Le mois dernier, dans un énième volet de la rubrique « Benoît XVI n’est pas oublié », nous avions parlé d’une conférence qui devait se tenir à Mantoue, sur le thème « La pensée de Joseph Ratzinger et le magistère de Benoît XVI. Témoignages de ceux qui l’ont connu personnellement », avec comme intervenants principaux le cardinal Müller (qui s’affirme de plus en plus comme l’héritier numéro 1), le sénateur Marcello Pera, et Ettore Gotti Tedeschi, l’ex-directeur de l’IOR (2009-2012; il fut associé à la rédaction de Caritas in Veritate). La conférence a bien eu lieu le 21 octobre, et un lecteur du blog de Marco Tosatti a eu la bonne idée de prendre des notes et de faire un résumé de l’intervention de ce dernier (avec peut-être une petite pique adressée à François…).

(…) un document du Magistère doit être « dans le temps » mais aussi nécessairement « hors du temps ».
En d’autres termes, il doit être lié à la réalité et non abstrait, mais il doit également se référer à des vérités éternelles.
(…)
Un document papal magistériel doit s’attaquer aux causes des vrais problèmes, et pas seulement aux effets.
Et le pape Ratzinger, un thomiste-aristotélicien, dans ses documents, part toujours des causes des problèmes qu’il aborde, en donnant toujours des indications qui ne sont ni confuses ni interprétables. Il ne provoque certes aucun doute chez ceux qui les lisent. 

J’étais présent à la Conférence qui s’est tenue à Mantoue le samedi 21 octobre, en présence de S.E.R. le cardinal Gerhard Müller, l’ancien président du Sénat Marcello Pera, l’ancien président de l’IOR Ettore Gotti Tedeschi et, en visioconférence, le président de la Chambre des députés Lorenzo Fontana.

.

Le titre : « La pensée de Joseph Ratzinger et le magistère de Benoît XVI. Les témoignages de ceux qui l’ont connu personnellement ».

.

Je n’ai enregistré qu’une partie des discours. Je retranscris un résumé des propos de Gotti Tedeschi.

.

J’ai rarement entendu, concentrées en quelques heures, quatre interventions de ce niveau. Les quatre discours ont été extraordinaires, celui du cardinal Müller, de Marcello Pera, la courte vidéo de Fontana et celui de Gotti Tedeschi, que je résume ci-dessous. J’espère que l’organisateur publiera les actes de la conférence, ce qui donnerait un livret extraordinairement intéressant et utile pour comprendre ce qui se passe dans ce que nous avons l’habitude d’appeler la « Civiltà Cattolica ».

*

Source: https://www.marcotosatti.com/2023/11/01/benedetto-xvi-ultimo-difensore-della-civilta-cattolica-ettore-gotti-tedeschi

(d’après) Ettore Gotti Tedeschi

J’ai rencontré le cardinal Ratzinger en octobre 2004, nous avons parlé de la mondialisation. Bien que j’en sois un spécialiste depuis des décennies, j’ai vraiment compris ce qu’était la mondialisation en étudiant les questions du cardinal Ratzinger et en réfléchissant aux réponses. C’était sa première Lectio, une Lectio privée.

Les suivantes l’ont été en tant que pontife, en raison du privilège qu’il m’a accordé d’essayer de servir l’Église.

J’ai alors compris que le véritable économiste ne pouvait être qu’un Saint. Car seul un Saint Père connaît les « vrais besoins de l’homme », qui doivent être satisfaits. A tel point que je me suis permis de proposer Joseph Ratzinger pour le prix Nobel, mais Nobel justement pour l’économie.

Mais ce monde, du moins celui qui décerne ce prix, préfère récompenser ceux qui expliquent comment traiter les effets, et non les causes, des grands problèmes que l’humanité endure, sans même les comprendre vraiment.

La pensée d’un Pontife, qu’on peut comprendre dans son Magistère, devient impact sur la Civilisation elle-même parce qu’elle contribue à la former, à la confirmer ou à la modifier. La civilisation occidentale étant chrétienne (peu importe qu’on l’accepte ou qu’on le nie), le magistère d’un pontife a toujours affecté le monde entier qui bénéficie directement ou indirectement des valeurs inhérentes à cette civilisation.

Ayant eu le privilège de pouvoir proposer quelques réflexions au Saint-Père dans la rédaction de Caritas in Veritate, une encyclique sociale fondamentale sur la mondialisation, j’ai été obligé de réfléchir sur le fait qu’un document du Magistère doit être « dans le temps » mais aussi nécessairement « hors du temps ».

En d’autres termes, il doit être lié à la réalité et non abstrait, mais il doit également se référer à des vérités éternelles.

La preuve en est que l’encyclique a été publiée deux ans plus tard que prévu (c’est-à-dire en 2007, année du 40e anniversaire de Populorum Progressio de Paul VI, 1967) ; elle a été publiée en 2009, afin d’être « dans le temps », car c’est en 2007 que la crise financière a éclaté et qu’elle a touché le monde entier.

Cela doit nous faire réfléchir à l’importance de l’époque à laquelle un pontife dirige l’Église du Christ. Et les temps de Benoît XVI doivent être compris avec une vision naturelle et surnaturelle.

C’était l’époque de l’échec d’un processus de mondialisation mal conçu, mal géré et mal « réinitialisé », dans le but de résoudre les effets et non les causes.

Un document papal magistériel doit s’attaquer aux causes des vrais problèmes, et pas seulement aux effets.

Et le pape Ratzinger, un thomiste-aristotélicien, dans ses documents, part toujours des causes des problèmes qu’il aborde, en donnant toujours des indications qui ne sont ni confuses ni interprétables. Il ne provoque certes aucun doute chez ceux qui les lisent. Au contraire, je dirais que les messages de Caritas in Veritate étaient si clairs qu’ils ont même été considérés comme une sorte de Syllabus du XXIème siècle, générant une réaction à certains égards comparable (j’ai dit ‘comparable‘…) à la signification de la brèche de Porta Pia [28 septembre 1870. Ultime étape du processus d’Unification italienne avec la prise de Rome, sanctionnant la fin le pouvoir temporel des Papes- ndt] pour Pie IX…

(…)

Je considère Benoît XVI comme le dernier grand défenseur de la « Civiltà Cattolica », et je condense cette déclaration en deux considérations finales pour la réflexion.

Premièrement, il conclut Caritas in Veritate en affirmant que les crises ne sont pas résolues en changeant les outils, mais en changeant le cœur de l’homme.

Deuxièmement (dans ce qui lui est attribué dans Lumen Fidei), il affirme que la responsabilité de changer le cœur de l’homme incombe à l’Église, qui dispose de trois instruments pour ce faire : la prière, le magistère et les sacrements.

Share This