On peut s’étonner (comme le fait ici Phil Lawler, rédacteur en chef du site CatholicCulture.org) que la rencontre récente du pape avec des membres d’un groupe impliqué dans le « dialogue » entre catholiques et marxistes ait suscité dans le monde catholique plus de protestations que son message d’encouragement adressé au World Economic Forum lors de la rencontre annuelle de Davos. Le pouvoir de nuisance des premiers appartient plus ou moins au passé (même s’il subsiste sous d’autres formes), tandis que le WEF est une menace bien réelle pour la liberté ici et maintenant.

De nouvelles formes de gouvernement, un nouvel ordre économique : telles sont les ambitions du WEF. Il est effrayant de voir ces idées approuvées sans esprit critique par le Vatican.

Le périlleux enthousiasme du Vatican pour le WEF

Phil Lawler
www.catholicculture.org
31 janvier 2024

Lors d’une audience privée le 10 janvier, le pape François a offert ses encouragements à un groupe dédié au dialogue entre chrétiens et marxistes. Cette rencontre, et les remarques du pape au groupe, ont troublé les catholiques qui gardent encore un vif souvenir de la guerre froide et de la lutte mondiale contre un empire soviétique agressif et inhumain – un empire fondé sur l’idéologie marxiste [cf. François tend la main aux communistes].

Mais la semaine suivante, le pape s’est adressé à un autre groupe qui semble vouloir établir une hégémonie mondiale : le Forum économique mondial (WEF). Là encore, ses remarques étaient entièrement encourageantes. La réunion du WEF à Davos, a-t-il déclaré, « offre une occasion importante pour un engagement multipartite afin d’explorer des moyens novateurs et efficaces de construire un monde meilleur. »

Au cours de la première de ces rencontres, le pape avait évoqué les « grandes dictatures » du 20e siècle, décriant le traitement qu’elles réservaient à « ceux qui étaient les plus vulnérables ». Mais dans ce contexte, il n’avait mentionné que le nazisme ; il n’avait pas parlé de la liquidation stalinienne des koulaks, ni de la famine provoquée par l’homme qui a tué des millions de personnes en Chine pendant le Grand Bond en avant de Mao. S’adressant à un auditoire concerné par le marxisme, il n’avait pas mis en garde contre les excès historiques de l’idéologie marxiste.

Après quoi, dans son message au WEF, le pape n’a pas suggéré que les personnalités politiques riches et puissantes qui se sont réunies à Davos freinent leurs ambitions. Au contraire, il a parlé d’un « besoin évident d’une action politique internationale qui, par l’adoption de mesures coordonnées, puisse poursuivre efficacement les objectifs de la paix mondiale et d’un développement authentique ». A Davos, le pape n’a envoyé qu’un message vidéo, mais le cardinal Peter Turkson y était en personne, encourageant le WEF à promouvoir un nouvel ordre économique international.

Franchement, je suis surpris que le message d’encouragement du pape à un groupe d’universitaires, engagés dans des discussions abstraites sur le marxisme et le christianisme, ait suscité plus de protestations que ses remarques de soutien au WEF, qui, en 2024, représente un danger bien plus clair et présent pour la cause de la liberté.

Dans son discours à Davos, le cardinal Turkson a approuvé la volonté du WEF d’instaurer un “stakeholder capitalism” [capitalisme des parties prenantes »]. Ce terme décrit un système économique dans lequel les entreprises sont tenues de prendre en compte non seulement les intérêts de leurs actionnaires, mais aussi ceux de tous ceux qui ont un intérêt dans le travail de l’entreprise, y compris les employés et les communautés dans lesquelles les entreprises sont basées. Le cardinal Turkson a estimé qu’il était « impératif que les entreprises contribuent à la société au-delà de la maximisation de leurs propres profits. »

À première vue, le concept de “stakeholder capitalism” semble simple et attrayant : les entreprises doivent se comporter comme de bons citoyens. Mais QUI décide comment un « bon citoyen » doit agir ? QUI décide quels groupes d’intérêts ont un « intérêt » légitime dans une entreprise ?

Le WEF a des réponses à ces questions : des réponses qui ne sont pas fournies par un processus démocratique mais par les discussions entre élites lors de conférences internationales. Le WEF soutient les efforts visant à lutter contre le changement climatique, à prôner la diversité et l’inclusion, à promouvoir des opinions « éclairées ».

La grande absente de l’agenda du WEF – et, malheureusement, des interventions du pape François et du cardinal Turkson – a été la discussion sur les principes traditionnels de l’enseignement social catholique [/la doctrine sociale de l’Eglise]. Les puissants personnages présents à Davos n’ont pas parlé du salaire minimum vital, ni de la préservation des familles, ni de la dignité de la personne humaine, ni de l’éducation à la vertu.

Ce que le WEF devrait entendre de la part de l’Église catholique n’est pas un message de soutien, mais un défi. Ironiquement, à Davos, ce défi a été lancé par le président argentin Javie Milei, un adversaire de l’Église catholique, qui a dénoncé le « programme d’avortement sanglant » et la tentative de freiner la croissance démographique. Milei a observé avec justesse que le WEF était tombé sous le charme des marxistes qui gagnaient du pouvoir « en s’appropriant les médias, la culture, les universités et aussi les organisations internationales. »

Le WEF se concentre sur les questions mondiales, mais ignore en général les coûts potentiels pour les communautés locales – comme par exemple les coûts d’absorption des migrants. La foule de Davos proclame son engagement en faveur de la démocratie, mais son président, Klaus Schwab, n’est pas élu, tout comme bon nombre de ses participants les plus influents.

Le groupe prétend parler au nom des pauvres, mais dans la pratique, il penche vers l’objectif d’une croissance démographique zéro, éliminant ainsi la pauvreté en éliminant les pauvres. Le WEF dénonce la consommation excessive, mais ses dirigeants globe-trotters se rendent dans des centres de villégiature huppés et dînent dans des restaurants de luxe tout en suggérant des politiques agricoles restrictives qui rendent les aliments plus chers. La foule de Davos professe son respect pour les cultures indigènes, mais il est évident que la culture chrétienne traditionnelle de ses fondateurs européens ne compte pas.

En effet, la manifestation religieuse la plus mémorable de la conférence de Davos a eu lieu lorsqu’une chamane brésilienne, la cheffe [en jargon féministe: chieftess en anglais] indigène d’Amazonie Putanny Yawanawá a exécuté un rituel païen pour invoquer le pouvoir de ses « esprits » sur les travaux de la conférence. Elle n’a pas hésité à injecter un élément religieux dans les débats, et les riches et les puissants ne se sont pas opposés à sa prière publique.

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Peu après la réunion de Davos, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une campagne médiatique pour la ratification d’un traité mondial de lutte contre les pandémies. Et quelques jours plus tard, lors d’un discours à l’Académie pontificale pour la vie, le pape François a signalé son soutien en disant : « après l’expérience de la pandémie [de Covid], nous avons vu combien il est important de fournir des formes de gouvernance qui vont au-delà de celles dont disposent les nations individuelles. »

De nouvelles formes de gouvernement, un nouvel ordre économique : telles sont les ambitions du WEF. Il est effrayant de voir ces idées approuvées sans esprit critique par le Vatican.

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