La rumeur sur la prochaine nomination (on n’ose pas dire promotion!) du secrétaire de Benoît XVI comme titulaire d’une nonciature non encore précisée, lancée – non sans probables arrière-pensées – par une journaliste de la Bergoglio Team et reprise par la revue des jésuites américains présente toutes les caractéristiques d’un « coup » médiatique. Giuseppe Nardi souligne l’incohérence du timing avec les récentes attaques contre Georg Gänswein dans El Sucesor. S’agit-il d’une opération de rééquilibrage décidée en catastrophe sur les conseils de spîn doctors? Ou d’un « cadeau » empoisonné? On parle en effet d’une nomination à ,Vilnus, alors que la Lituanie est « sur le front de la nouvelle guerre froide », et qu’un non-diplomate pourrait s’y trouver dans une position très délicate? En tout cas…

François ne réhabilite personne qu’il a un jour identifié comme adversaire.
Au contraire, il a, comme on dit en Argentine, sa manière bien à lui de « rôtir au feu » ses adversaires.

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Mgr Gänswein est-il déjà promu nonce ?

LES RUMEURS LANCÉES PAR SAINTE-MARTHE

Giuseppe Nardi
13 avril 2024

Wird Msgr. Georg Gänswein nun doch Apostolischer Nuntius? Die Rede ist von Litauen. Zweifel sind angebracht. Ob so oder so spielt Santa Marta sein eigenes Spiel...
Mgr Georg Gänswein sera-t-il finalement nonce apostolique ? Il est question de la Lituanie. Le doute est permis. Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, Santa Marta joue son propre jeu…

Dans une récente interview accordée au quotidien espagnol ABC et dans un livre d’entretiens, le pape François avait passablement exagéré sa relation avec Benoît XVI. Il s’en est notamment pris avec une dureté étonnante à Mgr Georg Gänswein, secrétaire historique de Benoît XVI, alors qu’il l’avait de toute façon déjà démis de ses fonctions de préfet de la Maison pontificale début 2020 et même éloigné du Vatican l’année dernière.

Apparemment, quelqu’un a attiré l’attention du chef de l’Eglise sur le fait que cette attaque n’avait pas seulement étonné, mais aussi perturbé beaucoup de monde. L’équipe de choc de journalistes qui entoure François s’efforce désormais de contrecarrer ce phénomène afin de rétablir l’image « juste » de la papauté.

C’est Elisabetta Piqué, vaticaniste du quotidien argentin La Nación et amie personnelle du pape, qui a ouvert le bal. Se référant à des rumeurs « circulant au Vatican », elle a affirmé que François voulait rappeler Gänswein, 67 ans, au service actif et le nommer nonce apostolique. La nouvelle a immédiatement fait le tour du monde. Mais qu’en est-il de cette affaire ? A Rome, on ne confirme ni n’infirme de source réellement informée.

L’éloignement de Rome de Gänswein

A la fin de l’année 2022, Benoît XVI mourait à un âge avancé. Les inamitiés papales autour de la messe de requiem et de l’enterrement sont connues. Peu de temps après, des voix se sont élevées pour dire que François voulait éloigner du Vatican et de Rome le fidèle secrétaire de Benoît, qu’il n’appréciait guère.

Immédiatement après, en guise de contre-mesure de la part de la cour pontificale, la rumeur inverse s’est propagée : Gänswein allait être nommé nonce apostolique et chargé de la représentation diplomatique du Saint-Siège dans l’un des nombreux États avec lesquels celui-ci entretient des relations diplomatiques.

Si la première rumeur était vraie, la seconde n’était pas fondée. Cette dernière était une manœuvre de diversion, lancée à dessein pour rassurer, éviter trop d’agitation et faire en sorte que le départ effectif de Gänswein soit d’autant plus dur pour lui. Celui-ci a en effet été prié de faire ses valises et de retourner dans son diocèse d’origine en Allemagne, sans fonction ni mission. Là-bas, il a été accueilli de manière aussi peu amicale qu’il avait été complimenté à son départ de Rome : l’archevêché de Fribourg a fait savoir qu’il n’avait « aucune utilité » pour l’archevêque titulaire. Les choses en sont restées là.

Nouveaux coups, nouvelles rumeurs

Un an plus tard, des rumeurs de même nature circulent à nouveau. On parle à nouveau d’un mandat de nonce.

Mais pourquoi maintenant et pas déjà à l’époque ? Estime-t-on à Santa Marta que Gänswein a été suffisamment « purifié », c’est-à-dire « bergoglianisé », par les humiliations qu’il a subies ? Sans doute pas.

Selon Piqué, un « tournant » s’est produit lors de l’audience de fin d’année, quand Mgr Gänswein et les Memores Domini, les femmes consacrées qui avaient tenu la maison de Benoît XVI jusqu’à la fin, ont été reçus en audience par François pour le premier anniversaire de la mort de Benoît. A cette occasion, Mgr Gänswein, selon Piqué, s’est proposé pour un poste de nonce. Pour justifier sa décision, Piqué évoque le fait que Gänswein serait « mal à l’aise » d’être resté si longtemps sans mission. Cette description est-elle crédible ?

