Le documentaire réalisé par Vatican News, «León de Perú», voulait souligner une continuité de François l’Argentin à Léon XIV le Péruvien Mais surtout, il mettait en évidence un trait essentiel de la personnalité du nouveau pape: on ne peut pas comprendre Léon XIV si on ne connaît pas le Pérou.
Il y a un autre trait caractéristique, incontournable pour déchiffrer sa personnalité, et déjà relevé par le Wanderer: Léon XIV appartient à la génération du baby-boom. Il avait 10 ans quand Vatican II s’est achevé.
En d’autres termes, nous sommes arrivés à la troisième phase du Concile: l »Église est désormais « post-postconciliaire ».

L’une des questions que le Pape Léon devra trancher est celle de la forme extraordinaire de la Messe.

N’ayant que peu de souvenirs personnels, il est peu probable que l’ancienne messe le provoque d’une manière ou d’une autre.

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Il sera par contre confronté à un simple fait : la liturgie que le Concile a cru bon de réformer exerce un attrait inattendu sur les jeunes catholiques.

Cela indique que la réception des questions liturgiques par le Concile est incomplète et nécessite une réflexion théologique sérieuse avant toute nouvelle action déstabilisatrice du magistère papal.

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James F. Keating
first things

Pape Léon, un boomer catholique

James F. Keating
firstthings.com/pope-leo-catholic-boomer/
23 juin 2025

A l’instar des kremlinologues pendant la guerre froide, les catholiques américains cherchent des indices sur le caractère de leur nouveau pape. Les conservateurs sont rassurés par le fait qu’il a revêtu la mozette rouge que le pape François avait rejetée et qu’il chante le Regina Caeli en latin. Les progressistes placent leurs espoirs dans ses assurances répétées qu’il poursuivra les efforts en faveur d’une plus grande synodalité et dans le fait qu’il a pris le nom d’un pape plus connu pour son enseignement social.

Tout cela pour répondre à une question : dans quelle mesure Léon XIV ressemblera-t-il à François, le pape qui l’a nommé évêque et cardinal ?

C’est un exercice aussi vieux que la papauté elle-même, mais aussi un peu stupide. Aucun pape n’est identique à son prédécesseur et seul le temps révélera jusqu’à quel point ils seront semblables.

Ce que nous pouvons dire avec certitude à propos du pape Léon XIV, outre le fait plutôt surprenant qu’il était américain, c’est que sa formation de prêtre catholique et de canoniste s’est déroulée après le concile Vatican II. En 1965, lorsque le Concile s’est achevé, il avait dix ans et toute sa vie catholique s’est déroulée après le Concile.

En d’autres termes, le pape Léon est un catholique de la génération du baby-boom. Est-ce une bonne nouvelle ?

J’ai récemment vu une interview sur EWTN, dans laquelle un théologien dominicain exprimait l’espoir que notre premier pape post-conciliaire sortirait l’Eglise de la ‘boucle‘ des discussions fastidieuses sur l’interprétation correcte du Concile. Selon lui, le choix d’un nom « préconciliaire » indique un désir de dépasser ces controverses et de consolider, comme Léon XIII l’a fait en son temps, la mission de l’Église dans un monde qui a un besoin urgent des vérités pérennes de la raison et de la foi.

on peut trouver un point de vue similaire, bien que de l’autre côté du spectre idéologique, dans l’essai récent de Daniel Rober “Living Vatican II: Pope Leo heralds the dawn of the ‘post-post-conciliar’ era.”  [Vivre Vatican II : le Pape Léon annonce l’aube de l’ère ‘post-post-conciliaire’]. 

Rober, théologien à la Sacred Heart University, considère lui aussi l’ère de Léon comme une opportunité de dépasser les débats du Concile, bien qu’il ait une idée très différente de ce que cela signifie [ndt: Rober est un théologien « libéral », il écrit dans la revue catholique newyorkaise Commonweal, souvent critique par rapport au magistère… hors François].

Pour étayer sa thèse, Rober divise l’ère post-conciliaire en trois phases.

