Card Müller: le Pape doit répondre aux accusations
Des extraits d'une interview de l'ex-préfet de la CDF par Raymond Arroyo, de la chaîne de télévision catholique EWTN, via Marco Tosatti. Abus, homosexualité, "amis" du Pape, rôle de la CDF: il prend des risques, et va aussi loin qu'il peut le faire sans rupture irréversible (5/10/2018, mise à jour le 6/10)
Capture d'écran M. Tosatti
Müller: Le Pape devrait rencontrer Viganò et répondre aux accusations.
Les gens ont le droit de savoir.
Marco Tosatti
5 octobre 2018
www.marcotosatti.com
Ma traduction
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Le Cardinal Gerhard Müller, ancien Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pense que le Souverain Pontife devrait rencontrer Mgr Carlo Maria Viganò, se réconcilier avec lui et répondre aux questions posées par les documents de l'ex-nonce.
C'est ce qu'a déclaré le cardinal allemand dans une longue interview très intéressante à la télévision catholique EWTN.
L'intervieweur, Raymond Arroyo, lui a posé une question sur Viganò. Voici la réponse :
«Je n'ai pas été surpris par ses accusations, mais je voudrais proposer au Saint-Père de parler avec lui, de chercher la réconciliation avec lui et de donner des réponses à ces accusations ou questions pour le peuple de Dieu qui a le droit de savoir. Il est toujours possible qu'il y ait eu une erreur ou une mauvaise gestion, nous pouvons apprendre de nos erreurs et nous devons améliorer notre gestion des abus. Ne pas diviser l'Église en groupes. Le Saint-Père a le devoir de l'unité, il doit être le symbole de l'unité, nous devons surmonter avec l'aide du Saint-Père la division entre conservateurs et libéraux. Nous voulons une Église unie».
Arroyo lui a demandé s'il était vrai qu'en juin 2013, alors qu'il célébrait une messe dans l'église Santa Monica, le Pape l'avait appelé au téléphone, l'obligeant à interrompre la messe, pour lui dire de clore l'enquête sur le cardinal Murphy O'Connor. Müller a indirectement confirmé la nouvelle. Voilà ce qu'il a dit:
«Je ne peux pas entrer dans les détails parce que je suis lié au secret pontifical, mais je peux dire que chaque procès contre des évêques ou des cardinaux à la Congrégation nécessite l'autorisation du Pape. C'est un problème, nous devrions changer ce point. La Congrégation doit commencer son enquête, et il n'y a pas besoin d'interférence du Pape ou des amis du Pape qui disent que le CDF est dogmatique, qu'il y a des hardliners, que Müller est allemand, qu'il est trop dur; tout cela doit être écarté. Il doit y avoir un procès normal et ce n'est qu'à la fin que le Pape doit être informé, et sa décision est la dernière. Mais nous ne pouvons pas être entravés dans le processus. Nous avons besoin de l'indépendance des tribunaux ecclésiastiques dans le procès canonique.
Le gros problème avec ce pontificat, ce sont ses soi-disant amis. Et nous, ses vrais amis, nous sommes qualifiés par les médias d'ennemis du Pape. Mais la catégorie de l'amitié ou de l'hostilité ne sert à rien dans ce cas. Il faut une gestion correcte des questions de foi, de discipline et de morale, et non ce système de relations personnelles. Chaque fois qu'un groupe de cardinaux est avec le pape, tout peut arriver, parce que certains d'entre eux demandent personnellement au pape: je voudrais celui-là comme évêque, et celui-ci pour des raisons de politique personnelle, et non parce qu'il est la personne la plus appropriée, et donc la Congrégation pour les évêques est bypassée (ignorée).
Pour les évêques et les cardinaux, nous avons besoin de l'autorisation spéciale du Pape. Et sans cette permission, on ne peut pas aller plus loin. Ma proposition est de rendre la CDF plus indépendante. Ce n'est pas bon si le Pape utilise ce pouvoir pour arrêter une enquête nécessaire.
La laïcisation des responsables est le seul moyen de sortir de la crise. Nous sommes dans cette crise parce que les évêques sont naïfs, ils n'en savent pas assez sur les terribles conséquences pour les victimes. L'ancien système était meilleur, pénalement parlant».
Le cardinal a clairement fait comprendre que le problème des abus dans l'Église n'est pas le cléricalisme, ou la pédophilie, mais l'homosexualité agressive. «La grande majorité des victimes de violence cléricale ne sont pas des enfants, mais des adolescents et des personnes plus âgées. Toute attaque contre le sixième commandement est un péché mortel. Quatre-vingts pour cent ou plus des victimes sont des jeunes de plus de quatorze ans, ce sont des agressions homosexuelles, pas pédophiles. Il ne s'agit pas d'enfants, mais d'adolescents et de personnes plus âgées.
