The Wanderer revient sur son billet du 28 février, que j’avais traduit ici (Tristesse romaine), faisant état de l’hostilité de plus en plus répandue dans les milieux romains envers le pape François. Il témoigne de sa surprise pour le « succès » de l’article, et pour la circonstance inédite des nombreux commentaires issus des milieux progressistes: nous parlons de catastrophe, eux de printemps. C’est nous qui avons raison, dit-il, même si les statistiques SEMBLENT nous donner tort. Envers et contre tout, le « petit troupeau » humilié et ridiculisé, annoncé dans la « prophétie de Ratzinger » est encore vivant.

Et ecce vivimus (*)

(*) Allusion à la deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens (6; 9): « quasi morientes et ecce vivimus » (on nous croit mourants, et nous sommes bien vivants)

caminante-wanderer.blogspot.com/2023/03/et-ecce-vivimus.html

L’article que j’ai publié lundi dernier [caminante-wanderer.blogspot.com/2023/02/tristezas-romanas, on pourra consulter aussi les nombreux commentaires, ndt], dans lequel je résumais les informations discutées depuis des années sur des sites internet, et que j’ai pu vérifier personnellement, sur l’atmosphère qui règne au Vatican en raison du style de gouvernement tyrannique qu’y exerce le pape François, a suscité beaucoup plus de répercussions que prévu.

Il a été traduit en plusieurs langues et publié sur des sites importants, comme cela avait déjà été le cas pour d’autres articles.

Mais cette fois-ci, les visites ont explosé et, plus surprenant, de nombreux commentaires progressistes ont commencé à affluer.

Dans ce coin de la blogosphère [la tradisphère, ndt], les commentateurs sont tous du même avis, même si des nuances apparaissent et que des discussions intéressantes s’ensuivent. Mais les modernistes ne se sont jamais manifestés. Cette fois-ci, ce fut différent. J’ai posté plusieurs commentaires et j’en ai supprimé beaucoup d’autres. Un vieux jésuite colombien a même commenté, célébrant le pontificat franciscain comme le grand printemps de l’Église !

Cela m’amène à une réflexion. Le fait est que chaque groupe voit des choses différentes : nous, la catastrophe de l’Église ; eux, le printemps, qui arrive avec un certain retard.

Alors, ou bien il y a deux réalités qui se superposent, ou bien, si la réalité est unique, il y a un secteur qui a raison et un autre qui a tout faux.

Nous sommes sûrs d’être dans la première, tout en reconnaissant que l’autre est la plus nombreuse et la plus puissante. Nous qui voulons garder la foi de l’Église telle que nous l’avons reçue de nos pères et telle que les apôtres l’ont enseignée et, avec elle, préserver le culte dû à Dieu, nous sommes une très petite minorité.

Il y a quelques semaines, une estimation intéressante a été publiée : sur le groupe déjà restreint des fidèles qui pratiquent la religion, seuls 4 % sont d’une certaine façon traditionalistes. Si nous devions appliquer un critère quantitatif et démocratique, il serait hautement improbable que ce soit le groupe des dépossédés, des marginaux, des chiens galeux, qui ait raison.

Il est vrai que l’on pourrait introduire un critère qualitatif dans ces chiffres et l’on verrait, par exemple, que ce pourcentage correspond aux fidèles laïcs. Dans le groupe des séminaristes et des jeunes prêtres, la proportion de traditionalistes est beaucoup plus élevée. En Europe et aux Etats-Unis, par exemple, les séminaristes issus de cercles traditionalistes représentent une part significative de l’ensemble et, en outre, ceux qui étudient dans des séminaires « normaux » mais qui ont des sympathies pour le traditionalisme sont également nombreux.

Cela fera probablement une différence dans un avenir à moyen terme, mais il n’en reste pas moins que nous sommes aujourd’hui une infime minorité, et que les bouledogues romains continuent à nous mordre rageusement chaque fois qu’ils le peuvent.

