Encore un Synode pour rien?

Le choix des jeunes invités à Rome et sur internet pour représenter leurs congénères dans la rencontre préparatoire au prochain Synode consacré aux jeunes, et les thèmes annoncés, n'augurent rien de bon. L'exemple suisse, dans le commentaire d'Aldo Maria Valli (28/2/2018)

«On parlera non seulement [des jeunes], mais c'est eux qui se raconteront: avec leur langage, leur enthousiasme et leur sensibilité. Le prochain Synode des Évêques veut être non seulement un Synode sur la jeunesse et pour les jeunes, mais aussi un Synode des jeunes et avec les jeunes. Un mot-clé, répété plusieurs fois par le Pape, est "écoute". Dans cette rencontre présynodale, nous écouterons les jeunes en direct».
(cardinal Baldisseri)

Le Pape (ou le cardinal Baldisseri, Secrétaire du synode, qui est ici son porte-parole) reprend à son compte la vieille lune post-soixanthuitarde des "pédagogistes", dans le domaine de l'éducation, selon lesquels la relation entre professeurs et élèves est inversée: la transmission des connaissances par les premiers aux seconds, à travers une relation verticale d'autorité bienveillante est remplacée par une relation horizontale basée sur un slogan fourre-tout, "l'élève au centre" où le but à atteindre est un vague épanouissemnt personnel, au détriment de la formation et de la culture.
Ici, c'est "les jeunes au centre" qui devient le mantra: en réalité, certains jeunes, choisis en fonction de critères politiquement corrects, qui seront retenus comme étant porteurs des aspirations de tous les jeunes, au détriment de la transmission de l'éducation et des valeurs (devenu un gros mot!) chrétiennes.
Le choix d'inviter des jeunes non-pratiquants, voire athées (et dans le cas de la petite Suisse, en majorité), est à cet égard très révélateur: à l'évidence, des jeunes éduqués dans la Tradition Catholique, n'ont pas leur place ici.
Seraient-ils infréquentables?

Le Synode des évêques et ces jeunes vieux

27 février 2018
www.aldomariavalli.it
Ma traduction

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En mars prochain, une rencontre préparatoire aura lieu au Vatican en vue du synode des évêques consacré aux jeunes, prévu du 3 au 28 octobre 2018. Le rendez-vous de mars sera du 19 au 24, et c'est François lui-même qui l'a annoncé lors de l'Angélus du dimanche 18 février quand, expliquant que les jeunes invités seront à peu près trois cents, il a dit: «Je souhaite vivement que tous les jeunes puissent être les protagonistes de cette préparation. Ils pourront donc intervenir en ligne à travers des groupes linguistiques animés par d'autres jeunes. La contribution des groupes d'Internet s'ajoutera à celle de la rencontre de Rome. Chers jeunes, vous trouverez des informations sur le site web du Secrétariat du Synode des Évêques. Merci pour votre contribution pour marcher ensemble!».

Dans la semaine précédant le Dimanche des Rameaux, des jeunes du monde entier se rencontreront donc pour apprendre à se connaître, à parler et à se confronter, mais surtout pour parler à l'Église. C'est François qui ouvrira les travaux, souhaitant la bienvenue et répondant à quelques questions.

«On parlera non seulement d'eux, mais c'est eux qui se raconteront: avec leur langage, leur enthousiasme et leur sensibilité. Le prochain Synode des Évêques veut être non seulement un Synode sur la jeunesse et pour les jeunes, mais aussi un Synode des jeunes et avec les jeunes», a expliqué le Cardinal Lorenzo Baldisseri, Secrétaire général du Secrétariat du Synode des Évêques, lors de la conférence de presse de présentation. «Un mot-clé, répété plusieurs fois par le Pape, est "écoute". Dans cette rencontre présynodale, nous écouterons les jeunes en direct».

L'autre nouveauté, c'est qu'il y aura des jeunes pas seulement catholiques, et pas seulement des croyants. Baldisseri a dit en effet: «Il y aura aussi des non-catholiques, des non chrétiens, des non croyants, afin que l'écoute des jeunes se réalise le plus possible à 360 degrés».

