Affaire Alfie Evans
Le silence de l'Eglise et le tweet du pape (12/4/2018)
Service minimum...
J'espère sincèrement que tout le possible sera fait pour continuer à accompagner avec compassion le petit Alfie Evans, et que la profonde souffrance de ses parents pourra être écoutée. Je prie pour Alfie, pour sa famille, et pour tous ceux qui sont concernés.
— Pape François (@Pontifex_fr) 4 avril 2018
Tweet du 4 avril sur le compte @pontifex
Nous avons évoqué à plusieurs reprises dans ces pages l'histoire tragique de ce bébé de Liverpool atteint d'une maladie dégénérative "incurable", et dont les médecins et un juge ont décidé de suspendre l'assistance respiratoire qui le maintient en vie, contre l'avis des parents, catholiques (les blogs italiens catholiques se sont massivement mobilisés, contrairement aux français...):
¤ Les mots du Pape, pour justifier l'euthanasie ("Quand les propos du pape sont utilisés pour donner la mort", Riccardo Cascioli, 27/2)
¤ Feu vert de Mgr Paglia à l'euthanasie (10/3/2018)
¤ Euthanasie, ou acharnement thérapeutique? (12/3, Père Scalese)
Le silence de l'Église, une trahison
Riccardo Cascioli
12 avril 2018
lanuovabq.it
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L'indignation et la douleur face à ce qui arrive à Alfie Evans sont accrues par le silence complice non seulement du pouvoir, mais surtout de l'Église et de ses pasteurs. Face à ce massacre d'humanité, l'Église anglaise n'a pas dit un mot.
Un hôpital souillé de scandales graves contre des patients; une négligence manifeste envers Alfie; Alfie lui-même qui réagit aux stimuli et aux demandes de son père (et tout le monde peut le voir en vidéo). Mais médecins et les juges font un front compact et décrètent la mort d'Alfie, parce que sa vie est «inutile». Une chose scandaleuse, inquiétante, et il n'y a pas assez de mots pour exprimer l'indignation et la douleur. Cette indignation et cette douleur sont amplifiées par le grand silence dans lequel se déroule cette tragédie.
Mais si le silence complice de l'État et du pouvoir qui s'exprime à travers les grands médias était attendu, ce qui fait vraiment mal, c'est le grand silence de l'Église, ou plutôt de ses pasteurs. Oui, parce que grâce aux sites web et aux réseaux sociaux, beaucoup de catholiques se sont mobilisés avec des prières, la diffusion de nouvelles, des initiatives pour sensibiliser le public et impliquer les «puissants».
Mais du sommet, des pasteurs, seulement le silence, seulement un tweet du Pape - alors que les jeux étaient presque faits -, et au sens ambigu. Et il y a même eu quelque chose de pire que le silence: une interview du Président de l'Académie Pontificale pour la Vie, Mgr Vincenzo Paglia, qui a en substance donné raison aux juges et n'avait rien à objecter au fait que pour justifier le meurtre d'Alfie, la première phrase utilisait les paroles du Pape comme instrument.
Pourtant, comme nous l'avons dit, les parents d'Alfie avaient même présenté une demande officielle d'asile diplomatique au Vatican, et une lettre personnelle a été remise au Pape, mais les parents d'Alfie n'ont même pas reçu de réponse. Pire : Thomas Evans, le papa d'Alfie, a souvent appelé la Nonciature pour avoir des nouvelles: il a, à chaque fois, été rembarré. Certes, comme circonstance atténuante partielle, la correspondance qui a dû exister entre la Secrétairerie d'État et la Nonciature a été découragée par le comportement de l'Église anglaise, dont le silence a été absolu.
Rien de Mgr Malcolm McMahon, évêque de Liverpool, la ville où se déroule l'affaire; rien du primat d'Angleterre, le cardinal Vincent Nichols. Durant ces semaines, nous avons cherché pendant des jours à les joindre au téléphone, nous leur avons envoyé des mails, leur demandant d'expliquer leur position. Rien. Il est clair quils sont d'accord avec la décision des médecins et des juges, et cela doit avoir été dit au nonce. Pour eux aussi, la vie d'Alfie est inutile, et pour eux «l'intérêt d'Alfie» est de mourir. Au contraire, ils attendent sa mort avec impatience, et que cette histoire, qui risque de créer de l'embarras, s'achève au plus vite.
