Les « minimiseurs » dont je parlais hier vont pouvoir ricaner tout leur saoul, au moins pour cacher leur inquiétude – car la situation n’est pas aussi rose qu’ils veulent le faire croire pour le Pape et ses sponsors . Les deux cardinaux répètent fermement les vérités de la foi, rappelant que l’Eglise est une entreprise divine et que le Pape n’a pas tous les droits, face aux déformations que l’équipe au pouvoir essaie de lui faire subir, et critiquent l’organisation du synode. Ici, ils s’exprimaient (séparément) au micro de Raymond Arroyo, dans l’émission très regardée de la chaîne catholique américaine EWTN. Compte rendu de Luisella Scrosatti

Burke et Müller : « L’Esprit Saint ne peut se contredire ».

Luisella Scrosatti
La NBQ
7 octobre 2023

Les deux cardinaux répondent « présent » aux tentatives de déformation de la doctrine de l’Eglise et renvoient les accusations d’atteinte à l’unité : ce qui unit, c’est l’enseignement et la réaffirmation de la vérité.

Les cardinaux Raymond L. Burke et Gerhard Müller ont répondu « présent » aux nouveaux assauts contre la doctrine et la discipline de l’Église catholique.

Les deux cardinaux ont pris la parole lors de l’émission The World Over, diffusée le jeudi 5 octobre par la chaîne catholique américaine EWTN, pour réaffirmer fermement la doctrine de la foi et exhorter tous les catholiques à rester fermes et à demeurer dans l’unique Église du Christ.

Les deux premiers gestes du nouveau préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, c’est-à-dire la publication de la lettre du pape François à la première version des dubia de cinq cardinaux et sa réponse aux questions du cardinal Dominik Duka sur Amoris Lætitia, contredisent l’enseignement constant de l’Église sur au moins un point capital : le mal intrinsèque de la sexualité exercée en dehors du mariage légitime. Ces actes portent la signature ex audientia [après une audience avec le Pape du prélat qui l’a soumis) de François, mais la formule habituelle n’y figure pas : « Le Souverain Pontife N.N., le …, a approuvé cette Lettre (ou Instruction/Décret/Note, etc.) et en a ordonné la publication ». Le détail est notable et confié à la réflexion des canonistes.

De fait, le pape François contredit tout d’abord le Responsum du 22 février 2021, dont il avait lui-même autorisé la publication, en confiant à la « prudence pastorale » des ministres le soin de « discerner de manière adéquate s’il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage ». Ainsi, selon lui, il serait possible de bénir des unions non maritales, hétéro ou homo, à condition qu’il n’y ait pas de confusion entre ces unions et le mariage. Il est clair qu’il ne s’agit pas ici de bénir des personnes seules, mais des relations, des unions ou des pseudo-mariages, peu importe.

Exactement le même jour, le 2 octobre, Fernandez a également publié sa réponse à certaines questions du cardinal Duka, affirmant explicitement ce qui avait été confié à une note dans Amoris Lætitia : François « permet dans certains cas, après un discernement adéquat, l’administration du sacrement de réconciliation même si l’on n’est pas en mesure d’être fidèle à la continence proposée par l’Église ». Et un peu plus loin, il a rappelé que « Amoris Lætitia ouvre la possibilité d’accéder aux sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie quand, dans un cas particulier, il y a des limitations qui atténuent la responsabilité et la culpabilité ».

Cardinal Burke

Le cardinal Burke, au micro d’EWTN, a d’abord expliqué la raison de ces nouveaux dubia :

« Nous avons soumis ces questions parce qu’il s’agit de points fondamentaux de l’enseignement et de la discipline de l’Église (…) qui ont été remis en question par les documents synodaux eux-mêmes, mais aussi par ceux qui conduisent le processus synodal ».

Leur deuxième version a été déterminée par le fait que le Pape « n’avait pas répondu à nos questions ». Les dubia sont une demande au successeur de Pierre de « nous confirmer dans la foi catholique ». Ils ne constituent pas une attaque contre le pape, mais « une aide pour lui permettre d’exercer sa grave fonction dans un moment de grande difficulté ».

Burke considère comme une « absurdité » l’accusation selon laquelle le fait de soumettre des questions au pape constitue une atteinte à l’unité de l’Église. C’est plutôt le contraire. « L’enseignement de la vérité est ce qui unifie l’Eglise ». C’est pourquoi il faut répéter qu’ « on ne peut pas bénir des actes peccamineux, on ne peut pas bénir des relations qui en elles-mêmes impliquent des actes intrinsèquement mauvais. Il n’est pas possible de bénir ces unions de quelque manière que ce soit ».

