Retour sur la sordide affaire McCarrick
et sur les questions qu'elle soulève (dans lesquelles François est directement interpelé). Le Pape est accusé d'hérésie. Mais il n'y a pas que les questions de foi qui scandalisent les fidéles. Un article d'Elisabeth Yore, repris par AM Valli (2/5/2019)
LE PAPE FRANÇOIS HÉRÉTIQUE? LE SOUVERAIN PONTIFE NE FAIT VISIBLEMENT PAS L'UNANIMITÉ AUPRÈS DE TOUS LES CATHOLIQUES.
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Une vingtaine de prêtres et de théologiens ultraconservateurs (!!) ont appelé les évêques à qualifier d'hérétique le pape François. "Nous prenons cette initiative en dernier recours pour réagir au préjudice croissant causé par les mots et les actes du pape François au cours de ces dernières années, qui a donné lieu à l'une des pires crises de l'histoire de l'Église catholique", précise les signataires de une lettre ouverte, publiée sur <LifeSiteNews>.
(actu.orange.fr)
Les médias (et pas seulement la blogosphère catholique traditionaliste) bruit ces jours-ci de l'accusation d'hérésie lancée à l'encontre de François par une vingtaine de théologiens (voir ICI): un coup d'épée dans l'eau, diront certains. Les signataires ne sont pas des célébrités, ils ne sont qu'une poignée, et François a fait montre jusqu'à présent d'un tel "autisme" (j'emploie ce mot au sens figuré, avec précaution et entre guillemets, pour contourner les fourches caudines du politiquement correct!) face aux questions et aux critiques qu'une pétition ou une lettre de plus ou de moins contre lui ne feront probablement que glisser sur lui comme l'eau sur les plumes d'un canard. Pourtant, il me semble qu'il y a là un "saut de qualité": non seulement la pression sur lui ne se relâche pas, mais c'est la première fois qu'il est formellement accusé du crime d'hérésie, ce qui justifierait qu'il soit déposé.
Nous verrons bien ce qu'il en adviendra.
Mais en attendant, il n'y a pas que les atteintes à la foi qui justifie le désarroi des fidèles et l'indignation des (rares) pasteurs courageux qui ose les dénoncer. L'attitude de duplicité dans le traitement des cas de pédophilie cléricale, surtout, marquera sans doute le Pontificat d'une tache indélébile.
L'affaire McCarrick, en particulier, dans laquelle le Pape est personnellement impliqué, n'en finit pas de soulever des questions.
Partant d'un article d'Elisabeth Yore (*), sur "The Remnant", AM Valli en reparcourt, avec un regard neuf, les différentes étapes. Comment tout cela a-t-il été possible? Avec quelles complicités? Tant que François refusera de répondre à ces questions, et ne rendra pas public le "dossier Uncle Ted", le scandale des abus sexuels dans l'Eglise persistera.
(*) Je renvoie à l'article oiginal d'E.Yore, illustrée de brèves vidéos pour les lecteurs anglophones.
Ces questions encore sans réponse sur le "phénomène" McCarrick
Aldo Maria Valli
30 avril 2019
Ma traduction
* * *
Revenons à Theodore McCarrick. Revenons-y, non pas pour répéter ce qui a déjà été dit, mais pour poser des questions qui restent sans réponse. Revenons en arrière parce qu'une mémoire courte n'est bonne pour personne, pas même pour l'Église. Revenons en arrière parce que Bergoglio n'a pas répondu aux questions posées par Mgr Carlo Maria Viganò depuis plus de deux cent quarante jours maintenant.
L'occasion de revenir sur Uncle Ted est offerte par Elizabeth Yore dans un article, «Ted Talks (When Will Francis?)», qui dans The Remnant retrace les fastes de l'ex-cardinal et, à l'aide de vidéos, re-propose certains de ses discours, à l'époque accueilli avec enthousiasme par tous tandis que lui, imperturbable, continuait dans l'ombre à faucher des victimes.
«Le scandale sexuel dans l'Église ne finira jamais - écrit l'auteur - tant que François n'aura pas ouvert tous les dossiers sur Theodore McCarrick».
