Le Pape qui abolit la tradition catholique
Cette année, pour la fête de sainte Agnès, exit la traditionnelle cérémonie de bénédiction des agneaux dont la laine sert à confectionner les palliums. Dernier item d'une liste déjà longue et qui ne cesse de s'enrichir (23/1/2019, mise à jour ultérieure)
Le rédacteur du site <Cronache di Papa Francesco> rapporte avoir lu le 20 janvier quelque part sur internet (en fait sur la page Facebook d'un très actif <Mons. Eleuterio Favella> - évidemment un pseudo [*] sur lequel le site <Italia Oggi> soulève un coin du voile), cette information très emblématique du cours actuel:
Demain matin, 21 janvier, contrairement à une tradition ancienne, le Pape ne bénira pas les agneaux dont la laine est utilisée pour tisser les pallium des [évêques] métropolitains.
Après avoir été déplacée ces dernières années de son emplacement habituel dans la chapelle d'Urbain VIII du Palais Apostolique au hall bien plus anonyme de Sainte Marthe, la cérémonie brève et significative - qui ne dit évidemment plus rien aux occupants actuels de l'Oltretevere - a été supprimée sans justification apparente, et tant pis pour les Pères trappistes des Trois Sources, qui élèvent les agneaux, pour le Chapitre du Latran - titulaire de l'antique charge - qui les remet officiellement au Pape et pour les religieuses Bénédictines de Santa Cecilia in Trastevere, chargées depuis des siècles de faire grandir les animaux, de les tondre et d'obtenir la laine nécessaire au tissage, qu'elles fournissent encore avec zèle.
Bien qu'avec quelques modifications, la cérémonie sacrée - de tradition purement romaine - avait survécu aux changements rituels de la période post-conciliaire, et était particulièrement aimée des pontifes qui eux, n'étaient pas romains, autrement dit Jean-Paul II et Benoît XVI, lequel ne manquait pas en ces occasions de montrer son amour notoire pour les animaux,.
Après la réduction progressive des dernières années, cette suppression est un pas de plus, petit mais paradigmatique, sur le chemin inexorable de la dégradation empruntée par "l'Eglise en sortie" qui ne sait évidemment plus quoi faire des signes sacrés.
Le rédacteur des <Cronache> commente:
Nous sommes allés jeter un coup d'œil au calendrier des Célébrations liturgiques du Souverain Pontife et en effet pour demain [21 janvier, jour de la sainte Agnès] aucune action du Pape n'est prévue...... Le 21 janvier 2018, le Pape était en voyage apostolique et donc "absent justifié" .... alors que le 21 janvier 2017, la "Présentation des agneaux bénis en la fête de Sainte Agnès" était signalée dans le calendrier. Il était également absent le 21 janvier 2014. Cela devrait donc être officiel: à partir de demain 21 janvier, bien que le Pape soit présent et qu'aucun engagement de travail ne soit prévu, il ne bénira plus les agneaux pour le pallium des archevêques métropolitains. C'est donc vrai, et nous devons nous faire une raison.
Cette nouvelle nous conduit à mettre à jour la triste liste des abolitions d'événements importants pour l'Église, dont nous avons déjà parlé ici.
- Abolie, la messe publique du Pontife, pour la solennité de l'Assomption au Ciel, le 15 août ;
- Abolie l'adoration eucharistique avec le Pontife durant des visites apostoliques ou les JMJ, dans les rencontres avec les jeunes ;
- Imposées à l'Église les Premières Vêpres pour la Création du 1er septembre, en présence du Souverain Pontife ;
- Abolies les premières Vêpres de l'Avent - avec ou sans Pontife ;
- Aboli le salut au Saint-Sacrement par le Souverain Pontife, lors des visites aux églises ;
- Abolie l'adoration eucharistique durant les rencontres religieuses sur la place Saint-Pierre. Pendant l'Année du Jubilé de la Miséricorde, pas une seule adoration du Saint-Sacrement n'a été faite publiquement;
- Abolie la présence du Souverain Pontife à l'unique procession publique romaine du Corpus Domini [Fête-Dieu], alors qued les Papes du passé, prisonniers dans la Cité du Vatican, se limitaient à la faire sur la place, afin de ne pas faire manquer aux fidèles ce précieux témoignage: Pierre, humblement à genoux, devant le Roi des rois.
- Aboli le lancer des colombes du dernier dimanche de janvier, à l'Angélus, à l'occasion du salut habituel à l'Action catholique, remplacé par le lancer de... ballons colorés.....
- Abolie la bénédiction papale pour le Premier de l'An, à l'Angélus, par respect pour les non-croyants (Drôle de bénédiction papale pour le jour de l'an).
- Abolie aujourd'hui la traditionnelle bénédiction papale des agneaux pour la confection des pallium des archevêques.....
Que puis-je dire? Prions! Et écoutons les avertissements de Paul que plus personne ne prêche: «Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. Mais toi, en toute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère». (2Tm 4,3-5).
Nous vous laissons sur cette brève vidéo... ad perpetua memoriam….