La tâche de sélection des jeunes incombe aux Conférences épiscopales nationales et, dans le cas de la Suisse, nous pouvons déjà nous en faire une idée. A travers le site www.20min.ch, nous apprenons en effet que les évêques suisses, répondant à l'invitation du Conseil Pontifical pour la Culture - qui a recommandé de faire venir à Rome des délégués «critiques envers l'Église» et «athées» - ont choisi deux garçons et une fille: Jonas Feldmann, vingt-cinq ans, qui se dit catholique non pratiquant ainsi qu'opposé à la doctrine catholique, et milite chez les Verts, parti pro-avortement, pro-euthanasie et pro-mariages gay; Sandro Bucher, également vingt-cinq ans, membre de plusieurs organisations anticléricales, et Medea Sarbach, vingt-trois ans, catholique pratiquante et étudiante en théologie.

Mais faisons un peu mieux connaissance avec ces trois jeunes.

Jonas Feldmann, étudiant en médecine de Zoug, déclare: «Bien sûr, je suis honoré de représenter la Suisse. Pour être honnête, j'ai été un peu surpris au début. Après tout, je ne suis actif ni dans un groupe catholique, ni dans un groupe athée. Mais je pense que c'est précisément pour cette raison que j'ai été choisi comme "critique constructif" qui se trouve entre différents fronts. Je suis catholique et j'ai reçu de mes parents de nombreuses valeurs fondées sur la tradition chrétienne. Cependant, en tant que citoyen suisse émancipé du XXIe siècle, sur de nombreux points, je ne peux pas m'identifier à l'Église catholique. Ma critique concerne, par exemple, la position des femmes dans la société et dans l'Église, la discrimination à l'égard des couples homosexuels, la question de la contraception, de l'avortement et de l'euthanasie. Je crois qu'avec ce background, je peux représenter un grand nombre de jeunes qui pensent comme moi. Et il est important que cette voix soit présente à Rome. Ce serait bien que les messages critiques des jeunes soient accueillis par l'Église, afin que l'Église elle-même puisse évoluer. Je voudrais dire au pape François que j'aime faire partie de l'Église, mais que je ne veux pas être membre d'une institution qui maintient les femmes dans une position de marginalité, qui ne reconnaît pas l'amour homosexuel et abuse de son pouvoir».

Venons-en à Sandro Bucher, social media manager et journaliste d'Ebikon (Lucerne), qui déclare: «Je suis heureux que le Vatican semble désormais accorder plus d'importance à l'écoute des voix critiques, car celles-ci constituent en effet une partie de plus en plus importante de la société. Ce qui m'inquiète au sujet de l'Église catholique, c'est qu'elle s'immisce dans les débats sociaux d'une manière hostile au progrès et en restant souvent loin de la réalité. Si j'ai l'opportunité de m'entretenir avec le pape, je le remercierai de ce que ses déclarations souvent provocatrices conduisent à des discussions fondamentales dans la société. Mais je dirai aussi qu'il devrait se concentrer davantage sur la réparation des dommages causés par l'Église catholique. Par exemple en ce qui concerne l'accès à la contraception, à la politique sur l'avortement ou aux droits fondamentaux des femmes et des homosexuels. Aujourd'hui, les athées ne sont pas pris au sérieux ou bien tirent de façon polémique sur les croyants. Ces préjugés doivent être démantelés pour permettre un dialogue argumenté avec les religions».

Et enfin, Medea Sarbach, de Fribourg, qui déclare: «J'ai été très heureuse que les évêques suisses m'aient confié cette tâche d'aller à Rome pour la semaine de préparation. De ce 'présynode', j'attends des idées sur la façon dont le message chrétien peut à nouveau atteindre un plus grand nombre de jeunes et les aider à relever leurs défis. Je travaillerai pour l'Église, pour connaître les situations de vie des jeunes et les aider là où ils en ont besoin. Je pense qu'il est beau et important que les critiques soient eux aussi présents au pré synode, c'est certainement un grand enrichissement. J'espère qu'avec le Synode des Jeunes, l'Église se rapprochera de nous et nous aidera à trouver une vie enrichissante. A travers l'Eglise, beaucoup de gens ont déjà expérimenté l'amour de Dieu et trouvent du soutien. Si j'ai l'occasion de parler au Pape, je lui dirai "buenos días ou buenas tardes"».