Nous voici donc en 2008. Et voici McCarrick qui, sous les feux de la rampe, qu'il aime tant, accepte de recevoir un prix des diplômés de l'Université [jésuite] Notre-Dame et déploie tout son arsenal, bien connu de ceux qui ont eu l'occasion de le rencontrer: esprit irlandais fascinant, récit captivant, humour et autodérision, humanisme (youtu.be/NnM3959OzTc )
En acteur consommé, il se présente comme l'un des principaux représentants du visage le plus beau et le plus aimable de l'Église. Il plaît aux gens qui plaisent et, bien avant que François n'entre en scène, il s'auto-attribue le mérite d'être le porte-parole des réformes et de la tolérance zéro des abus sexuels.
Alors qu'en privé, il agit comme un prédateur en série, en public, il reçoit applaudissements, consensus, dons. Et il continue à tisser un réseau de relations qui inclut de hauts représentants de l'Église et des politiciens.
«Theodore McCarrick - écrit Elizabeth Yore - a exercé sans vergogne un pouvoir politique brut, alimenté par d'énormes sommes d'argent, tout en poursuivant son objectif de fond de s'attaquer aux jeunes hommes vulnérables. Son arrogance n'avait pas de limites tandis qu'il se moquait de ses frères évêques et de ses victimes dans un jeu très médiatisé que l'on pourrait appeler «attrape-moi si tu peux». Pendant des décennies, McCarrick ne s'est pas fait prendre parce qu'il avait de puissants protecteurs: presse, politiciens, prélats.
Les archives médiatiques sont pleines de 'Ted Talks': discours, écrits, interviews de McCarrick. Il est compréhensible que peu de gens aient l'envie ou un intérêt à l'écouter à nouveau, et pourtant il le faut.
Rois, présidents, sénateurs, juges de la Cour suprême, stars des médias, papes, stars d'Hollywood, rock stars. Dans la toile de Mc Carrick, tout le monde est tombé, de Bono à Biden, de Hilton à Clinton. Uncle Ted les aimait tous et tout le monde l'aimait.
«Au fil des décennies, McCarrick a accumulé d'innombrables doctorats honoris causa, a siégé à des conseils d'administration prestigieux et s'est taillé une réputation d'infatigable médiateur politique et de collecteur de fonds. Et, vous pouvez en être sûrs, il ne laissait jamais passer un micro, ou un jeune homme, qu'il ne voulût exploiter pour ses propres besoins égoïstes».
Aujourd'hui, nous savons que derrière la façade, il n'y avait rien d'autre qu'«un pervers sexuel en série qui passait son temps à planifier sa prochaine conquête sexuelle, tout en essayant de faire taire ses victimes avec son prodigieux pouvoir. Mais comment a-t-il fait? Qui lui a permis de faire cela? Comment a-t-il pu voyager continuellement autour du monde à la recherche d'autres territoires de chasse, sous l'apparence d'un représentant attentif de l'humanitarisme global»?
«Ce pervers sexuel était sans remords et osait même critiquer publiquement d'autres clercs qui abusaient de mineurs».
Mais est-il possible que personne n'ait rien vu et su ?
«Les prédateurs - écrit Yore - se cachent rarement dans l'ombre. Au contraire, la dépravation se nourrit des lumières déformées de la gloire et de la fortune. C'est pourquoi McCarrick cherchait constamment à attirer l'attention du public. Pourtant, personne ne le démasqua».
En 2002, le même McCarrick, au cours du scandale qui frappait le clergé américain, se chargea d'agir comme porte-parole de l'Église et pontifia sur les solutions possibles (youtu.be/pYeL64pv5C8).
D'où d'autres questions: «Pourquoi les évêques américains ont-ils permis cette farce? Pourquoi sont-ils tous restés comme des paresseux assis à regarder? Est-il possible qu'aucun d'entre eux n'ait été troublé par l'hypocrisie effrontée du cardinal et son mépris pour les victimes? C'est cela, les pasteurs qui protègent le troupeau catholique?»