(*) Mise à jour
J'avais eu la curiosité de faire une recherche Google sur le nom Eleuterio (en français Eleuthère) Favella.
J'ai trouvé une interview (fictive, évidemment) de lui sur le site <Italia Oggi>, dont j'ai parlé plus haut. Elle date de 2016, donc renvoie à des évènements de l'époque, mais je pense qu'une bonne partie reste d'actualité, et pourrait intéresser mes lecteurs.
Le ton, plein d'humour pince-sans-rire, la justesse des remarques, et la langue, châtiée comme il se doit, sont un vrai régal. A découvrir.
L'ecclésiastique derrière Facebook
Certains disent que c'est un faux prélat. Très spécial, toutefois.
Goffredo Pistelli
www.italiaoggi.it
1/7/2016
Ma traduction
* * *
Éleuthère Favella, monseigneur, est l'un des personnages les plus extraordinaires du versant italien de Facebook, avec tout ce qu'il faut de blason épiscopal et d'études à la Grégorienne. C'est un faux prélat, mais il y en a qui pensent que c'est un ex-membre de la Curie qui se protège par l'anonymat. D'empreinte traditionnelle, Favella affiche souvent des informations sur le déclin des coutumes catholiques romaines, avec de fréquentes vidéos dans lesquelles les églises et les célébrations liturgiques sont le contexte des initiatives les plus inédites, des pièces de théâtre amateur aux danses sauvages. Monseigneur Favella, en les publiant, n'utilise jamais d'invectives, mais une ironie aiguë et une authentique invitation à la prière adressée à ses centaines et centaines d'amis, à tel point que ses messages se terminent toujours par: "Pater, Ave, Gloria".
Ici, il se fait interviewer, même si c'est à travers des messages Facebook.
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- Question: Sans trahir la réserve [que vous revendiquez], quel genre de prélat êtes-vous? Êtes-vous un homme de la Curie ou bien, en vous appelant ainsi, risque-t-on de vous offenser ?
Réponse: Il n'y a aucune offense, j'ai été longtemps à la Curie et depuis quelques années, je suis "jubilé" [giubilato, participe passé du verbe giubilare - du latin jubilare «pousser des cris de joie». Ici "en retraite"], comme il était d'usage de dire autrefois, en une expression sémantiquement très significative ).
- Pourquoi un monseigneur sur les réseaux sociaux? Ne savez-vous pas que seul le Saint-Père peut être social ?
Je pensais que le Pape était le seul à être infaillible (en des occasions déterminées), mais évidemment, s'il doit être le seul social, ce sont d'autres qui seront infaillibles.
- D'après ce que vous écrivez sur les réseaux sociaux, je pense que vous êtes un ecclésiastique qui a à cœur la Tradition et qui a plutôt en horreur un certain modernisme rampant qui vit dans nos paroisses et autour de l'Église universelle. Ai-je tort ?
Rampant? Non, vous vous trompez. Le modernisme a transformé à bien des égards le catholicisme en une sorte de caricature décolorée du protestantisme, au niveau du culte, de la doctrine, de la discipline et surtout de la morale, qui doit maintenant être à tout prix adaptée aux impératifs de la "pensée unique" dominante, étant donné que....
- Etant donné que quoi ?
Etant donné que désormais, même la place forte réduite des «valeurs non négociables» a été allègrement abandonnée, avec cette joie de cirque qui caractérise les dernières années de la vie de l'Église. Dans bien des cas, nous sommes face à un OGM de la religion que nous avons connue jusqu'aux années 70.
...
- Que pensez-vous du Pape François et de son Eglise en sortie ou «hôpital de campagne»?
Depuis plus de trois ans, l'Église sort, mais des fruits, je n'en vois pas beaucoup, à lire les statistiques et à fréquenter les paroisses, sauf pour les grands événements que certaines puissances ecclésiastiques, qui ont accès à certains médias, veulent accréditer comme triomphales. Le Jubilé lui-même, selon le clergé romain, a beaucoup de mal. Et la seule vraie sortie que le Saint-Père devait faire, le 30 janvier au Cirque Maximus, il ne l'a pas faite.
- Il devait aller à la fête de la famille (Family Day)?
Oui, mais puisque - comme on le sait - même le Saint-Esprit ne sait pas ce que pensent les jésuites, et encore moins les jésuites postmodernes, je considère que désormais, je n'ai plus besoin de me lamenter. Ecclesia supplet.
- Voyez, le caractère de ce Pape, qui «plaît trop», comme l'écrivaient Alessandro Gnocchi et le regretté Mario Palmaro, est-ce une réponse nécessaire à la crise dans laquelle l'Église se trouvait [du fait des] regrettables histoires de pédophilie ?
Cela, je ne saurais le dire, mais j'aimerais clarifier certaines choses. Tout d'abord, que la pédophilie est depuis longtemps un mal qui affecte l'ensemble de la société contemporaine, en particulier la société occidentale, désormais agonisante dans les profondeurs des vices les plus horribles, mais que la propagande anti-catholique qui régit presque tous les médias trouve utile de ne souligner que les cas de pédophilie ecclésiastique.
- Et ensuite?