« Jésus a promis qu’il « resterait dans l’Église jusqu’à la fin du monde ». Nous devons le croire. Nous devons seulement être des collaborateurs fidèles, des soldats, des défenseurs des vérités de la foi. Ce sont ceux qui nient ces vérités de la foi qui tombent dans le schisme. C’est très triste, mais il faut le dire ».

A ceux qui vivent avec douleur le fait que c’est le Pape lui-même qui permet ce qui n’est pas permis, le Cardinal Burke adresse une exhortation paternelle :

« Restons avec le Christ dans l’Eglise. Même si c’est le Pape qui défend ce qui est faux, défendons la vérité (…). Croyons que le Seigneur mène tout à bonne fin. En attendant, la souffrance est terrible ; je ne sous-estime pas la souffrance des catholiques ; je ne sais pas si je suis un bon catholique, mais moi aussi je souffre. Mais nous devons faire confiance au Seigneur, rester avec Lui, ne pas aller ailleurs ».

Et il donne l’exemple de la force d’âme de saint Athanase, qui a dû subir toutes sortes de punitions et de sanctions pour défendre la foi. « Nous devons nous aussi être prêts à le faire », a déclaré le cardinal.

En ce qui concerne les modifications de la nature du Synode, l’ancien préfet du Tribunal de la Signature Apostolique a déclaré qu’elles « portent atteinte à la nature de l’Église, en tant que communion hiérarchique », telle qu’elle a été exprimée par le Concile Vatican II. Dans l’état actuel des choses, le Synode « n’est qu’un instrument pour faire avancer cet agenda (…). Ils veulent détruire l’Église ; ils ne l’emporteront pas, mais nous devons faire de notre mieux pour arrêter tout cela ».

Burke a ensuite mis en garde contre l’appel constant à l’Esprit Saint dans les décisions de ce Synode. L’Esprit Saint « est le même qui a inspiré l’Église pendant deux mille ans et qui ne se contredit pas. Il ne peut pas avoir inspiré pendant deux mille ans que quelque chose est mauvais, et maintenant inspirer que c’est bon ».

Cardinal Müller

Dans son discours, [le cardinal Müller], l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi a clairement indiqué que le fait de permettre aux laïcs d’avoir le droit de vote « a changé la nature de ce synode », le rendant « simplement une assemblée d’évêques, de prêtres, de religieux et de laïcs (…) personne ne sait ce que signifie le fait de permettre aux laïcs de voter également, parce que la nature de cette assemblée a changé ».

La récente déclaration du cardinal Fernández concernant une prétendue « doctrine du pape » a été rejetée par le cardinal Müller :

« Il n’y a tout simplement pas de doctrine du pape ; dans l’Église, il n’y a que la doctrine de Jésus-Christ et des apôtres (…). Le pape et les évêques promeuvent cette doctrine, mais ils n’ont pas de doctrine propre ». Certes, « le Pape jouit d’une autorité particulière, selon la foi catholique, mais il ne reçoit aucune révélation nouvelle, donnée une fois pour toutes en Jésus-Christ. C’est pourquoi l’idée formulée par le nouveau préfet est une idée nouvelle, que je n’ai jamais entendue auparavant ».

Müller a également évoqué le traitement brutal que certains évêques catholiques reçoivent du pape, comme l’évêque de Tyler, Mgr Strickland, alors que les auteurs d’abus sexuels, comme le père Marko Rupnik, bénéficient de sa protection :

« L’évêque n’est pas un délégué du pape. Le pape ne peut intervenir qu’en cas de problèmes graves de nature morale ou doctrinale… il est dommage que de bons évêques orthodoxes soient soumis à cette pression et que d’autres, qui font beaucoup de choses répréhensibles et sont hétérodoxes, bénéficient d’une grande tolérance de la part de Rome ».

Le cardinal allemand a également commenté la réponse du nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi au cardinal Duka :

« Dans les commandements de l’Ancien et du Nouveau Testament, il est très clair que tout comportement sexuel en dehors du mariage légitime est un péché mortel. Cela ne peut pas changer : c’est la parole de Dieu. Cette déclaration ne va pas seulement à l’encontre des documents antérieurs des papes et des conciles, mais s’oppose directement à la parole de Dieu. Le Concile Vatican II a rappelé que « le Magistère n’est pas supérieur à la parole de Dieu ». Ni le pape ni personne d’autre dans l’Église n’a le pouvoir de relativiser les commandements de Dieu ».

L’ouverture de Fernández reprend l’ « éthique de situation », déjà condamnée. Müller conclut:

« Nous ne pouvons pas relativiser la parole de Dieu avec une soi-disant éthique de situation, qui se rapporte à nos conditions subjectives et non aux conditions objectives des sacrements »

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