Après l’exceptionnalité de François (le pape qui encourageait les fidèles à « mettre le bazar »), de Jean Paul II (qui rayonnait d’un charisme de rock star) et Benoît XVI (le plus grand théologien qui ait jamais occupé le Trône de Pierre), un pape « ordinaire » pourrait être une bénédiction. C’est du moins ce à quoi aspire Phil Lawler, après avoir observé le premier mois de Léon XIV.
Quand je dis que le pape Léon n’a pas les références intellectuelles de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, je ne veux pas lui manquer de respect ; très peu d’hommes les ont.
Il a montré une bonne compréhension des principes théologiques, mais n’a pas souhaité « repousser les limites ».
Son point fort, c’est le droit canonique : les règles qui régissent le bon fonctionnement de l’Église universelle.
Et n’est-ce pas ce à quoi nous aspirons aujourd’hui dans l’Église catholique, après des années de troubles et de divisions ?
Phil Lawler

Ce pontificat sera-t-il « ordinaire »?
Phil Lawler
www.catholicculture.org
10 juin 2025
[J’ai déjà eu l’occasion de souligner à quel point] Amoris Laetitia est une « aberration » par rapport au modèle d’enseignement papal.
Alors que je poursuis mes efforts pour discerner le type de leadership que le pape Léon XIV apportera à l’Église, il me vient à l’esprit que le pape François lui-même était une aberration. D’ailleurs, et pour des raisons très différentes, ses deux prédécesseurs immédiats l’étaient aussi. Nous devrions donc peut-être nous préparer à un pontificat « ordinaire ». Le problème, c’est que peu d’entre nous sont assez âgés pour savoir ce que cela signifie.
En ce qui concerne le pape François, il était évident dès le départ qu’il serait exceptionnel. Dès qu’il est apparu sur la loggia de Saint-Pierre dans sa simple soutane blanche, dédaignant les habits traditionnels du pape, il s’est distingué des autres pontifes. Son style populiste, son goût pour la polémique, ses critiques souvent acerbes : tout était surprenant. Nous n’avions jamais vu un tel comportement de la part d’un pape. De mémoire d’homme, il est difficile, voire impossible, d’imaginer un souverain pontife encourager allègrement les fidèles à « mettre le bazar » [fare casino].
Mais à sa manière, le pape Jean-Paul II était-il moins exceptionnel ? Il a lui aussi explosé sur la scène vaticane, affichant immédiatement le magnétisme personnel d’une rock star. Nous aurions pu nous attendre à un pape saint, voire à un érudit de premier ordre. Mais il était aussi un acteur talentueux, un linguiste, un athlète, un poète… Y avait-il quelque chose qu’il ne savait pas faire ? Avec sa maîtrise naturelle de toutes les scènes, il était le genre de leader qui n’apparaît sur la scène mondiale qu’une fois dans sa vie ; il serait stupide de penser que les autres papes en feront autant.
Puis vint le pape Benoît XVI, timide et réservé, à la personnalité radicalement différente de celle de son prédécesseur et ami. Le pape Jean-Paul II était naturel devant une foule nombreuse, tandis que le pape Benoît XVI aspirait à une retraite tranquille et érudite. Pourtant, lui aussi était unique en son genre. Nous attendons du pontife romain qu’il soit versé en théologie, mais nous ne pouvons raisonnablement pas nous attendre à ce qu’il soit, comme l’était incontestablement Benoît XVI, l’un des théologiens les plus remarquables de son temps, voire le plus grand théologien ayant jamais occupé le trône de Pierre. Les foules qui avaient commencé à se presser aux audiences papales sous Jean-Paul II ont continué à venir écouter Benoît XVI – peut-être moins bruyamment, mais reconnaissantes pour les leçons catéchétiques qui étaient des distillations limpides de profondes intuitions spirituelles. Encore une fois, il serait insensé de s’attendre à ce qu’un autre pape de notre vivant ait les mêmes dons.
Voici maintenant le pape Léon XIV, qui agit comme nous attendons d’un pape qu’il agisse : il porte les vêtements traditionnels, préside les rites liturgiques traditionnels, rencontre les dirigeants du monde et le grand public. Il est manifestement de nature à s’effacer, mais il semble s’adapter avec aisance à son nouveau statut de célébrité. Les foules de la place Saint-Pierre l’ont définitivement adopté, mais pas avec l’enthousiasme que suscitait le pape Jean-Paul II. Je pense qu’elles réagissent non pas à un charisme personnel, mais au charisme du vicaire de Pierre.
Lorsque je dis que le pape Léon n’a pas les références intellectuelles de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, je ne veux pas lui manquer de respect ; très peu d’hommes les ont. Il a montré une bonne compréhension des principes théologiques, mais n’a pas souhaité « repousser les limites ». Son point fort, c’est le droit canonique : les règles qui régissent le bon fonctionnement de l’Église universelle. Et n’est-ce pas ce à quoi nous aspirons aujourd’hui dans l’Église catholique, après des années de troubles et de divisions ? À sa manière, il a déjà démontré son talent pour désamorcer les tensions, pour démontrer et encourager la piété et, surtout, pour attirer l’attention sur les vérités simples et immuables du Credo.
Un mois s’est écoulé et le nouveau pape n’a rien fait d’extraordinaire. Et c’est très bien ainsi. Le devoir du Pape est de diriger la Barque de Pierre, pas de fournir le courant, et nous connaissons déjà la destination finale. S’il reste tranquillement à la barre, en ajustant le gouvernail de temps en temps (avec une application judicieuse du droit canon), nous pourrons nous rappeler à quel point une papauté « ordinaire » peut être une bénédiction.