La lettre de Benoît, nouveaux développements
Une mise au point de Sandro Magister qui prouve que déontologie et journalisme ne riment pas forcément ensemble. Et la fable de l'arroseur arrosé à propos de Vigano, champion autoploclamé de la lutte contre les fakenews (15/3/2018).
>>> L'étrange lettre de Benoît XVI (V)
Riccardo Cascioli a complété son éditotorial d'hier par un post-scriptum: il s'agit d'un billet qui lui a été adressé par Sandro Magister.
Cher Cascioli, je te signale un autre détail dans l'affaire de la lettre de Benoît XVI. J'étais présent à la présentation des fascicules sur la théologie du Pape François. Et il y avait une vingtaine d'autres Vaticanistes avec moi. Eh bien, la lettre, Vigano l'a lue en entier, tandis que simultanément était distribué le communiqué de presse qui ne comportait, entre guillemets, que les deux paragraphes qui ont produit le résultat que nous connaissons.
Le lendemain, j'ai essayé de voir si le texte intégral de la lettre avait été publié quelque part. En vain. Et puis je me suis dit: ça suffit! J'ai récupéré l'enregistrement vidéo de l'intervention de Viganò et de là, de sa voix même, j'ai transcrit le texte complet de la lettre.
Ainsi, au moins une vingtaine de Vaticanistes avaient entendu de leurs oreilles tout ce qui était écrit dans la lettre de Benoît XVI, et pourtant l'effet a été ce que nous savons.
Ce n'était pas une page brillante pour la profession. Et la faute n'est pas seulement de Vigano.
Il s'agit donc d'une transcription de la lettre, par un journaliste qui fait honneur à sa profession. Mais rien ne dit que Vigano a TOUT lu.
Marco Tosatti a d'ailleurs publié hier une nouvelle réflexion, s'ajoutant à celle de la veille (cf. L'étrange lettre de Benoît XVI (II)), où il s'interroge sur la façon dont Sandro Magister s'est procuré le texte de la lettre. Son titre "Quelqu'un au Vatican a dit basta" laisse supposer l'intervention d'un membre de l'entourage proche du Pape émérite (??).
La mise au point qui précède invaliderait (?) au moins en partie cette analyse.
Mais cela n'enlève rien à la pertinence de la suite:
La demi-fakenews sur Benoît et Bergoglio
Quelqu'un, au Vatican, a dit basta
Marco Tosatti
14 mars 2018
Ma traduction
* * *
Tout laisse à penser qu'hier, quelqu'un au Vatican s'est indigné, et a dit «basta» à l'opération honteuse, une authentique fakenews, avec laquelle le Préfet du Secrétariat aux Communications, Mgr Dario Edoardo Viganò, a voulu accréditer une approbation à 360 degrés de la part de Benoît XVI de l'ensemble du pontificat du pape régnant. Quelqu'un qui était en possession d'une copie de la lettre que Benoît XVI a écrite - le 7 février dernier - en réponse à une demande de Mgr Viganò lui-même. Quelqu'un qui a fait en sorte que le collègue Magister la reçoive et démonte le petit jeu - au moins en partie, parce que les gros titres des journaux étaient d'hier matin, et ils ne seront certainement pas corrigés, par des collègues qui sont tous trop heureux de montrer que Ratzinger fait partie du fanclub de Bergoglio .
Les faits.
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Le 12 janvier, Mgr Viganò a écrit à Benoît XVI pour lui demander d'écrire quelque chose sur les onze petits livres, très petits, dans lesquels autant de théologiens parlent de la théologie du Pape Bergoglio. Malheureusement, nous n'avons pas la lettre de Viganò; il y a peut-être l'espoir qu'elle sortira aussi, même si c'est difficile. Car de cette façon, comme le souligne Riccardo Cascioli, on comprendrait mieux certains termes et certaines phrases de la lettre de réponse; qui semblent intuitivement, disons, sollicités par la lettre d'invitation.
Pour récapituler les données disponibles, voici la lettre de Benoît XVI:
www.diakonos.be/settimo-cielo/le-double-prejuge-stupide-le-texte-integral-de-la-lettre-de-benoit-xvi/
Lundi, Mgr Dario Edoardo Viganò en a parlé aux journalistes à l'occasion de la présentation des onze petits livres. Voici l'article de Vatican News, le portail d'information du Vatican dirigé par Viganò:
Benoît XVI: continuité avec le pontificat du Pape François XVI.