  • La première commence en 1965. Le Concile s’était conclu en fanfare et avec optimisme, mais les chocs du système ont rapidement entraîné le pontificat de saint Paul VI dans un bourbier de controverses non résolues sur la sexualité, les femmes dans l’Église et la gouvernance.
  • Jean Paul II a retenu la leçon et a entamé une deuxième phase dans la réception du Concile. Tout en essayant de mettre en œuvre son interprétation de Vatican II, parfois avec beaucoup d’audace, Jean-Paul II a minimisé et même supprimé le débat sur les éléments controversés qui avaient tant tourmenté son prédécesseur. Benoît XVI lui a emboîté le pas avec son herméneutique de la « réforme dans la continuité ».
  • Toutefois, l’élection de Jorge Mario Bergoglio en 2013 a mis fin à cette pratique. Selon Rober, « l’accomplissement le plus important du pape François a été de raviver l’esprit du Concile, précisément pour préparer l’Église à une nouvelle ère. Il y est parvenu en remettant au premier plan des questions soulevées par le Concile, mais longtemps mises de côté. C’est pour cela, nous dit Rober, que François a subi les critiques de ceux qui étaient convaincus que les innovations du Concile pouvaient être enterrées en se référant à la « grande tradition ».

(…)

Selon Rober, l’élection de Robert Prevost est un coup dur pour ceux qui auraient voulu « mater » Vatican II. Prevost a gagné parce qu’il était le candidat le plus apte à mener à bien le projet de François de construire une Église synodale guidée par une consultation continue et large du peuple de Dieu. Par conséquent, le pontificat de Léon XIV sera caractérisé par un dialogue non pas sur l’interprétation correcte du Concile, mais sur la meilleure façon de réaliser son esprit en donnant une plus grande importance dans les affaires de l’Église aux non-évêques et, en particulier, aux femmes.

Rober en trouve la preuve dans la référence à Evangelii Gaudium, dans le discours de Léon XIV au Collège cardinalice, où le pape soulignait ce que cela signifiera de « renouveler ensemble aujourd’hui notre engagement total sur le chemin que l’Église universelle a suivi pendant des décennies dans le sillage du Deuxième Concile du Vatican ».

Parmi les sept « points fondamentaux » que Léon XIV tire de l’exhortation apostolique de François, Rober n’en mentionne que trois : « la conversion missionnaire , l’attention aux derniers et aux marginalisés, et le dialogue avec le monde moderne ».

Sa conclusion est qu’en faisant du pontificat de François « une interprétation autorisée du Concile Vatican II », le pape Léon a mis fin à l’ère postconciliaire. L’Église est désormais « post-postconciliaire ».

Je ne suis pas favorable au doublement des « post », mais je reconnais que l’âge de Léon XIV constitue le franchissement d’un seuil.

Contrairement à ses récents prédécesseurs, Robert Prevost n’est pas devenu prêtre dans une Église avant de se retrouver dans une autre. Par conséquent, il est probable que son pontificat consistera davantage à mettre en œuvre le Concile Vatican II qu’à en parler.

Toutefois, si la synodalité fait partie de cette mise en œuvre, il y aura beaucoup à dire. Après tout, la génération du baby-boom est certainement la plus bavarde de l’histoire de l’humanité. En ce sens, la synodalité est la quintessence du boomerisme. Cela ne signifie pas pour autant que la papauté léonine sera un simple retour aux obsessions du catholicisme du baby-boom. Certains des anciens refrains seront ravivés, mais dans une nouvelle tonalité et avec des dispositions plus strictes. N’oublions pas que notre premier pape boomer est aussi un canoniste et qu’il veillera très probablement à ce que cette consultation élargie soit menée d’une manière qui affirme l’autorité épiscopale et papale.

Plus important encore, si l’on en croit les premières déclarations de Léon XIV, il insistera pour que toutes les discussions internes servent la mission de l’Église, qui est de répandre et d’influencer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui. Il n’est pas anodin que la liste des « points fondamentaux » d’Evangelii Gaudium établie par Léon XIV commence par « la primauté du Christ dans la proclamation ». Curieusement, Rober omet ce point de sa liste et, je le crains, passe ainsi à côté du cœur du problème. La réception du Concile Vatican II par Léon XIV sera christocentrique. Et, si la récente analyse du pape François de Mgr Barron est correcte, il s’agit là d’un point de continuité.

L’une des questions que le Pape Léon devra trancher est celle de la forme extraordinaire de la Messe. N’ayant que peu de souvenirs personnels, il est peu probable que l’ancienne messe le provoque d’une manière ou d’une autre. Il sera plutôt confronté à un simple fait : la liturgie que le Concile a jugé bon de réformer exerce un attrait inattendu sur les jeunes catholiques. Cela indique que la réception des questions liturgiques par le Concile est incomplète et nécessite une réflexion théologique sérieuse avant toute nouvelle action déstabilisatrice du magistère papal. En d’autres termes, c’est le genre de question qui pourrait bénéficier d’une consultation plus large du peuple de Dieu, éclairée par une vision christocentrique du Concile Vatican II.

S’agit-il d’une vision de baby-boomer ? Bien sûr, mais c’est aussi de la bonne gouvernance.

James F. Keating

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