Suite de l’analyse de The Wanderer sur les rumeurs de liquidation de Summorum Pontificum, qui met en perspective la gêne toute relative que représentent pour le Pape les inoffensifs amoureux de la « messe en latin » et la menace, bien réelle, des allemands progressistes, bien décidés à lui faire payer la facture de l’aide apportée pour son élection. Le blogueur argentin soupçonne dans sa gestion du « Parcours synodal » une manœuvre de François, qu’il n’hésite pas à comparer au « Parrain » don Corleone, immortalisé par Marlon Brando.

Le Parrain argentin

The Wanderer
Lundi 7 juin 2021

S’il n’était pas tragique et douloureux, le spectacle serait divertissant. Un nouveau chapitre du « Parrain », cette fois avec un Argentin dans le rôle principal et réalisé par on ne sait trop qui.
Commençons :

1/ Ces derniers jours, nous avons tous été raisonnablement inquiets de la possibilité que le pape François limite le motu proprio Summorum Pontificum. Une fois de plus, je répète ce que j’ai dit de nombreuses fois sur cette page : Bergoglio ne comprend pas la liturgie, et parce qu’il ne la comprend pas, il ne s’y intéresse absolument pas. En raison de sa formation et de la constitution de son intellect, il est incapable de percevoir la dimension surnaturelle de l’Église et le mysterium tremendum et fascinans que le culte liturgique exprime. Pour lui, l’Église n’est qu’un facteur de pouvoir destiné, au mieux, à maintenir un certain ordre social pour progresser vers une fraternité humaine plus ou moins universelle, tout cela, bien sûr, ad maiorem Dei gloriam. La liturgie est donc un luxe décadent et inutile, une perte de temps injustifiée. Et ce n’est pas une nouveauté de sa part : c’est ainsi qu’une bonne partie de la Compagnie de Jésus a toujours pensé (et pour preuve je renvoie les lecteurs à la très intéressante discussion sur la question entre le bénédictin Festiguére et le jésuite Navatel en 1913, que nous avons déjà commentée dans ce blog).

Par conséquent, Bergoglio ne peut pas comprendre que certains jeunes – prêtres ou laïcs – ou que des familles entières puissent avoir le goût de cérémonies longues et incompréhensibles en latin. C’est une anomalie; ils doivent forcément être malades, ou rigides, ou semi-pélagiens, mais ce ne sont pas des gens normaux. En tout cas, c’est l’objection que le pape François a avec les traditionalistes ; il n’y a pas de problème théologique ou idéologique derrière Bugnini (1). Et c’est la raison pour laquelle, tout au long de son pontificat, il ne les a pas inquiétés, bien au contraire, si l’on prend le cas de la FSSPX.

Quand le cardinal Braz de Aviz a déclaré il y a quelques semaines que François était inquiet parce qu’il voyait que de nombreux prêtres et religieux revenaient à des positions antérieures à Vatican II, il a dit ce que François lui-même lui a demandé de dire simplement pour la galerie (ou peut-on penser que le cardinal a commis une indiscrétion?), pour jeter un autre os aux progressistes, en particulier aux Allemands, qui sont son véritable problème (et nous avons déjà parlé de l’habitude de Bergoglio de jeter des os pour calmer les bêtes sauvages). Ou bien quelqu’un pense-t-il sérieusement que les amoureux de la tradition sont un problème pour Bergoglio? Nous sommes insignifiants, que nous le voulions ou non. Quand, au cours de la semaine dernière, le monde traditionaliste a annoncé qu’il se préparait à résister à la modification de Summorum Pontificum et a prévenu que « les tradi mordent », j’ai décidé, bien sûr, que je serais le premier à me manifester et que je le ferais avec enthousiasme, mais de façon réaliste, en quoi consisterait cette résistance ? Quelques feux d’artifice lancés à partir de blogs et de pages connexes, j’en ai peur, et pas grand-chose d’autre. Notre puissance de feu est nulle, et moins que nulle. Des cartouches à blanc, tout au plus.