Plus encore que la férocité d'un État qui s'empare de nos vies et décide de nous donner naissance et de nous mettre à mort, c'est cette abdication de l'Église qui nous effraie. Jusqu'à récemment, face à toutes les injustices des hommes, face à la puissance oppressive du pouvoir, chacun savait qu'il pouvait au moins compter sur le soutien et le réconfort de ceux qui, par leur vocation, n'ont d'autre intérêt que de défendre l'homme, l'image et la ressemblance de Dieu, son irréductibilité et sa dignité.
Aujourd'hui, nous constatons avec douleur et malaise que la culture de la mort a également pénétré profondément dans l'Église. Nous l'avions déjà vu avec Charlie Gard, maintenant avec Alfie Evans c'est encore plus évident. Évêques et cardinaux qui n'ont pas un mot à exprimer devant un enfant mis à mort par un système pervers, devant des images irréfutables d'une vitalité que l'on veut éteindre à coups de mensonges sur mensonges, que disent-ils de cette pauvre Église? Et si, à Rome, on se cache derrière le paravent de l'acharnement thérapeutique pour justifier ce qui est à tous égards une euthanasie, vers qui pourra se tourner le pauvre à la recherche d'une plus grande justice que celle des hommes ?
Pourquoi le droit à la vie pose-t-il tant de problèmes qu'il ne mérite, je ne dis pas un appel du Pape, mais même pas le moindre signe de réponse à la douloureuse demande d'asile au Vatican ?
De ces choses aussi nous pouvons voir la profondeur de la crise que traverse l'Église, couchée devant la mentalité dominante sur l'idéologie de la qualité de vie; dominée par l'angoisse de flatter le monde, anxieuse à l'idée d'être dans l'opposition. Une trahison est en train d'être consommée ; une trahison de Dieu et donc de l'homme.
Justement à propos du tweet papal, Marco Tosatti réagissait hier à travers une lettre de "Super Ex" (il précise: «Ex du Mouvement pour la Vie, Ex d'Avvenire et bien d'autres choses, mais pas encore Ex Catholique, même s'il faut dire qu'on fait tout pour qu'il le devienne aussi...»)
Minimum syndical....
Marco Tosatti
Stilum Curiae
11 avril 2018
Cher Marco,
tous les journaux parlent de l'intervention de Bergoglio pour Alfie Evans. De quoi s'agit-il? D'une homélie? D'un Angelus? D'une interview interminable avec Scalfari? D'une rencontre avec ses parents, à Rome, au Vatican? D'une invitation aux médecins à respecter la vie? D'une admonestation aux juges : «Attention, la vie n'est pas votre propriété!»?
Rien de tout cela. Nous parlons d'un tweet. Un pépiement, un piou piou piou....faible faible.
Si le passé nous enseigne quelque chose, nous savons ce qui est arrivé à Charlie Gard: réclamé par des milliers et des milliers de personnes, et même par des journaux en pleine page, Bergoglio se dérangea, seulement à la fin.... alors aussi avec un tweet! Etait-il spontané, senti, plein de passion ? Ce n'est probablement que parce qu'on lui a expliqué que garder le silence devenait incroyablement embarrassant et contre-productif. Pour Charlie, un tweet impersonnel; après Charlie, la loi sur le biotestament en Italie: dans ce cas, pas même un tweet (peut-être qu'au Vatican il y avait une panne de réseau). Pour Alfie, répétons le, un tweet.
Maintenant, que Bergoglio ne s'intéresse ni à l'euthanasie, ni à l'avortement, ni aux mariages et aux adoptions homosexuelles, on l'a compris. Les noms de Paglia et Galantino suffiraient pour le prouver.
Mais qu'il y ait des catholiques pro vie qui continuent à relancer le tweet de Bergoglio pro Alfie comme s'il avait fait un geste héroïque, un acte surnaturel de rébellion et de courage contre la culture de la mort, cela fait vraiment sourire !
Le catholicisme ne méprise pas la raison et le bon sens, dons de Dieu: c'est pour cela qu'il vaudrait mieux que ceux qui considèrent comme déplacé de critiquer Bergoglio pour son silence assourdissant, évitent, précisément, de parler. Mieux vaut se taire que de dire et répéter que «le pape a parlé en défense d'Alfie»: par pitié, non! Regardons la réalité en face, car c'est à travers elle que Dieu nous parle.
On peut remarquer la vérité, on peut être silencieux, mais prétendre croire à un tweet, c'est mentir.
Super Ex
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