Avortement, ius soli et hystérie
Réflexion croisée de Marcello Veneziani sur deux faits d'actualité en Italie: un projet de loi de la Ligue, permettant d'"adopter" le foetus d'une femme décidée à avorter; et le "ius soli", alors que les gauches instrumentalisent la citoyenneté promise au jeune égyptien "héros" médiatique du bus des 50 enfants. Le tout sur fond de dénatalité dramatique. (5/4/2019)
>>> Des héros oubliés: trop italiens... ( à propos du "bus des 50 enfants")
Notons qu'en Italie, pour le moment c'est le ius sanguinis (droit du sang) qui est en vigueur, mais l'adoption du ius soli fait l'objet de débats enflammés entre la gauche "bien-pensante" et l'actuel gouvernement dit "d'extrême droite"..
En France, nous sommes évidemment confrontés au même problème, bien que l'effondrement de la natalité soit moins marqué chez nous (?). On se lamente de l'avenir de nos retraites et de l'inversion de la pyramide des âges, tout en promouvant auprès des femmes, et plus généralement des jeunes des deux sexes tous les moyens pour ne pas avoir d’enfants (et le sidaction d'aujourd'hui est une opportunité supplémentaire d'enfoncer le clou).
C'est le moment de rappeler la formule attribuée à Bossuet: «Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes»
Avortement, ius soli et hystérie
Marcello Veneziani
www.marcelloveneziani.com
"La Verità" du 28 mars 2019
Ma traduction
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L'avortement est devenu un droit plus sacré et plus inviolable que la naissance et que la vie. Quiconque ose le remettre en question est considéré comme un criminel; mais même ceux qui ne le remettent nullement en question et qui offrent la libre possibilité d'une alternative dans la faculté de celles qui avortent sont considérés comme des criminels médiévaux. Prenons le cas des membres de la Ligue qui ont proposé la possibilité d'adopter un foetus destiné à l'avortement. Apriti cielo [littérale ment "ouvre-toi, ciel" qu'on peut traduire par "juste ciel"], ou plutôt apriti inferno [enfer].
Quel est le crime dont ils se seraient maculés? Celui d'essayer de sauver une vie destinée à mourir avant de venir au monde sans toucher au droit de la mère d'interrompre sa grossesse et de se défaire de la créature. En fait, c'est à elle qu'il appartiendrait encore de décider s'il convient d'interrompre sa grossesse ou de permettre à quelqu'un d'adopter le fœtus ou "le conçu", comme le prévoit le projet de loi dont Alberto Stefani [très jeune député de La Ligue] est le premier signataire. Une tentative de sauver la vie de l'enfant à naître sans porter atteinte à la liberté de la femme, au droit de ne pas vouloir son enfant. Et de contribuer à enrayer le déclin dramatique des naissances dans notre pays. Intention louable même si son application pratique serait un peu tortueuse, avec le danger qu'elle pourrait justifier la GPA (en italien: la location d'utérus), faisant passer celle-ci pour une maternité rejetée et sauvée par l'adoption du fœtus. Mais il me semble qu'il s'agit d'une tentative responsable de ne pas se résoudre au "mur contre mur" dans le débat "oui à l'avortement - non à l'avortement" et de prendre le parti de la vie, sans priver la femme de son droit. En effet, si la mère décide de procéder à l'avortement, personne ne l'empêche. Elle a une possibilité de plus, pas un droit de moins.
Mais la bio-folie fait rage dans le monde libéral et radical, avec le soutien des médias et du PD [Partito Democratico, grosso modo, les socialistes]. Et elle s'étend à tous les domaines où l'on parle de naissance et de mort.
Le thème qui, ces jours-ci, s'entrecroise avec l'avortement est le ius soli [droit du sol], sur lequel se sont jetées les gauches de notre pays, instrumentalisant la citoyenneté à Ramy [le jeune égyptien "sauveur" du bus des 50 enfants]. Ici aussi, la réalité est vue d'un seul œil et d'un seul point de vue. Et elle ignore complètement un fait originel, inaliénable et fondamental: notre naissance, nos gènes, notre sang.
De qui sommes-nous les fils? D'abord de nos parents et à travers eux de nos ancêtres, de la terre et de l'histoire dont nous sommes issus. Ensuite nous sommes ou devenons, fils du lieu et de l'époque où nous sommes nés. En principe, le ius soli est basé sur un déni et une tromperie. Le déni concerne l'identité du nouveau-né et de la famille dans laquelle il est né, parce qu'il considère le rôle du père et de la mère comme négligeable ou de toute façon moins important que le lieu où ils se trouvent à vivre. La tromperie est que le ius soli, au-delà du nom antique utilisé, n'évoque pas un lien avec le sol, avec le pays ou la terre mère, ne concerne pas le peuple, la nation, la culture et la religion, la civilisation dont est originaire le nouveau-né, mais simplement l'état, le territoire, l'hôpital où il est né. L'arrière-pensée est que l'identité ne compte pas, seule compte la situation. Le sol est un alibi parce qu'immédiatement après, ils ajoutent que nous sommes citoyens du monde, que nous n'avons pas de territoire, que nous sommes délocalisés et libres de décider où vivre. Bref, le sol n'a d'importance que pour se libérer de l'héritage des parents ; ensuite il perd tout son sens, parce que nous sommes des citoyens du monde, une terre vaut l'autre, et ma terre est où je veux être, aussi longtemps que je le veux. Il n'y a pas de destin, il n'y a pas de nature, seulement la volonté et le hasard.
D'un point de vue pratique, nous pouvons aussi admettre que quelqu'un qui est né en Italie et y grandit, va à l'école et a l'italien comme langue maternelle, doit être considéré à plein titre comme un citoyen italien. Pas seulement parce qu'il est né de parents étrangers sur le sol italien, mais aussi parce qu'à ce point de départ, qui n'est en rien constitutif de son identité, s'est ajouté un chemin de vie et une adhésion progressivement consciente à la citoyenneté italienne. L'usage de la langue, le respect des lois et des coutumes, l'intégration active dans la vie d'une nation. Bref, le ius soli en lui-même ne suffit pas, il n'est pas un critère suffisant pour déterminer les droits et les devoirs, il doit être lié au ius sanguinis qui reste décisif, et il doit être cultivé à travers le ius culturae qui transforme un fait occasionnel en une appartenance consciente. Sinon, ius soli se traduit par le droit des semelles ; là où elles se posent est notre patrie. Ce qui est trop peu pour la dignité humaine, son histoire, son identité.
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