Ensuite, il faut dire qu'au cours du pontificat de Benoît XVI, de nombreuses mesures très sévères ont été prises, mais sans les agiter aux quatre vents, comme on le fait ces dernières années. Enfin, il faut rappeler que ce fléau est le résultat, en plus d'une sécularisation sans précédent des clercs, du système totalement erroné du soi-disant discernement dans les séminaires et noviciats depuis quarante ans.
- Autrement dit?
Autrement dit que trop de miséricorde et d'indulgence envers l'orientation sexuelle indue des candidats à la prêtrise a mené à cette situation honteuse et embarrassante. Au cours de nombreuses années, je n'ai entendu que deux prélats s'élever clairement contre l'admission à l'Ordre de candidats ayant de telles tendances.
- Qui sont?
La bonne âme du Cardinal Ersilio Tonini [ndt: il a été souvent question de lui dans ces pages, chercher ce nom dans le moteur de recherche interne], avec cette franchise qui lui était naturelle, et son Eminence Leo Burke, alors qu'il était encore Défenseur du Lien à la Signature.
- Mais vous, qu'en pensez-vous ?
Des études approfondies et autorisées ont indiqué que la plupart du temps, la pédophilie était le corollaire de tendances homosexuelles, et la trop grande tolérance des Supérieurs en la matière a été pernicieuse.
- Je reviens au Pape François. A force de gratter, se pourrait-il que derrière Jorge Bergoglio, il y ait jésuitement un homme qui défend la Tradition par d'autres moyens ?
Peut-être, mais en attendant la confusion est totale.
- J'insiste : l'exhortation Amoris Laetitia - qui semble peu tenir compte des "coups de frein" des évêques - et le Motu Proprio sur l'annulation du mariage ne peuvent-ils pas s'inscrire dans cette stratégie éventuelle ?
Je pense que c'est précisément sur ce front que la confusion a atteint son paroxysme, mais, à entendre le Doyen de la Rote, dans les réunions de propagande qu'il a tenues et tient avec un zèle apostolique inlassable, la réforme du processus matrimonial et des tribunaux eux-mêmes semblerait avoir été dictée au Pape - à l'instar de Grégoire le Grand - par le Saint Esprit en personne. De nuit. Mais les malveillants disent....
- Il y a toujours des malveillants....
Et ils disent que le Doyen lui-même, Monseigneur Pio Vito Pinto, ayant été le rédacteur effectif du Motu proprio, en est arrivé au point de s'identifier avec la Troisième Personne....
- L'humour habituel de vous autres prélats... mais venons-en à la Conférence épiscopale italienne, Monseigneur. Elle sera bientôt renouvelée à son sommet. Essayez de faire un pronostic sur deux ou trois noms, en expliquant pourquoi ils sont les plus "papabili".
Dans le style collégial de ce pontificat, ce sera certainement le Saint-Père qui choisira.
- A propos de "papabili" - les vrais -, qui viendra après François - que Dieu le garde dans la gloire, bien sûr ? Luis Antonio Tagle ou Robert Sarah? Et Monseigneur Favella, qui souhaiterait le Bien de la Sainte Eglise Romaine ?
Vous savez très bien que dans le Conclave, ceux qui entrent Pape en sortent cardinaux, donc, pour différentes raisons, je pense que ni Tagle ni Sarah ne pourront être élus, étant donné que le Pape a récemment dit qu'il n'a pas l'intention de démissionner. Le second sera trop vieux, le premier trop jeune et les cardinaux veulent généralement un "Saint-Père" et non un "Père éternel".
- Comment va Sa Sainteté le Pape émérite dont les 65 ans de sacerdoce ont été célébrés l'autre jour? Avez-vous entendu les récentes déclarations de Monseigneur Georg Ganswein, Secrétaire de Benoît XVI, selon lesquelles il n'aurait pas renoncé au ministère pétrinien ?
Benoît XVI jouit d'une santé assez bonne, compatible avec son âge et aurait bien pu régner encore, s'il avait eu des collaborateurs valables, comme cela a toujours été le cas dans l'histoire de l'Église. Les déclarations de son Excellence Secrétaire et Gardien jettent encore plus d'ombre sur l'abdication déjà angoissante de février 2013 qui, ajoutée aux déclarations incroyables de son Eminence Danneels, n'ont jamais été démenties par le Service de Presse, pourtant diligent et spécialisé dans ce domaine....
- Celles relatives à la "conspiration" de Saint-Gall, la rencontre suisse des cardinaux progressistes pour planifier leur successeur.
Exactement, et d'autres aménités. Et cumulés avec tous les doutes inhérents à la perpétuation du nom, des insignes et de l'habit, à la résidence forcée au Vatican de l'Auguste retraité et à la création du monstrum juridique de la "papauté émérite", sur laquelle Benoît XVI répond en privé de manière irritée et lapidaire, contrastant avec sa douceur traditionnelle, évoquent une situation canonique pour le moins troublante.
- Aurons-nous un jour un Eleuthère Pape ?
Il y en a déjà eu un (saint d'ailleurs). C'est suffisant.
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