Le diagnostic Ratzinger
George Weigel (*) s'en prend à ceux qui ont voulu démolir les "Notes" de Benoît XVI sur les scandales de pédophilie cléricale (27/4/2019)
>>> Dossier: Notes de Benoît sur le scandale des abus sexuels
(*) Petit rappel: habituellement présenté en France comme un "neocon", "ultra-conservateur", ou "ultra-libéral". Et pour faire bonne mesure, un affreux suppôt de la réaction, fomenteur de complots, leader mondial de la "croisade" anti-Bergoglio. Autant dire Satan! En réalité, un soutien sans faille de Jean-Paul II, puis de Benoît XVI, qui récemment a pris vigoureusement la défense du cardinal Pell.
Le diagnostic Ratzinger
George Weigel
www.firstthings.com
24 avril 2019
Ma traduction
Publié une semaine avant son 92e anniversaire, l'essai de Joseph Ratzinger sur l'épidémiologie de la crise des abus sexuels du clergé illustre de façon frappante sa capacité encore inégalée à mettre le feu aux circuits cérébraux de progressistes catholiques variés. Les origines du texte écrit par le Pape émérite restent floues: l'a-t-il d'abord écrit pour aider les évêques qui se sont réunis à Rome en février dernier pour faire face à la crise des abus ? Mais quelle que soit son histoire, le diagnostic ratzingerien vaut la peine d'être considéré.
Selon Benoît XVI, la crise catholique des abus sexuels commis par des clercs fut principalement un sous-produit ecclésiastique de la "révolution sexuelle": un tsunami de déconstruction culturelle qui a frappé l'Église dans un moment de confusion doctrinale et morale, de discipline cléricale laxiste, de mauvaise formation au séminaire et de faible contrôle épiscopal, le tout se combinant pour produire bon nombre des scandales auxquels nous sommes malheureusement habitués.
Ce diagnostic n'explique pas tout de la crise des abus, bien sûr. Il n'explique pas les psychopathes comme Marcial Maciel et Theodore McCarrick. Il n'explique pas le comportement d'abus de la part du clergé et des religieux en Irlande et au Québec avant le Concile. Il n'explique pas les défis auxquels l'Église est confrontée aujourd'hui en Afrique à cause du concubinage clérical (et pire encore). Mais l'épidémiologie de Ratzinger concerne, de façon significative, la recrudescence des abus sexuels commis par les clercs, qui a commencé à la fin des années 1960 et a culminé dans les années 1980, avant que les réformes du sacerdoce et des séminaires entreprises par le pape Jean-Paul II ne commencent à s'imposer.
Il se trouve que j'avance pratiquement le même argument depuis la publication de mon livre The Courage To Be Catholic: Crisis, Reform, and the Future of the Church [apparemment non traduit], en 2002. J'y suggérais que l'aveuglement et la duplicité cléricale qui accompagnaient la dissidence généralisée envers l'encyclique du Pape Paul VI de 1968 sur le contrôle des naissances, Humanae Vitae, avaient créé un environnement dans lequel les comportements sexuels abusifs se sont intensifiés. Des hommes qui s'étaient persuadés qu'ils n'avaient pas besoin de croire ou d'enseigner ce que l'Église prétendait être vrai (en particulier sur l'éthique de l'amour humain) furent particulièrement vulnérables au raz-de-marée de la révolution sexuelle; et en peu de temps, la duplicité intellectuelle conduisit à la duplicité de comportement et aux abus. L'effondrement intellectuel et disciplinaire des séminaires au cours de cette même période aggrava la crise. Tout comme l'échec de Rome à promouvoir la discipline ecclésiastique face à une dissidence flagrante.
Bref, ce fut une tempête parfaite, une tempête dans laquelle les forces obscures qui essaient toujours de détruire l'Église et d'entraver sa mission évangélique pouvaient faire de terribles dégâts.
Pour cette analyse, j'ai été dûment matraqué par un 'commentariat' (ensemble de commentaires) catholique de gauche qui en 2002 semblait enfermé dans le déni. A en juger par les réactions immédiates, volatiles et parfois vicieuses au mémorandum de Ratzinger d'il y a deux semaines, trop de membres de la gauche catholique restent dans le déni du lien entre dissidence doctrinale et morale et mal clérical. Ainsi, le pape émérite a été jugé sénile par certains, imprudent par d'autres, et déloyal envers son successeur par les détracteurs. L'un de ces experts excités [?frothing: litt. mousseux] (dont beaucoup sont des ultramontains progressistes pour qui l'infaillibilité du pape François est pratiquement illimitée) est même allé jusqu'à accuser Benoît d'être, en fait, schismatique.
Mais l'un de ces critiques a-t-il affronté l'argument de Ratzinger? Non. L'un de ces critiques a-t-il donné une explication différente, plus plausible, à la recrudescence des abus sexuels cléricaux qui a suivi la pénétration de l'Église par la révolution sexuelle, la controverse sur Humanae Vitae, la rupture de la discipline dans la formation au séminaire et l'évolution des théologies morales qui ont déconstruit la notion que certains actes sont toujours et partout mauvais? Non. Comme en 2002, il y avait beaucoup de vitriol, mais aucun diagnostic alternatif sérieux n'a été offert.
Et comme je l'ai déjà dit, le "cléricalisme" n'est pas une explication sérieuse du péché et du crime d'abus sexuel clérical. Le cléricalisme facilite les abus, en ce sens que les agresseurs s'attaquent à ceux qui, à juste titre, tiennent le sacerdoce en estime. Mais le "cléricalisme" n'explique pas la prédation sexuelle, qui a d'autres causes plus profondes et qui est en fait un fléau mondial.
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