Alfie, encore

La mission du petit martyr, selon le Père Scalese. Et la très émouvante lettre d'Aldo Maria Valli, qui a tout simplement laissé parler son coeur (29/4/2018).

"Si le grain ne meurt..."


Père Giovanni Scalese CRSP
28 avril 2018
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction

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L'autre jour, je préparais un article sur Sa Majesté (la Reine Elizabeth), les vieilles perruques de Sa Majesté (les juges anglais), les bourreaux de Sa Majesté (les médecins de l'Alder Hey Hospital) et les aumôniers de Sa Majesté (l'épiscopat d'Angleterre et du Pays de Galles), lorsque l'appel de Thomas Evans est venu suspendre toute intervention autre que la prière. Et ainsi ce billet est resté inachevé, et peut-être était-ce aussi bien ainsi. Arrivés à ce point, il n'est plus opportun de s'occuper de Sa Majesté et de Sa Cour. Il vaut mieux les laisser à leur sort, car la colère de Dieu pèse sur eux (Jn 3,36). Et sur nous tous.

Permettez-moi plutôt de vous raconter ce qui s'est passé lundi dernier, le 23 avril, en la fête de saint Georges. J'avais décidé de prier le Rosaire et la couronne de la Divine Miséricorde et de célébrer la Sainte Messe pour Alfie. Par ma longue expérience, lorsque je souhaite obtenir une grâce, j'utilise ce système qui s'est avéré infaillible: d'une manière ou d'une autre, on est toujours exaucé. Cette fois, j'ai voulu demander un miracle. Lequel, j'ai laissé à Dieu le soin d'en décider. Et en fait de miracles, ces jours-ci, nous en avons vu beaucoup, l'un plus surprenant que l'autre. Un signe que Dieu n'abandonne pas son peuple fidèle et entend ses prières. Mais au moment de la communion, les sœurs ont entonné l'antienne du Commun d'un martyr au temps pascal: "Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il produit beaucoup de fruits. Alléluia " (Jn 12, 24-25). Là, j'ai compris qu'Alfie allait mourir; mais non pas parce que les médecins et les juges le voulaient mort, mais parce qu'il avait une mission à accomplir: il devait porter - il doit porter - beaucoup de fruits. Et pour cela, il devait mourir, pour ne pas rester seul. Quelle que soit la mission qu'Alfie, ce que le grain de blé tombé en terre doit accomplir, nous ne le savons pas; mais bientôt cela nous sera révélé.

Mgr Negri a voulu rendre à Alfie l'honneur des armes [cf. www.youtube.com]. Une belle pensée, mais qui présuppose qu'Alfie s'est rendu. L'honneur des armes est accordé aux soldats qui, après une longue et vaillante résistance, se rendent. Mais Alfie ne s'est pas rendu ; il n'a pas été vaincu. Il a gagné; les vaincus sont ceux qui voulaient sa mort. Alfie est un martyr et, comme tous les martyrs, il est un vainqueur : "Ce sont les saints qui ont vaincu par le sang de l'Agneau ; ils ont méprisé la vie au point de souffrir la mort ; c'est pourquoi ils règnent avec le Christ pour toujours. Alléluia" (antienne d'entrée du Commun des Martyrs en temps pascal; cf. Ap 12, 11). Le fait qu'il était encore un enfant ne l'empêche pas d'être un martyr, comme l'étaient les Saints Innocents :

« Ces tout-petits meurent pour le Christ sans le savoir; les parents pleurent la mort de ces martyrs, et ceux qui ne parlent pas encore, le Christ les rend capables d’être ses témoins. Voilà comment il règne, lui qui était venu régner ainsi. Voici que déjà le libérateur accomplit la libération et que le Sauveur apporte le salut. Qu’il est grand, le don de la grâce ! Par quels mérites ces enfants ont-ils obtenu d’être ainsi des vainqueurs ? Ils ne parlent pas encore, et ils confessent le Christ. Leurs corps sont encore incapables d’engager la lutte, et ils remportent déjà la palme de la victoire »
(Homélie de Saint Quodvultdeus. Cf. qe.catholique.org)

Mon très cher Alfie


Aldo Maria Valli
29 avril 2018
www.aldomariavalli.it/2018/04/28/caro-il-mio-alfie/

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Ici, c'est un grand-père qui te parle. Un grand-père italien qui a suivi ton histoire minute par minute et a tremblé pour toi et avec toi. La nuit dernière, alors que l'ange gardien accompagnait ton âme au ciel, je me suis réveillé et je n'ai pas pu me rendormir. Peu de temps après, la nouvelle est arrivée. Nous, les grands-pères, nous ne voyons et n'entendons pas toujours bien, mais nous avons un sixième sens.