Récapitulons : Le 12 avril, l’amie du pape Piqué affirmait

  • Le 31 décembre dernier, lorsque Gänswein est venu au Vatican pour célébrer une messe à la mémoire de Benoît, François s’est approché du prélat allemand et l’a salué. Lors de l’audience qui a suivi, il aurait proposé à Gänswein de « collaborer ». Celui-ci aurait aussitôt accepté et se serait mis en lice pour la direction d’une représentation diplomatique.
  • Le dimanche de Pâques 31 mars, soit exactement trois mois plus tard, le quotidien espagnol ABC a publié l’interview de François par Javier Martínez-Brocal, dans laquelle le pape s’en prenait à Gänswein et se présentait comme le véritable, et peut-être le seul, ami de Benoît, tout en affirmant que ce dernier avait été abusé par d’autres, comme Gänswein par exemple.

La chronologie n’a tout simplement aucun sens, à moins que Sainte Marthe ne joue un jeu.

Le mari de Piqué, correspondant à Rome de la revue jésuite américaine America, a rapporté le même récit que celui diffusé auparavant par sa femme. En revanche, Javier Martínez-Brocal, le vaticaniste d’ABC dont l’interview du dimanche de Pâques avait lancé la récente controverse sur Gänswein, a apporté un complément. Hier, peu après Piqué, Martínez-Brocal a pu raconter ce qui suit

« Récemment, le pape lui [à Gänswein] a proposé une mission de nonce et lui a fourni trois destinations différentes afin qu’il puisse choisir celle qu’il préfère. Il est très probable qu’il sera nommé nonce dans une ambassade européenne et que sa nomination sera annoncée dès qu’il aura reçu l’accord de ce gouvernement ».

Un non-diplomate sur le « front » de la nouvelle guerre froide ?

Les médias italiens ont rapporté que Gänswein irait « quelque part dans le monde ». Le quotidien Il Giornale a contredit la thèse de la réhabilitation, mais a concrétisé cette information en citant des « indiscrétions » selon lesquelles Mgr Gänswein serait envoyé comme nonce en Lituanie. Le poste de l’ambassade y est vacant depuis que Mgr Petar Rajič, un diplomate canadien du Vatican d’origine croate, a été nommé le 11 mars par François comme nouvel ambassadeur en Italie et à Saint-Marin. M. Rajič avait auparavant été nonce en Lituanie pendant près de cinq ans.

Le Saint-Siège entretient à nouveau des relations diplomatiques avec la Lituanie depuis que le pays a retrouvé son indépendance après la fin de l’Union soviétique. Un nonce était déjà en poste dans la capitale lituanienne durant l’entre-deux-guerres. Mais lorsque les républiques baltes ont été annexées par l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale, celle-ci a dénoncé les accords correspondants.

Vilnius est actuellement considérée comme la « ligne de front » de la nouvelle guerre froide entre la Russie et l’Occident dominé par les Etats-Unis. Les dirigeants polonais et lituaniens sont particulièrement antirusses en raison de l’histoire des 200 dernières années et sont donc actuellement les alliés les plus actifs des puissances anglo-saxonnes sur le continent européen.

Certains s’efforcent actuellement de transformer la guerre froide en guerre chaude le long de ces lignes. Il semble pour le moins inhabituel que le Saint-Siège, dans une situation aussi délicate, puisse nommer un non-diplomate à un tel poste. Les diplomates du Vatican font en outre partie des piliers les plus solides du pontificat actuel et n’aiment pas, comme on le sait, que des « étrangers à la profession » soient nommés à leurs postes. L’indication selon laquelle Gänswein, en tant que préfet de la Maison pontificale, a acquis une grande expérience dans les relations avec les « puissants » de ce monde, n’est donc pas convaincante. Il existe toutefois déjà un précédent, celui d’un autre ancien secrétaire de Benoît XVI, qui a été nommé à la tête d’une commission d’enquête sur la corruption.

La nomination de Gänswein n’a pas encore eu lieu et tant que cela n’aura pas été fait, il est permis de douter du récent changement d’attitude de Sainte Marthe. Pourquoi le théâtre des 15 derniers mois si la réhabilitation de Gänswein devait suivre de cette manière ? Pourquoi les coups du dimanche de Pâques si la proposition de paix soi-disant « harmonieuse » et le souhait de « collaboration » ont déjà eu lieu le 31 décembre ?

Une nomination au poste de nonce, aussi fausse que soit la rumeur il y a encore un an, ne peut certes plus être totalement exclue selon des voix actuelles du Vatican. Mais les doutes l’emportent. Il faut toutefois exclure la version mise en circulation par Piqué et consorts. Il ne fait aucun doute non plus que si la nomination au poste de nonce devait effectivement avoir lieu, que ce soit en Lituanie ou ailleurs, François ignorerait systématiquement les rapports de Gänswein et surtout ses recommandations pour les nominations épiscopales.

François ne réhabilite personne qu’il a un jour identifié comme adversaire.

Au contraire, il a, comme on dit en Argentine, sa manière bien à lui de « rôtir au feu » ses adversaires.

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