). Le dossier est signé par le Dr Enrique W. Lagunillas Machado, au nom du «Grupo de Laicos de la Arquidiócesis de Maracaibo por una Iglesia y un Clero según el Corazón de Cristo» ("Groupe de laïcs de l'archidiocèse de Maracaibo pour une Église et un Clergé selon le Cœur du Christ"). Ces fidèles ont accusé Peña Parra de terrible immoralité, décrivant en détail ses crimes présumés. Il pourrait même s'agir d'un scandale dépassant celui de McCarrick, et il ne faut pas que ce scandale soit couvert par le silence.
Certains faits ont déjà été publiés dans les médias, notamment dans l'hebdomadaire italien L'Espresso. Je vais maintenant ajouter des faits connus par la Secrétairerie d'État au Vatican depuis 2002, que j'ai appris lorsque j'étais Délégué pour les Représentations pontificales.
En janvier 2000, Gastón Guisandes López, un journaliste de Maracaibo, a porté de graves accusations contre certains prêtres du diocèse de Maracaibo, dont Mgr Peña Parra, pour abus sexuels sur mineurs et autres activités possiblement criminelles.
En 2001, Gastón Guisandes López a demandé à deux reprises à être reçu par le nonce apostolique au Venezuela, l'archevêque André Dupuy, pour discuter de ces questions, mais celui-ci a inexplicablement refusé de le recevoir. Il a toutefois signalé à la Secrétairerie d'État que le journaliste avait accusé Mgr Peña Parra de deux crimes très graves, dont il décrivait les circonstances.
> Primo, Edgar Peña Parra fut accusé d'avoir séduit, le 24 septembre 1990, deux élèves du Petit Séminaire de la paroisse de San Pablo, qui devaient entrer au Grand Séminaire de Maracaibo la même année. L'événement aurait eu lieu dans l'église de Nuestra Señora del Rosario, dont le Révérend José Severeyn était le curé. Le Révérend Severeyn a ensuite été retiré de la paroisse par l'archevêque de l'époque, Mgr Roa Pérez. Le cas a été signalé à la police par les parents des deux jeunes hommes et a été traité par le pasteur Enrique Pérez, alors recteur du grand séminaire, et par le pasteur Emilio Melchor, alors directeur spirituel. Le révérend Pérez, interrogé par la Secrétairerie d'Etat, a confirmé par écrit l'épisode du 24 septembre 1990. J'ai vu ces documents de mes propres yeux.
> Secundo, Edgar Peña Parra aurait été impliqué, avec [NOM ENLEVÉ], dans la mort de deux personnes, un médecin et un certain Jairo Pérez, qui a eu lieu en août 1992, sur l'île de San Carlos, au lac Maracaibo. Ils ont été tués par une décharge électrique, et il n'est pas clair si les décès étaient accidentels ou non. Cette même accusation est également contenue dans le dossier susmentionné envoyé par un groupe de laïcs de Maracaibo, avec le détail supplémentaire que les deux cadavres ont été retrouvés nus, avec des preuves de rencontres homosexuelles macabres et obscènes. Ces accusations sont pour le moins extrêmement graves. Non seulement Peña Parra n'a pas eu à les affronter, mais il a été autorisé à continuer dans le service diplomatique du Saint-Siège.
Ces deux accusations ont été rapportées à la Secrétairerie d'Etat en 2002 par le nonce apostolique vénézuélien de l'époque, Mgr André Dupuy. La documentation en rapport, si elle n'a pas été détruite, se trouve dans les archives du personnel diplomatique de la Secrétairerie d'État où j'ai occupé le poste de Délégué pour les Représentations pontificales, et dans les archives de la nonciature apostolique au Venezuela, où les archevêques suivants ont servi comme nonces depuis: Giacinto Berloco, de 2005 à 2009, Pietro Parolin, de 2009 à 2013 et Aldo Giordano, de 2013 à ce jour. Ils ont tous eu accès aux documents faisant état de ces accusations contre le futur sustitut, de même que les cardinaux secrétaires d'État Sodano, Bertone et Parolin et les substituts Sandri, Filoni et Becciu.
Particulièrement flagrant est le comportement du cardinal Parolin qui, en tant que secrétaire d'État, ne s'est pas opposé à la récente nomination de Peña Parra comme substitut, faisant de lui son plus proche collaborateur. Plus encore: des années auparavant, en janvier 2011, en tant que nonce apostolique à Caracas, Parolin ne s'était pas opposé à la nomination de Peña Parra comme archevêque et nonce apostolique au Pakistan. Avant ces nominations importantes, un processus d'information rigoureux est mis en place pour vérifier l'aptitude du candidat, de sorte que ces accusations ont certainement été portées à l'attention du cardinal Parolin.
De plus, le Cardinal Parolin connaît les noms de plusieurs prêtres de la Curie qui sont sexuellement inacceptables, violant les lois de Dieu qu'ils se sont solennellement engagés à enseigner et à pratiquer, et il continue à détourner le regard.
Si les responsabilités du Cardinal Parolin sont graves, celles du Pape François le sont encore plus pour avoir choisi pour un poste extrêmement important dans l'Église un homme accusé de crimes aussi graves, sans insister préalablement pour une enquête ouverte et approfondie. Il y a un autre aspect scandaleux à cette histoire horrible. Peña Parra est étroitement liée au Honduras, et plus précisément au cardinal Maradiaga et à l'évêque Juan José Pineda. Entre 2003 et 2007, Peña Parra a servi à la nonciature de Tegucigalpa, où il a été très proche de Juan José Pineda, qui a été ordonné évêque auxiliaire de Tegucigalpa en 2005, devenant le bras droit du cardinal Maradiaga. Juan José Pineda a démissionné de son poste d'évêque auxiliaire en juillet 2018, sans aucune raison donnée aux fidèles de Tegucicalpa. Le Pape François n'a pas publié les résultats du rapport que le Visiteur apostolique, l'évêque argentin Alcides Casaretto, lui a remis directementil y a plus d'un an.
Comment interpréter la ferme décision du pape François de ne pas parler ni répondre à aucune question à ce sujet, si ce n'est couvrir les faits et protéger un réseau homosexuel? De telles décisions révèlent une terrible vérité : plutôt que de permettre des enquêtes ouvertes et sérieuses sur les personnes accusées d'offenses graves contre l'Église, le pape laisse souffrir l'Église elle-même.
Pour en revenir à votre question. Vous me demandez si je vois des signes que le Vatican, sous le pape François, prend des mesures appropriées pour faire face aux graves problèmes d'abus. Ma réponse est simple : Le pape François lui-même couvre les abus en ce moment même, comme il l'a fait pour McCarrick. Je le dis avec une grande tristesse. Lorsque le roi David déclara dans la parabole de Nathan que l'homme riche et avide méritait la mort, le prophète lui dit sans ambages: «Tu es cet homme» (2 Sam 12:1-7). J'avais espéré que mon témoignage serait reçu comme celui de Nathan, mais il a été reçu comme celui de Michée (1 Rois 22:15-27). Je prie pour que cela change.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.