Sommet sur les abus, des victimes frustrées
Beaucoup de poudre aux yeux, rien de nouveau, et il manque l'essentiel. Analyse du directeur de La Bussola (26/2/2018)
Pourquoi le Sommet ne peut pas avoir satisfait les victimes
Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
25 février 2019
Ma traduction
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Comme prévu, le sommet sur les abus sexuels qui s'est conclu hier au Vatican a suivi un scénario déjà écrit, où les mots d'ordre - cléricalisme, synodalité, transparence - ont servi à cacher plus qu'à révéler, à donner l'idée d'un changement radical quand on contraire on résiste au changement déjà engagé par Jean Paul II.
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Écouter les victimes, a répété le Pape François à de multiples reprises, et pas seulement en ce moment. Et le Sommet du Vatican sur la protection des enfants, clôturé hier, a commencé par le témoignage de quelques victimes d'abus sexuels commis par des prêtres. Écouter les victimes: c'est juste, parce que quand on parle d'abus sexuels - surtout sur des mineurs, mais aussi sur des adultes - on en parle trop souvent de manière abstraite, comme si c'était un problème, oui, mais qui au fond ne nous touche pas vraiment de près, et surtout c'est un problème à résoudre. Après ces journées, après avoir entendu divers témoignages, il faut espérer que les présidents des Conférences épiscopales retourneront dans leurs pays avec une conscience différente à la fois des conséquences des abus et de la gravité des actes commis par les prêtres et les évêques. Et à partir de là, au moins quelque chose de bon pourrait naître si cette plus grande prise de conscience se traduit par des actions concrètes.
Mais cela dit, et en nous mettant du côté des victimes, pourrions-nous être satisfaits de ce qui a été dit et fait au cours de ces journées de rencontres? Nous en doutons fortement. Nous avons entendu beaucoup de mots, surtout de mots d'ordre: cléricalisme, synodalité, collégialité, transparence. Nous avons déjà argumenté sur le caractère erroné ou partiel de ces concepts. Mais surtout, on a la forte impression qu'il s'agit de mots qui, plus que révéler et expliquer, ont servi à cacher, à jeter de la fumée, à donner l'idée d'un changement radical, alors qu'au contraire on résiste à ce changement initié par Jean Paul II et par Benoît XVI. Une sorte de tour de passe-passe, en somme, pour donner l'impression que quelque chose se passe alors qu'en réalité c'est tout autre chose qui arrive.
On parle d'actions concrètes, de transparence : mais la première chose à attendre, c'est de clarifier l'affaire de l'ex-cardinal Theodore McCarrick, dont le cas est aussi à l'origine de ce sommet. Au contraire, tout est fait pour empêcher que la lumière soit faite sur ce réseau de complicité qui a permis une longue activité d'abus et, en même temps, une grande carrière ecclésiastique. Et en plus, les évêques et les cardinaux qui le sont grâce à leur amitié avec McCarrick sont même promus. Que doivent penser les victimes de McCarrick - qui sont si nombreuses - quand elles voient que c'est le Cardinal Cupich qui organise le sommet sur les abus sexuels; qu'un message du Pape rend hommage au cardinal Wuerl, exaltant ses qualités personnelles et le décrivant presque comme un martyr; que le Cardinal Farrell - qui a vécu avec McCarrick pendant plusieurs années - vient d'être nommé Camerlingue de la Sainte Église Romaine? Et que doivent-ils déduire du fait que la Conférence épiscopale américaine n'est pas autorisée à mener une enquête approfondie sur toute cette affaire, y compris sur la complicité de la Curie romaine?
On parle de cléricalisme, d'abus de pouvoir, comme origine du problème. Mais le fait de noter que l'abus de pouvoir est la conséquence d'un désordre antérieur relève du pur bon sens, et cet abus peut s'exprimer de différentes manières. Le harcèlement moral est aussi un abus de pouvoir, tout comme le "bizutage" et le recours à la violence contre les plus faibles. S'il s'exprime par la violence sexuelle, c'est la cause qui doit en être recherchée; et si 80% des abus sont des actes homosexuels, le problème ne peut pas être éludé en affirmant - comme l'a fait Mgr Scicluna, l'un des protagonistes du sommet - que l'orientation sexuelle ne prédispose pas au péché. Personne ne veut affirmer que les personnes ayant des tendances homosexuelles sont toutes des abuseurs potentiels, mais en même temps, si la grande majorité des violences sont commises par des personnes ayant ces tendances, il y a une raison. Le cacher, faire comme si de rien n'était, ce n'est pas d'une grande consolation pour les victimes de ces prédateurs.
Dans la lettre ouverte publiée à la veille du sommet, les cardinaux Raymond Burke et Walter Brandmüller expliquaient que les abus sur mineurs et «l'agenda homosexuel» s'inscrivent dans «une crise beaucoup plus large»: «Les racines de ce phénomène résident clairement dans cette atmosphère de matérialisme, de relativisme et d'hédonisme, où l'existence d'une loi morale absolue, c'est-à-dire sans exceptions, est ouvertement remise en question». En d'autres termes, la grave faute des prêtres est «de s'être éloignés de la vérité de l'Evangile». Le déni, y compris public, en paroles et en actes, de la loi divine et naturelle, est à l'origine du mal qui corrompt certains milieux de l'Église. D'une certaine façon, les compte-rendus et les discours de ces derniers jours ont confirmé ce point de vue. Le sujet a été discuté sans jamais faire référence à l'Évangile ou au sixième commandement, sans référence aux Pères et Docteurs de l'Église, sans même regarder les modèles de chasteté des saints.
Les victimes peuvent-elles se sentir rassurées par le fait que des pasteurs qui devraient montrer le chemin vers le Ciel, font face à ces problèmes comme le ferait le Pdg d'une entreprise ?
Et ensuite, la synodalité, les procédurescorrectes pour faire en sorte que les dénonciations des victimes soient rapidement établies. Mais on en a parlé comme s'il n'y avait rien eu jusqu'à présent. C'est faux, les procédures sont déjà en place. Bien sûr, elles peuvent être améliorés, elles peuvent être rendues plus strictes, mais les cas les plus retentissants sont ceux où les procédures ont été suivies et ensuite, à un certain moment, ont été interrompues parce que certains «amis» ont fait disparaître les dossiers: non seulement le cas McCarrick, mais aussi celui du père Marcel Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, et du cardinal britannique Cormac Murphy O'Connor. Et l'évêque argentin Gustavo Zanchetta, un cas d'extrême actualité: des preuves sont apparues ces jours-ci, nous disant que le Saint-Siège a menti il n'y a pas plus d'un mois et demi. Et comment accorder du crédit à ceux qui, d'un côté, parlent de transparence et de l'autre, tentent de se couvrir ?
Il n'y a pas que cela; au Vatican, il existe déjà un bureau qui examine toutes les plaintes qui arrivent à Rome: c'est une section de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui avait 10 fonctionnaires; il en aurait fallu au moins trois de plus pour faire face scrupuleusement à tous les cas à traiter; la promesse avait été faite, mais en 2017 trois furent envoyés, sans explication, et cette section se retrouve actuellement en sous effectif.
Après cela, on ne peut pas blâmer les victimes si elles perdent confiance dans la volonté de mettre les choses en place.
Au lieu de créer de nouvelles commissions, qui ne sont que de la poudre aux yeux et qui provoquent ensuite d'autres discussions et divisions, il suffirait de renforcer les structures qui existent déjà pour accélérer les processus et vérifier scrupuleusement les faits reprochés aux prêtres et aux évêques.
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