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Le Pape Benoît XVI a voulu apporter une contribution, comme toujours très significative, à cette unité intérieure spirituelle de deux pontificats. Ce sont les mots de Dario Edoardo Viganò sur la lettre qui lui a été envoyée par le Pape émérite.
Une lettre personnelle de Benoît XVI sur la continuité avec le pontificat du Pape François XVI. C'est le Préfet du Secrétariat pour la Communication, Mgr Dario Edoardo Viganò qui l'a reçue à l'occasion de la présentation de la série "La Teologia di Papa Francesco" (La Théologie du Pape François), publiée par la Libreria Editrice Vaticana (LEV) qui a eu lieu aujourd'hui lors d'une conférence de presse à Rome à la Sala Marconi de Palazzo Pio.
Notez bien: la lettre, datée du 7 février, devient «reçue à l'occasion» d'un événement qui a eu lieu le 12 mars.....
Le portail publie les deux premiers paragraphes du message, et omet le troisième, qui commence par «Cependant...» et dit que Benoît N'A PAS lu les onze volumes, qu'il n'a pas l'intention de les lire, encore moins d'écrire dessus. Ce qui vide par conséquent de leur substance les phrases aimables des paragraphes précédents, et la tentative d'accréditer l'approbation.
Qui pourtant est avalée, appât, hameçon et ligne, par tous ceux, musiciens de cour et collègues, qui se répandent dans des colonnes et des colonnes de commentaires pour dire qu'entre le règne de Benoît XVI et celui de François, il y a seulement une différence de nationalité, et combien sont vilains et mauvais les coincés qui soutiennent l'opposé et W lil Papa.
Par charité chrétienne, nous ne donnons pas les noms et les liens...
La nouvelle rebondit dans les réseaux sociaux et provoque des réactions
de toutes sortes. Et cela aussi serait intéressant à voir, mais l'espace manque. Nous vous offrons seulement le commentaire sur Twitter du Père Antonio Spadaro, conseiller média de Sainte Marthe.
E #BenedettoXVI si smarca con eleganza e decisione da dubia e birignao teologici contro #PapaFrancesco. E si smarca pure dalle eteree eulogie che altri gli hanno costruito addosso...
— Antonio Spadaro (@antoniospadaro) 12 mars 2018
Tout cela doit avoir provoqué une réaction de quelque part dans les murs du Vatican, et la lettre originale, complète, a été révélée providentiellement sur un blog qui heureusement est diffusé dans différentes langues, et pas seulement en italien.
Maintenant, nous ne voulons pas porter de jugements professionnels et éthiques sur le comportement des responsables. La correction professionnelle minimale veut que si l'on rend un document public, on le publie dans son intégralité. Et au contraire, cela ne s'est pas produit ni sur le site web de la Salle de Presse du Saint-Siège ni, comme nous l'avons vu, sur Vatican News.
Mais dès lors que ce qui s'est passé a toutes les apparences et le contenu d'une fakenews d'école, il nous semble juste de citer cette prise de position:
«Les fakenews sont l'un des éléments qui empoisonnent les relations. Il s'agit de nouvelles qui ont le goût de la véridicité, mais en réalité sont non fondées, partielles ou même fausses. Dans les fakenews, le problème n'est pas la non-véridicité, qui est très évidente, mais la vraisemblance».
Voilà comment Mgr Dario Edoardo Viganò, Préfet du Secrétariat pour la Communication, a commenté dans une interview accordée au portail Vatican News le message du Pape à l'occasion de la 52ème Journée Mondiale de la Communication Sociale, célébrée le 13 mai, mais dont le texte a été diffusé aujourd'hui, selon la tradition, à l'occasion de la fête de saint François de Sales, patron des journalistes.
C'est ce que Mgr Dario Edoardo Viganò disait il y a quelques semaines, rapporté dans Avvenire:
Parfait, non?
Enfin, dernière nouvelle, l'agence Associated Press a mené une enquête dont il ressort que le Vatican a été obligé d'admettre le trucage de la fameuse photo montrant le fac-similé de la lettre avec les partie "gênantes" floutées, et d'autres artistiquement masquées par une pile de livres (voir ICI).
L'Agence rappelle notamment que:
La plupart des médias indépendants respectent des normes strictes qui prohibent la manipulation digitale de photos. «Aucun élément ne doit être numériquement ajouté ou retiré sur une photo», précisent les normes de l'AP.
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