Lettre de Benoît XVI, réactions (VI)
Les tradis aussi contre lui. Ici, "The Remnant" (14/4/2019)
A lire certaines de ces réactions, on pourrait se croire revenu 10 ans en arrière, aux pires heures du Pontificat.
J'ai amplement relayé les commentaires négatifs issus des rangs bergogliens, et de la presse mainstream, mais ils n'ont malheureusement pas l'exclusivité de la hargne. Les "tradis irréductibles et aigris", littéralement confits dans leur haine du Concile (qu'il n'est pas question ici d'exonérer de ses graves responsabilités que Benoît XVI, loin de les éluder, dénonce avec force depuis 1984 et le fameux "Rapport Ratzinger"), une haine stérile à force d'être ressassée, y vont aussi de leur couplet assassin. Avec la différence qu'ils ont peu accès aux médias, ce qui limite forcément l'impact de leurs attaques. Et qu'ils n'utilisent pas la critique ad personam - contrairement au camp opposé, dont c'est la spécialité.
Voici un article de The Remnant qui résume bien leurs griefs: ils ne démordent pas de la conviction que "Ratzinger" est un gauchiste et un révolutionnaire (peut-être repenti) qui, par sa participation au Concile comme "peritus" a contribué à la destruction de L'Eglise, quand il n'en est pas le responsable. Et ils ne lui pardonnent pas d'avoir "fui devant les loups" (c'est du moins ainsi qu'ils voient les choses) avec sa démission.
Cela n'empêche pas l'auteur de dire par ailleurs - fût-ce du bout des lèvres - des choses plutôt justes et appréciables. Dommage que le reste de l'article, souvent caricatural, détruise l'impression positive qu'on ressent par endroits à la lecture.
Benoît XVI parle (malgré les loups)
Michael J. Matt (le directeur)
www.remnantnewspaper.com
12 avril 2019
Ma traduction
* * *
La lettre d'avril de Benoît XVI sur la crise de l'Église n'est pas facile à critiquer, ni même à catégoriser. Tout d'abord, il n'est pas le pape, et il est donc naturel de se demander quel était le but de l'exercice.
D'un autre côté, alors que François continue de saper gravement ce qui reste de l'Église catholique, devrait-on reprocher à Benoît d'essayer de faire quelque chose de significatif face à une crise que personne à Rome ne semble prêt à affronter, ni même à aborder de façon adéquate, et encore moins avec sérieux?
Si l'intervention de Benoît XVI doit être évaluée sur la base du flot de vitriol qu'il a reçu de ses critiques libéraux, elle ne peut certainement pas être entièrement mauvaise.
«Si mauvaise qu'elle en est embarrassante», crie le titre de USA Today. «Benoît explosé pour avoir rejeté la faute sur l'homosexualité, la révolution sexuelle, dans la crise des abus dans l'église», affirme le chroniqueur John Bacon.
Voilà le problème pour les types du genre Cupich: Benoît a fait ce que le Vatican s'est donné beaucoup de mal pour ne pas faire lors du récent sommet bidon sur les abus sexuels commis par des clercs - il a évoqué le mot "H" :
«Dans divers séminaires, des clans homosexuels se sont constitués, qui agissaient plus ou moins ouvertement et ont changé de manière significative le climat dans les séminaires».
Il n'est pas étonnant que les gauchistes - dans l'Église et à l'extérieur - voient rouge. L'ex-Pape Benoît XVI était censé se taire et dire ses prières, après l'étrange abdication de 2013. Mais maintenant, il prétend que l'homosexualité dans le sacerdoce a alimenté la crise.
Bravo, Your Emeritusness [Votre Émériteté]. C'est un doigt dans l'oeil de beaucoup de gens puissants, dont les trois amigos (Blase [Cupich], Jimmy [James Martin] et Jorge).
Mais ce n'est pas tout. L'ancien Pape a osé suggérer que l'Église de Vatican II était «mal équipée pour combattre la crise» et qu'une «crise de la foi surnaturelle» était à l'œuvre dans l'Église à la fin des années 1960, née de «l'absence de Dieu».
L'«absence de Dieu».... au lendemain du plus beau, du plus grand et du plus impressionnant Concile de l'histoire de l'Église? Impossible !
L'intervention de Benoît XVI n'était «ni correcte ni utile», sermonne l'ex-journaliste de CNS, John Thavis : «Quand un pape à la retraite fait des déclarations sur ce genre de questions, cela casse les efforts du pape actuel».
Là, vous nous avez eus, Mr Thavis. En fait, si l'ancien pape est vraiment en train de «casser les efforts du pape actuel», peut-être devrions-nous tous nous mettre à genoux et prier pour qu'il prenne sa plume plus souvent.
Cela ne fera que «diviser l'Église», geint Andrew Chesnut, président du programme d'études catholiques de la Virginia Commonwealth University, «à un moment où François a appelé à l'unité».
En effet ! Mais, encore une fois, qui est-il pour juger ?
Et David Gibson de Fordham [université jésuite de New York] a qualifié la lettre de Benoît XVI de «profondément problématique et dommageable à un moment crucial», ajoutant qu'«il n'est pas le Pape. Il agit juste comme s'il l'était».