Voilà. Nous ne savons pas si les trois délégués de la petite Suisse représentent une photographie exacte, y compris d'un point de vue quantitatif, de l'ensemble des jeunes qui assisteront à la rencontre de mars. Si c'était le cas, il faudrait se demander: c'est bien de donner la parole aux non-croyants et aux athées, c'est bien de donner la parole aux catholiques qui sont critiques, mais pourquoi donner davantage la parole (dans le cas de la Suisse, deux sur trois) aux positions éloignées ou même hostiles de l'Église qu'à ceux qui se sentent pleinement fils et filles de l'Église? À tout le moins, il y a un déséquilibre.

En ce qui concerne les contenus, les observations du catholique non pratiquant Jonas et de l'anticlérical Sandro sont évidemment tout à fait respectables (?), mais semblent calquer pleinement les clichés habituels ressassés, avec un manque total d'originalité. Rien, par exemple, sur l'enseignement de Jean-Paul II et de Benoît XVI sur le rapport entre foi et raison, la question de la liberté dans un contexte de relativisme moral, la recherche de la vérité dans une société sécularisée.

L'impression est que si le synode devait se réaliser vraiment selon les indications de ces deux jeunes, il s'attarderait sur les polémiques habituelle: l'Église inadéquate, l'Église qui retarde, l'Église incapable de saisir les signes des temps, etc. Avec l'Église, évidemment, dans le rôle de Grand Accusé. Rien que du déjà vu, du déjà entendu.

Il est à noter que le titre du Synode d'octobre est «Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel». En dehors de l'emploi du mot "discernement", qui connaît une certaine inflation, on ne peut ignorer le fait qu'au centre, il y a la foi et la vocation. Il faudrait donc s'interroger sur ces concepts, et il serait utile de le faire avec l'Église dans le rôle de sujet propositif, et non de victime prédestinée.

Il me vient à l'esprit les paroles de Benoît XVI dans le message pour les Journées Mondiales de la Jeunesse 2012:
«L’Église a pour vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure, celle que les anges ont annoncé aux bergers de Bethléem la nuit de la naissance de Jésus (cf. Lc 2, 10) : Dieu n’a pas seulement parlé, il n’a pas seulement accompli des signes prodigieux dans l’histoire de l’humanité, Dieu s’est fait tellement proche qu’il s’est fait l’un de nous et a parcouru toutes les étapes de la vie humaine. Dans le difficile contexte actuel, tant de jeunes autour de vous ont un immense besoin d’entendre que le message chrétien est un message de joie et d’espérance! Aussi, je voudrais réfléchir avec vous sur cette joie, sur les chemins pour la trouver, afin que vous puissiez en vivre toujours plus profondément et en être les messagers autour de vous.»

Il me vient aussi à l'esprit les mots adressés par saint Jean Paul II aux jeunes réunis à Tor Vergata en 2000: «Chers jeunes du siècle qui commencent, en disant "oui" au Christ, vous dites "oui" à chacun de vos idéaux les plus nobles. Je prie pour qu'Il règne dans vos cœurs et dans l'humanité du nouveau siècle et du nouveau millénaire. N'ayez pas peur de Lui faire confiance. Il vous guidera, ous donnera la force de le suivre chaque jour et dans chaque situation».

Ces considérations, pour les perspectives qu'elles ouvrent, méritent d'être explorées et peuvent réellement impliquer et passionner les jeunes. Bien plus que celles des habituels catholiques non pratiquants et des habituels anticléricaux qui, bien que jeunes pour l'état civil, répètent des slogans vieux d'un demi-siècle. Pourtant, les promoteurs du Synode ont apparemment décidé, une fois de plus, de se mettre à la remorque des jeunes-vieux et non d'enthousiasmer les jeunes-jeunes.

Désolé de le dire, mais si l'on voit le 'bon' synode à partir de la Suisse, il semble légitime, honnêtement, de ne pas en attendre grand'chose.

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