Avortement en Argentine : ce n'est pas fini
Alors que le Sénat a repoussé à une courte majorité le projet de loi dépénalisant l’avortement dans la patrie du Pape, le Président Macri s’apprête à prendre de nouvelles initiatives pour neutraliser ce refus. En filigrane, l’hostilité de François. Et le rôle du FMI. Un article de Giuseppe Nardi (16/8/2018)
Le président Macri en visite au Vatican: l'expression du pape est éloquente...
L’ARGENTINE, LE PRESIDENT MACRI, LE FMI ET LE PAPE FRANÇOIS
L’avortement bientôt à nouveau à l’ordre du jour
Giuseppe Nardi
www.katholisches.info
10 août 2018
Traduit de l'allemand par Isabelle
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(Buenos Aires) Hier, le Sénat argentin a rejeté l’avortement. Mais la joie de ce refus n’a pas duré : le président et chef du gouvernement Mauricio Macri a déjà annoncé la prochaine initiative en vue de la légalisation de l’avortement. Faut-il voir, derrière cette hâte présidentielle, la main du FMI ? Maintenant se paie la mauvaise entente, du fait du pape François, avec Macri.
L’avortement rentre par la fenêtre
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L’intervention du chef de l’Etat « prouve qu’il y a des pouvoirs qui n’acceptent pas une pareille défaite », affirme le journal catholique en ligne Nuova Bussola Quotidiana (NBQ).
Dès le 21 août, le sénat se penchera sur une réforme du droit pénal. Les amendements au code pénal concernent de nombreux articles, parmi lesquels aussi, selon la déclaration du président aussitôt après le vote de rejet d’hier, la dépénalisation de l’avortement.
Sans avoir les dimensions de la loi sur l’avortement qui vient d’être rejetée, la mesure doit tout de même manifestement faire office de rapide solution de rechange. L’amendement relève de la casuistique : les femmes, qui feront tuer leur enfant à naître, devraient demeurer impunies dans une série de cas.
Andrea Zambrano, de la NBQ, écrit à ce propos : « Refusé à la porte, l’avortement revient par la fenêtre ».
La stratégie s’explique facilement : cette voie devrait, en réalité, permettre plus facilement de trouver la majorité nécessaire au sénat. Le lobby pro-avortement aurait ainsi un pied dans la porte : le barrage qu’est le droit à la vie serait fissuré et la voie libre, dans une seconde étape, pour faire suivre dans la foulée une loi sur l’avortement et rattraper ainsi ce qui n’a pas réussi hier.
« Des pouvoirs ploutocratiques »
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Sur l’identité des « pouvoirs » qui veulent à tout prix le meurtre d’enfants à naître, Zambrano ne laisse planer aucun doute : « Le projet de l’avortement a été voulu par des pouvoirs ploutocratiques qui ne se cachent même pas ».
Une loi sur l’avortement ne devrait toutefois pas être débattue cette année et pas non plus au cours de l’année prochaine. Pourquoi ? En octobre 2019, il y aura en Argentine des élections parlementaires et aussi l’élection du président. La majorité des Argentins refuse le meurtre des enfants à naître.
La réforme du droit pénal, qui est à l’ordre du jour du sénat à partir du 21 août, porte sur environ 500 articles. Entre autres choses, les juges auront le pouvoir de ne pas poursuivre pénalement les femmes qui ont avorté. Pour cela, ils auront à leur disposition une série de « motivations ».
Le mouvement argentin pour le droit à la vie voit, dans la réforme du droit pénal, un cheval de Troie. Le président et chef du gouvernement Mauricio Macri, qui en 2015 a remporté les élections contre le candidat de la gauche péroniste, s’est révélé au cours des derniers mois un véritable Janus. Avec son annonce sur la réforme du droit pénal, il s’est efforcé, hier, de calmer les bouillonnements de colère de groupes de la gauche radicale qui, après le vote au sénat, manifestaient devant le palais présidentiel. Est-il possible que, dans une question de vie ou de mort, de justice ou d’injustice, un mouvement de foule bruyant dicte sa conduite au président?
Le détour par la réforme du droit pénal ressemble bien à un « plan B » tout prêt pour le cas où la voie directe n’aboutirait pas. Qu’il ne s’agisse que d’un article parmi des centaines, devrait rendre la chose plus facile : tel est le calcul.
Le mot d’ordre est « compromis » : tuer des enfants dans le sein maternel restera un délit à l’avenir, mais avec plus d’exceptions encore qu’aujourd’hui.
L’empressement du président
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Si la réforme du droit pénal devait aboutir, les femmes ne seraient plus arrêtées pour un avortement. Et ce ne serait plus alors qu’une question de temps pour que les parlementaires coulent en une loi sur l’avortement cette impunité de fait.
Ce n’est qu’à partir de mars 2019 qu’un nouveau projet de loi sur l’avortement peut être introduit ; mais les élections parlementaires et présidentielles d’octobre 2019 rendent la chose peu probable. Les deux millions d’Argentins qui, en mars dernier, ont participé à la Marche pour la vie sont encore bien présents dans la mémoire des politiciens et de Macri. Ce sont eux qui en 2015 l’ont porté au pouvoir, et pas les radicaux de gauche qui manifestaient hier devant la Casa Rosada. La peur de débordements violents des radicaux de gauche ne peut être le seul facteur qui a exercé une pression sur Macri.
En négatif, apparaît l’absence d’une base de dialogue entre le pape François, pourtant argentin, et le président de son pays. Il est vrai qu’avec la présidente précédente, la gauchiste Cristina Kirchner, François ne s’entendait pas au plan personnel. Mais la présidente était politiquement plus proche de lui.
Trois fois en l’espace de seulement dix-huit mois, Kirchner a rendu visite au pape au Vatican. Bien que le droit à l’adoption pour les homosexuels, l’introduction de l’idéologie du genre dans les écoles, la légalisation de l’avortement aient figuré à son agenda politique, François a évité d’aborder ces thèmes avec elle. En tout cas, rien ne donne à penser le contraire.
Mais qui aurait plus de poids devant un chef d’état qu’un pape originaire de son pays?
Quand la chambre des députés a discuté le projet de loi sur l’avortement en juin, François s’est tu à nouveau. Les critiques le rendent responsable de la victoire remportée par une très petite majorité en faveur de l’avortement. Neutralisée par le vote au sénat, elle n’en laisse pas moins un goût amer.
On s’attend à ce que, l’année prochaine, François tente d’influer sur les élections. Son bras politique et compatriote, l’évêque de curie Marcelo Sanchez Sorondo, a cherché dans ce but des contacts avec la gauche politique. Dans le même temps, François a coupé tout contact avec Macri et désavoué publiquement le président.
Les observateurs soupçonnent un lien entre la légalisation de l’avortement et le crédit de 50 milliards de dollars que le FMI a accordé à l’Argentine au début de mois de juin. La première tranche de 15 milliards de dollars a été confirmée par le conseil du FMI dans la deuxième moitié de juin ; le reste devrait suivre au cours des deux années à venir. L’« objectif principal » que l’Argentine doit atteindre en contrepartie est appelé « une réduction plus rapide du déficit budgétaire ». La légalisation de l’avortement fait-elle partie des « objectifs secondaires » ?
Dans la question du droit à la vie, se paient d’autant plus les mauvaises relations entre le pape François et le président Macri.
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