Une provocation de François?
Il vient de nommer le tristement célèbre cardinal Kevin Farrell comme camerlingue. Aldo Maria Valli lui consacre le dernier chapitre de sa chronique récurrente (sur le ton de l'ironie!) "Uomini giusti al posto giusto" (16/2/2019)
Kevin Farrell
Farrell, la bonne personne au bon endroit
Aldo Maria Valli
15 février 2019
www.aldomariavalli.it/
Ma traduction
* * *
Donc le cardinal Kevin Farrell a reçu du Pape la prestigieuse nomination de camerlingue de la Sainte Église Romaine.
Que dire ? La bonne personne au bon endroit!
Kevin Farrell a en effet jusqu'à présent montré une propension remarquable à ne pas remarquer ce qui se passe autour de lui. Et c'est sur cette propension qu'il a construit sa carrière.
Il faut rappeler que l'Irlandais Farrell, né à Dublin en 1947 a au milieu des années soixante fait partie des Légionnaires du Christ et connu de près le fondateur Marcial Maciel Degollado, reconnu coupable d'abus sexuel continus, un monstre à la double vie, mort sans jamais avoir demandé pardon pour les crimes commis.
Mais Farrell n'a rien remarqué, et quand il a quitté les Légionnaires des années plus tard, il a dit qu'il n'avait jamais eu de contact avec le fondateur.
Pourtant, dans la Légion, il occupa des charges importantes, qui l'amenèrent à fréquenter Maciel pendant un certain temps, ce qui rend peu probable qu'il n'ait jamais eu au moins un soupçon.
Mais poursuivons. Abandonnant les légionnaires, Farrell est parti pour le diocèse de Washington, où il est devenu évêque auxiliaire en 2001. Et qui était le titulaire à l'époque ? Theodore McCarrick, "Oncle Ted", un autre serial abuseur.
La nomination de McCarrick comme archevêque de la capitale des États-Unis, point culminant d'une carrière prestigieuse, avait suscité déjà à l'époque murmures et perplexité, des bruits s'étant répandus sur ses appétits sexuels. Toutefois, Rome confirma et un an plus tard, McCarrick était créé cardinal.
Mais la nomination de Farrell comme auxiliaire, fortement souhaitée par McCarrick, suscita elle aussi l'étonnement. Comment donc? Le prêtre irlandais n'avait pas remarqué les méfaits de Maciel et maintenant il était le principal collaborateur d'un prélat lui aussi objet de bavardages?
Toutefois, les perplexités n'entravèrent pas les plans de McCarrick. Le puissant archevêque voulait Farrell et il l'obtint. Et ensuite, il l'ordonna évêque personnellement. Et ce n'est pas tout. Il décida également qu'à Washington, l'auxiliaire devait vivre dans son propre appartement.
Pour Farrell, ceci créa une situation similaire à celle qui l'avait vu aux côtés de Maciel, mais encore une fois le prélat irlandais ne remarqua rien, et encore aujourd'hui, il affirme qu'il n'a jamais eu vent des méfaits de McCarrick.
En 2006, ayant atteint l'âge de la retraite, McCarrick, tout en restant très influent, quitte l'archidiocèse de Washington et l'année suivante, Farrell change également de siège: grâce au soutien de McCarrick lui-même, il est promu évêque de l'important diocèse de Dallas, où, dans l'affrontement entre catholiques conservateurs et progressistes, il se distingue par sa capacité à se camoufler.
Une fois terminé le règne de Benoît XVI et après l'accession de François au trône pontifical, Farrell sortit de l'anonymat et s'aligna avec les différents Cupich et Tobin, représentants du front progressiste, prenant le parti d'Amoris laetitia et disant qu'il était en faveur de la communion pour les divorcés remariés.
Un tel enthousiasme a été récompensé: il est devenu Préfet du nouveau dicastère vatican pour les laïcs, la famille et la vie et la même année, 2016, il a été créé cardinal.
Parmi les "mérites" de Farrell, il y a en outre celui d'avoir signé la préface du livre "Building a Bridge - Building a Bridge. How the Catholic Church and the Lgbt Community Can Enter into a Relationship of Respect, Compassion, and Sensitivity" (Construire un pont - Comment l'Église catholique et la communauté Lgbt peuvent entrer dans une relation de respect, de compassion et de sensibilité), par le jésuite pro Lgbt James Martin, et aussi d'avoir été le metteur en scène de la Rencontre mondiale des familles à Dublin, où Martin, malgré les protestations de nombreux catholiques, fut officiellement invité par le Vatican à tenir une conférence devant des couples homosexuels du monde entier.
Bref, le titre d'homme juste au bon endroit, personne ne peut lui enlever.
Reste une petite perplexité.
En tant que camerlingue, comme l'établissent les règles, Farrell aura la tâche, le moment venu, de "constater officiellement la mort du Pontife". Une belle responsabilité. Mais Farrell étant, comme nous l'avons vu, un homme qui jusqu'à présent ne s'est pas distingué par sa capacité à voir ce qui se passe autour de lui, s'apercevra-t-il de la mort du pape ?
Enfin un doute. Puisque le camerlingue, devant attester la mort du pape et assumer l'administration ad interim du Saint-Siège, ne pourra jamais quitter Rome, se pourrait-il que le Cardinal Farrell, avec cette nomination, ait été mis à l'abri d'éventuelles convocations embarrassantes aux États-Unis pour déposer sur les abus sexuels de "l'oncle Ted" McCarrick?
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