Comme je l’ai écrit la semaine dernière, dans le pire des cas, et si le motu proprio était finalement limité de la manière dont cela a été divulgué, la situation ne changerait absolument pas: les instituts religieux célébrant la liturgie traditionnelle ne seraient pas touchés, et seuls les prêtres qui veulent célébrer publiquement la messe traditionnelle seraient tenus d’avoir la permission de leur évêque, ce qui était en fait déjà le cas. J’aimerais savoir combien de prêtres ont été encouragés à célébrer sans l’approbation préalable de leur ordinaire. Car la vérité est que sur ce point, le motu proprio a échoué : l’autorité d’exécution était l’ex-Commission Ecclesia Dei, mais elle n’avait aucun pouvoir de coercition pour faire appliquer la norme. Tout au plus, elle pouvait envoyer une note à l’évêque qui s’oppose à la célébration du rite traditionnel, mais pas plus que cela. Le pouvoir d’autoriser ou non le rite traditionnel, en fait, a toujours été du ressort de l’évêque diocésain.

2/ Comme je l’ai dit plus haut, le vrai problème de Bergoglio, ce sont les évêques allemands progressistes. Ils ont conduit la mafia qui l’a porté au pouvoir – de l’aveu même du cardinal Daneels – et lorsqu’ils ont voulu recouvrer la dette (sacerdoce féminin, mariage homosexuel et tant d’autres choses que nous connaissons déjà), ils se sont rendu compte que Bergoglio, comme l’Argentine, ne paie pas ses dettes. Ils ont donc décidé de la collecter eux-mêmes, et pour cela, ils ont constitué le fameux « chemin synodal de l’église allemande ». En termes créoles, ils ont mouillé l’oreille de Bergoglio (/ils ont titillé), et il a réagi. Et j’insiste, si l’Église n’était pas en jeu, ce serait un spectacle très amusant. Regardons simplement ce qui s’est passé la semaine dernière :

  • La réforme du Code de droit canonique a été publiée, elle inclut le canon 1379 : §3. Tum qui sacrum ordinem mulieri conferre attentaverit, tum mulier quae sacrum ordinem recipere attentaverit, in excommunicationem latae sententiae Sedi Apostolicae reservatam incurrit ; clericus praeterea dimissione e statu clericali puniri potest. Autrement dit, si un évêque confère le sacrement de l’ordre – y compris le diaconat – à une femme, il est excommunié, la femme est excommuniée et peut être expulsée de l’état clérical. C’est la peine la plus sévère que l’Église puisse infliger. Il s’agit d’une décision incontestable de Bergoglio, dont les destinataires sont plus que clairs : les évêques allemands, qui sont les seuls à avoir joué avec l’ordination de diaconesses, d’abord en Amazonie, puis dans leur propre pays. Et il suffit de voir à quel point les personnes concernées sont devenues furieuses.
  • b. Le 4 mai, le journal bavarois Augsburger Allgemeine a publié une nouvelle qui est passée inaperçue. En 2006, lorsque l’actuel cardinal Marx était évêque de Trèves, il a couvert un prêtre accusé de pédophilie, qui a finalement été condamné par la justice allemande il y a quelques semaines. Mgr Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande, et Mgr Ackermann, l’actuel évêque de Trèves, sont également impliqués dans cette affaire. Curieusement, il y a quelques jours, Marx a démissionné de son siège épiscopal et il ne serait pas étrange que dans les prochains jours les deux autres évêques fassent de même, et il est plus que probable que le cardinal Wölki, archevêque de Cologne, dans l’archidiocèse duquel une visite apostolique a été diligentée il y a dix jours par ordre du pape François, le fera également.

Est-ce une coïncidence si le pot aux roses est découvert en Allemagne précisément en ces jours de parcours synodal? C’est possible, mais il me semble plus probable qu’il s’agisse d’un coup de maître de Bergoglio, qui en quelques semaines peut faire le ménage parmi les dirigeants de l’église allemande, réduisant ses vrais ennemis à néant, et faisant du parcours synodal une simple trace ou à peine une empreinte. Une stratégie typique de Corleone ou, du moins, d’un politicien argentin qui a bien appris les leçons de son maître le général Juan Domingo Perón.


(1) Annibale Bugnini (1912-1982) fut le principal organisateur de la réforme liturgique de Vatican II. (ndt)

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