Concernant les abus de McCarrick, il a dit: «Séminaristes: cela ne concerne pas notre Congrégation, qui ne traite que des abus jusqu'à l'âge de 18 ans. Ici, nous avons une carence dans la législation. Autrefois, la Congrégation s'occupait de tous les abus, maintenant seulement jusqu'à l'âge de 18 ans. L'abus des séminaristes est un péché mortel, et n'est pas acceptable, et nous devons faire tout notre possible contre ces attaques homosexuelles».
Sur le cléricalisme: «90% des abus sexuels sont commis par des gens qui n'ont rien à voir avec les prêtres. La raison de l'abus sexuel est le non-respect du sixième commandement».
Raymond Arroyo a demandé s'il était vrai que son licenciement, et celui de trois de ses collaborateurs, était dû à une trop grande sévérité de la part de Müller et de ses collaborateurs envers les responsables des abus. Voilà sa réponse: «Le pape n'a jamais donné de raison pour le renvoi des trois collaborateurs, ni de moi-même, mais je dois dire que ces personnes, et moi aussi, avons toujours été sur la ligne de procédures fortes et claires, et nous n'avons jamais fait de compromis avec les prêtres qui ont abusé d'hommes, de femmes ou d'enfants. Ils n'auraient pas dû revenir à l'autel. Ils devaient être réduits à l'état laïc. Cette politique n'a pas toujours été très bien perçue par certains cardinaux et évêques de la Curie romaine».
Question: Certains ont-il dit que vous étiez trop dur ?
«Certains ont une idée erronée de la miséricorde. La miséricorde doit être pour les victimes, et non pour les auteurs, et ce que je comprends, c'est que si un prêtre a commis un crime grave, il ne peut pas retourner à l'autel, parce qu'il doit être l'image de Jésus, et Jésus est le Bon Pasteur, celui qui fait des choses bonnes pour son troupeau, qui ne détruit pas les enfants ou d'autres êtres humains.
Sur les sanctions imposées par Benoît XVI à McCarrick : «En tant que Congrégation, nous n'en savions rien. En privé, j'en ai entendu parler. Mais un procès canonique doit être fait. Il est nécessaire de faire un procès canonique, et la CDF doit en être chargée, les gens ont le droit de savoir ce qui est vrai ou non. Il y a un scandale public et nous devons le surmonter par un procès canonique.»
Mise à jour (6/10)
Marco Tosatti reprend aujourd'hui son article sur La Bussola, et le complète:
Plusieurs questions ont concerné le Synode sur la Jeunesse, et l'insertion - faite par le Secrétariat du Synode, et non par des contributions extérieures - de la citation relative aux «jeunes LGBT». Une citation critiquée par beaucoup - dont l'archevêque Chaput [Le courageux Mgr Chaput] il y a justement deux jours - parce qu'elle signifie l'acceptation par l'Église de catégories qui ne lui appartiennent pas et qui ne lui ont jamais appartenu.
Müller a été explicite: «Derrière le Synode, il y a des mouvements pour changer la doctrine de l'Église. Il est absolument impossible pour quiconque est en état de péché mortel de recevoir la Sainte Communion avant d'avoir confessé son péché et obtenu l'absolution. Et il n'y a aucune possibilité de changer cette base fondamentale de la sacramentelle. Et en parlant de morale sexuelle et du sixième commandement, il n'y a aucune possibilité d'accepter l'homosexualité comme une pratique. C'est contre le sixième commandement. La seule relation sexuelle légitime pour nous, catholiques, c'est le mariage.
Il a exprimé de sérieux doutes sur la validité de l'idée que les documents finaux du Synode pourraient être du Magistère: «Je ne sais pas d'où vient cette idée. Le Synode n'est pas un Concile œcuménique, c'est une assemblée d'évêques et il n'a pas une telle autorité».
Enfin, la Chine. Que pense-t-il de l'accord? "Je fais confiance au cardinal Zen, parce qu'il a une grande expérience du régime communiste, avec tous ses mensonges et ses persécutions... bien sûr le pape a le devoir d'appeler les schismatiques à la pleine communion avec Rome, mais le problème est le prix de l'accord. Un accord entre l'Église, qui est le Corps du Christ et un régime athée.
Pour moi, comme théologien, le premier mot est la vérité de la Révélation et l'autonomie de l'Église dans la doctrine et la vie religieuse. Cet accord est-il fondé sur la liberté religieuse et l'Église catholique en Chine jouit-elle d'une liberté religieuse totale fondée sur les droits de l'homme? Les droits de l'homme et la liberté religieuse ne peuvent être une concession d'un parti politique tout puissant, absolument opposé à la nature de la loi, où un groupe de personnes a un pouvoir absolu sur la conscience. Je voudrais demander si cet accord respecte la liberté religieuse de l'Église catholique, ce qui est la seule base possible pour la réconciliation, et nous devons rejeter toute ingérence d'un pouvoir politique dans la vie religieuse.
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