Je ne sais pas exactement quelle était la pathologie dont tu souffrais. Je sais seulement que certaines personnes, parlant paradoxalement de ton "meilleur intérêt", ont voulu accélérer ta mort, en empêchant une série d'initiatives qui auraient peut-être pu te sauver ou de toute façon t'aider à mieux affronter la maladie. Ils t'ont pris ton espoir et l'ont volé aussi à tes formidables parents Thomas et Kate, qui ont été empêchés de décider quoi faire, comme s'il s'agissait de deux étrangers arrivés là par hasard. Je me demande: pourquoi certaines personnes (médecins, juges) se sont-elles comportées ainsi avec toi?

Moi, il me semble que tu as été traité presque comme une gêne, un obstacle: pas comme un petit homme à soigner avec la plus grande tendresse, la plus grande sollicitude, mais comme un problème à éliminer le plus rapidement possible. Et c'est un péché très grave.

Je ne suis pas un spécialiste des systèmes judiciaires, je ne peux donc pas dire si le critère adopté là-bas, en Grande-Bretagne, est meilleur ou pire que le nôtre. En tout cas, tout au long de cette histoire, j'ai vu un manque d'humanité qui m'a laissé consterné.

Je me rends compte que le mot humanité peut sembler un peu générique, mais aujourd'hui, je n'arrive pas à en trouver d'autre. Je fais référence à la capacité de regarder l'autre dans les yeux, de le reconnaître comme un frère, de nous voir en lui. C'est de la compassion au sens littéral: souffrir ensemble, participer.

Eh bien, dans cette affaire, il y a eu un grand manque d'humanité. Malheureusement, j'ai aussi entendu des paroles vides et ambiguës de la part d'hommes d'Église, ce qui m'a fait souffrir encore plus.

Cher Alfie, à présent, dans les bras du Seigneur, tu peux enfin te reposer. Mais ne nous oublie pas. Intercède pour nous tous, même pour ceux qui ne t'ont pas aimé. Au contraire, surtout pour eux. Aide-nous à être meilleurs. A mieux utiliser les dons de Dieu.

Certains, furieux de la façon dont tu as été traité, ont perdu le contrôle, allant jusqu'à s'exclamer "Dieu maudisse les Anglais". Certains, chez nous, l'ont dit il y a de nombreuses années, pour de tout autres raisons, et aujourd'hui nous y revoilà. Pardonne ces excès. Évidemment, il ne s'agit pas d'une question de nationalité. Il s'agit d'être bon ou pas, d'être généreux ou pas, d'aimer ou pas. Aide-nous à être meilleurs.

Tu nous as déjà apporté une grande aide parce que tu nous as incités à nous interroger sur ce qui compte vraiment. A la suite de ton histoire, en effet, nous avons donné plus d'espace à Dieu et à la prière. Et de cela, nous ne te serons jamais assez reconnaissants.

Un merci aussi à papa Thomas et maman Kate, tes très jeunes parents, qui nous ont donné une leçon d'amour. Ils se sont dépensés totalement, sans souffler et sans s'épargner. Malgré les obstacles gigantesques auxquels ils ont dû faire face, ils ont tout tenté. Ils sont toujours restés auprès de toi et nous avons vu en eux le reflet de l'amour du Père qui ne nous abandonne jamais.

Sur de nombreuses photos, je t'ai vu avec la chemise bleue d'Everton [ndt: l'Everton Football Club est l'un des plus anciens clubs de football anglais, basé à Liverpool, dont apparemment le père d'Alfie était supporter]. La devise de l'équipe est Nil satis nisi optimum: seul le meilleur est suffisant. Malheureusement, pour toi, beaucoup n'ont pas donné le meilleur, mais le pire. Mais beaucoup d'autres, à commencer par Thomas et Kate, ont été attentifs, généreux, plein de charité, et tout cela est un motif d'espoir que personne ne peut nous enlever.

J'ai su que peut-être, justement à la suite de ton histoire, la loi anglaise pourra être modifiée, afin de donner plus d'espace au droit-devoir des parents d'exprimer leur opinion sur le sort de leurs enfants. Nous verrons bien. Si cela se produit, nous aurons un autre motif pour te remercier.

Comme j'imagine que tu joues maintenant avec Charlie, Isaiah et beaucoup d'autres enfants, je ne veux pas t'ennuyer davantage.

En tant que vieux fanatique du football anglais, permet-moi d'ajouter une chose. «You’ll never walk alone», ont chanté aujourd'hui beaucoup de gens, en ton honneur, devant l'hôpital. Mais c'est l'hymne de Liverpool [le Liverpool Football Club est l'autre club mythique basé à Liverpool], pas d'Everton. Les Toffees [surnom des joueurs d'Everton] chantent «We’are the pride of Merseyside», "Nous sommes la fierté du Merseyside"

Eh bien, laisse-moi te dire que tu as été, et que tu es, la fierté non seulement du comté de Merseyside [comté autour de l'estuaire de la Mersey, dont la principale ville est Liverpool], mais aussi de millions et de millions de personnes dans tous les coins du monde. Yes, we’are very very proud of you, mon très cher Alfie.

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