Logiquement, le découragement s’empare de beaucoup, et cela se voit aussi. C’est la lassitude d’une lutte longue et épuisante et le sentiment déchirant d’être orphelin qui nous accompagne depuis des décennies et que nous avons intégré.

Historiquement, nous pouvons trouver un nombre infini de persécutions de communautés chrétiennes bien plus cruelles et douloureuses que celle que nous subissons. Ce que nous vivons est à peine une égratignure par rapport à ce que les catholiques français ont subi dans la période post-révolutionnaire, ou les Russes pendant la domination soviétique, ou les Mexicains ou les Espagnols pendant les guerres civiles. Et je ne parle que des événements les plus récents.

Cependant, bien qu’ils aient été contraints de fuir, d’abandonner leurs biens et leurs familles, d’affronter quotidiennement la mort et, dans de nombreux cas, de renoncer à leur vie, ils ont eu la consolation d’un père qui, au loin, les a confirmés dans leur témoignage. Ceux qui les persécutaient étaient clairement les ennemis du Christ et de son Église, cela ne faisait aucun doute ; et ils savaient que leurs frères et sœurs catholiques du village voisin et du monde entier étaient avec eux, ainsi que, surtout, les évêques, avec le Pape à leur tête. Tous les confirmaient dans la foi ; ils leur donnaient la certitude intérieure que le sacrifice qu’ils faisaient avait un sens et que, vraiment, ils étaient du côté des agneaux et que ceux qui les attaquaient étaient les loups qui rôdent toujours autour du troupeau.

Notre persécution n’est pas sanglante. Personne ne nous demande notre vie ou nos biens. Cependant, non seulement nous n’avons pas le réconfort de ceux qui nous ont précédés dans le témoignage, mais ceux qui nous persécutent sont les « bons » qui ont rejoint les « mauvais ». La plupart du troupeau et de ses bergers ont rejoint les loups, presque jamais par méchanceté, mais par distraction, par habitude grégaire et confortable de suivre le groupe majoritaire. Seul un petit troupeau erre dans les pâturages, et ceux qui l’attaquent sont ses compagnons, d’autres brebis avec lesquelles il partageait le même troupeau. Les loups, de loin, regardent et rient, attendant le moment du festin.

Laissons tomber les métaphores. Nous sommes orphelins, voilà la réalité. Et notre condition d’orphelin s’applique aux laïcs mais aussi à une multitude de prêtres qui sont quotidiennement persécutés, humiliés, maltraités et annulés par leurs évêques pour le seul fait de vouloir être fidèles à l’intégrité de la foi apostolique. Et la vie de ces pauvres prêtres n’est pas facile et pourtant ils résistent « sicut Dei ministros in multa patientia » (II Cor. 6,4) [« nous recommandant comme serviteurs de Dieu, en grande patience… »]. Nous avons entendu ce texte paulinien la semaine dernière, dans l’épître du premier dimanche de Carême. Et un peu plus loin, il dit : « quasi morientes, et ecce vivimus » [« Comme si nous mourions, et voici que nous vivons »].

Il semble que l’apôtre ait écrit ces mots pour nous. Nous, les chiens de l’époque post-conciliaire, nous sommes comme des mourants, et nous sommes découragés parce que nous nous percevons souvent dans une agonie finale et inutile, mais ecce vivimus. Oui, nous sommes vivants. Telle est la réalité, et je crois que nous ferons partie de ce petit groupe – celui dont Benoît XVI a parlé dans sa « prophétie » [ndt; cf. Ecole Razinger, La prophétie de Ratzinger. Révision] – vers lequel, à un moment donné, les peuples du monde se tourneront pour demander, comme la Samaritaine à Notre Seigneur, de lui donner l’eau qu’elle gardait précieusement dans les cruches que le monde et cette Église ont préféré jeter par-dessus bord alors qu’ils dansaient ivres sur le pont d’un navire qui a déjà commencé à sombrer.

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