Il faut bien que quelqu'un le fasse!
Rien de nouveau ici. La gauche fera toujours une crise d'hystérie chaque fois que quelqu'un vêtu en ecclésiastique dira quelque chose, même de vaguement catholique. Ce sont d'ailleurs ces mêmes personnes qui ont perdu la tête collectivement lorsque le peritus "archiconservateur" et "traditionaliste" de Vatican II est monté sur le trône de Pierre.
Ratzinger croyait en Dieu et en l'autorité morale de l'Église ce qui, pour certains de ces gens, faisait du "Rottweiler de Dieu" rien de moins qu'un insupportable "rad trad" [traditionaliste radical?].
Alors, qu'allons nous faire de ces mots? Eh bien, c'est du Benoît, ce qui veut dire que c'est un peu de tout.
Certains d'entre eux se lisent comme les paroles d'un vieil homme aimable et sincère qui tente de se convaincre de quelque chose dont il n'est plus si sûr. Il s'agit d'une véritable tentative de s'attaquer à la cause profonde de la crise dans l'Église, ce qui le place évidemment devant son malheureux successeur, mais il n'est toujours pas disposé (ou il est incapable) de voir la nudité du Concile.
Dans certains passages, Benoît XVI met en lumière le problème fondamental, tandis que dans d'autres, la pensée d'un homme presque aussi conflictuel que l'Église nouvelle qu'il a aidé à construire prend le dessus.
L'ancien révolutionnaire semble jeter un regard plus critique (ou du moins réaliste) sur sa Révolution jadis chérie. Il semble désireux de redécouvrir la promesse que la Révolution lui avait faite, mais il n'arrive pas à surmonter le cauchemar d'une Église qui lutte pour sa vie dans un monde où Dieu est mort.
Il souffre du même genre de faiblesse qui afflige nombre des évêques et des cardinaux les plus conservateurs de l'époque, et qui, je suppose, est provoqué par des années de vœux pieux, et de décennies passées à nier l'évidence, et où un Concile Vatican II imaginaire a dû éclipser celui qui déchirait clairement l'Église.
Et ainsi, pour les rares hommes qui admettront au moins qu'il y a un problème, c'est toujours la faute des évêques ou du «Concile des médias» ou du «Concile virtuel». Mais le Concile lui-même est irréprochable. Notre bien-aimé Cardinal Burke, semble-t-il, souffre d'une affliction similaire.
Ils s'en prennent à la Révolution sexuelle, aux mauvais évêques, aux prêtres rebelles - tout autre chose que le fait froid et dur que le problème fondamental dans l'Église aujourd'hui est la Révolution de Vatican II elle-même - une affaire désastreuse qui a provoqué la crise la plus dévastatrice de l'Église depuis la Révolte protestante.
Le Concile et son mauvais Esprit, avec sa Nouvelle Messe, ont décimé l'Église catholique, fait du sacerdoce une profession gay, vidé les séminaires et les bancs des églises, et ont fait plus pour discréditer l'Église catholique aux yeux du monde que tous les révolutionnaires protestants réunis.
Un Benoît XVI bien avancé en âge commence peut-être à abandonner l'espoir de sauver son précieux Concile. Je ne sais pas.... on ne le saura probablement jamais. Mais lisez sa lettre. Essayez de voir ce qu'il y a entre les lignes, puis décidez.
Nous avons tiré plusieurs citations de ces passages [extraits de la lettre, que je n'ai pas reproduits, ndt] qui, à tout le moins, ne ressemblent à rien de ce qu'aucun d'entre nous entendra jamais de la bouche du Pape François - des passages, soit dit en passant, qui rendent le dernier paragraphe de Benoît si étonnamment déroutant [en réalité, c'est une simple formule de politesse, comme nous l'avons déjà dit] qu'on se demande si l'homme est victime de chantage.
Quoi que vous en pensiez, priez pour Benoît XVI. Même son intervention mitigée montre clairement au lecteur attentif qu'ils se sont débarrassés de cet homme pour une raison. Il a besoin de nos prières, plus que de nos critiques et de notre dérision, de nos prières et de notre pardon pour avoir effectivement fui par crainte des loups.
Seuls Dieu et Joseph Ratzinger savent quels démons ont conspiré contre le 265e successeur de saint Pierre pour l'inciter à faire la chose désastreuse qu'il a faite.
Sa lettre inédite suit, encore une fois, avec des citations choisies pour attirer l'attention du lecteur sur le type d'observations qui étaient si évidentes par leur absence au Sommet de François sur les abus sexuels cléricaux en février dernier - un Sommet auquel j'ai assisté et peux donc témoigner de la façon dont François & Co a essayé avec assiduité d'éviter les conclusions mêmes que la lettre de Benoît, malgré ses lacunes évidentes, a maintenant mis en évidence.
Il ne fait guère de doute que François n'avait aucune connaissance de l'existence de cette lettre avant qu'elle ne soit publiée... sinon, sûrement, elle n'aurait jamais vu le jour.
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