Nous ne connaissons pas encore les réponses.
McCarrick ne s'est pas limité aux discours publics. A Washington, il avait une chronique hebdomadaire dans le journal diocésain et de là aussi, il fustigeait les abus, écrivant que même un seul cas «est une catastrophe et un scandale pour nous tous».
C'est ainsi qu'incroyablement, il devint le visage médiatique du scandale, pas en tant que prédateur, mais pour ses appels à la protection des victimes.
Elizabeth Yore souligne le «charme ensorcelant de la voix» de Mac Carrick tandis qu'il répond, ou plutôt ne répond pas, à ceux qui lui demandent s'il existe un endroit privilégié en enfer les prêtres abuseurs. Tout en lui exprime un désir de justice. En réalité, il n'y a pas d'indignation, mais il semble que ce n'est que maintenant que nous le réalisons.
La célèbre Christiane Amanpour de CNN tombe elle aussi dans ses filets (youtu.be/lyTy3RtkC8c). Et voilà le cardinal, alors qu'une fois de plus il se présente comme le protecteur autoproclamé des victimes. Le sort, pour être efficace, a besoin de renforts continus. Dans ces cas, les médias sont les alliés les plus précieux. Et si vous êtes capable de vous présenter comme une expression accessible et fascinante de l'Église libérale, le tour est joué.
Uncle Ted est habituellement présenté comme un infatigable collecteur de fonds et un «merveilleux porte-parole» de l'Église «au milieu d'une crise qui fait souffrir tant de gens». Il n'est donc pas surprenant, note Yore, que le National Catholic Reporter ait aussi chanté les louanges de McCarrick à plusieurs reprises au fil des décennies, allant jusqu'à écrire que «McCarrick aime l'action et est adapté à son rôle d'ambassadeur itinérant».
Maintenant, nous savons tous quelle action McCarrick aimait le plus.
C'est McCarrick lui-même qui a demandé que les victimes et leurs familles l'appellent "Uncle Ted". Un dédoublement. «Derrière la façade soigneusement construite se cachait un monstre inquiétant, intimidant et manipulateur. Et quand une victime menaçait de tout raconter, l'«Oncle» répondait: «Essaie et je t'écrase dans les médias. Puis j'appellerai des amis pour finir le boulot». Les mots d'un tueur à gages de la mafia.
Aujourd'hui, le souverain pervers est tombé, mais «la pleine étendue de son sordide héritage reste largement méconnue et gardée avec zèle par la hiérarchie du Vatican et de l'Église catholique américaine».
Comment toute cette comédie a-t-elle été possible? Comment McCarrick a-t-il pu parcourir le monde en tant qe spécialiste en Islam, pauvreté, paix au Moyen-Orient, dialogue interreligieux, Iran, Cuba, Chine et protection des victimes d'abus?
Maintenant que Ted ne parle plus, c'est à François de décider, écrit Elizabeth Yore. Mais François, malgré les appels contre le cléricalisme, ne parle pas non plus.
C'est ainsi que les questions demeurent. Pourquoi le Vatican n'a-t-il pas démasqué ce maître en tromperie et dépravation? Pourquoi ne demande-t-on pas avec force que le dossier McCarrick soit ouvert? Pourquoi François refuse-t-il de répondre aux questions sur sa relation avec McCarrick? Combien et quels prélats étaient au courant de la prédation sexuelle de McCarrick? Pourquoi sont-ils restés silencieux et ont-ils favorisé à la fois sa carrière et sa prédation? Quel rôle McCarrick a-t-il joué dans l'abdication de Benoît XVI et dans l'élection de Bergoglio? Un fonctionnaire du gouvernement a-t-il protégé McCarrick en intervenant dans l'enquête sur ses crimes sexuels?
«Enterrés dans les archives secrètes du Vatican - conclut Elizabeth Yore - les rapports sur l'histoire démoniaque de Theodore McCarrick sont gardés. Et tant qu'on ne répondra pas à ces questions, le scandale des abus sexuels dans l'Église persistera.
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