J’ai essayé hier (cf. La synodalité expliquée par Léon XIV) d’attirer l’attention des lecteurs sur le passage de l’interview de Léon XIV à la correspondante de CRUX, traitant du mantra décliné ad nauseam pendant tout le pontificat de François. Lançant une espèce de « bouteille à la mer », en espérant que quelqu’un saurait la recueillir. C’est peut-être une (heureuse) coïncidence, mais une première réponse me vient aujourd’hui sur Duc in Altum.
Elle confirme le sentiment que j’avais eu à une première lecture: contrairement à ce que l’on avait pu espérer, la conception de la synodalité par Léon XIV est bien loin d’être un recadrage, elle ne remet pas en cause celle de son prédécesseur, et même, elle s’inscrit strictement dans son sillage.

Pour faciliter la lecture, j’ai repris in extenso le passage correspondant.

Au lieu que les pasteurs enseignent avec autorité, on nous propose des tables rondes où chaque opinion, aussi erronée soit-elle, a la possibilité de « marcher » à côté de la vérité.

Le dialogue remplace la doctrine, la rencontre remplace l’évangélisation.

Ce n’est pas du catholicisme. C’est la démocratie libérale transposée dans l’ordre surnaturel.

.

Léon XIV nous offre ici une vision contrefaite de l’Église. Non pas l’Arche du Salut, mais un forum de bavardage sans fin ; non pas l’Épouse du Christ, mais un facilitateur de dialogue ; non pas le Royaume de Dieu, mais une ONG mondaine offrant un « antidote » à la polarisation.

Le pape Léon sur la synodalité.

Une vision contrefaite de l’Église

Un fait ressort du dialogue en deux parties récemment publié entre le pape Léon XIV et la correspondante de Crux, Elise Ann Allen : l’anthropocentrisme de la Rome moderniste.

Dans cette interview, qui sera incluse dans la nouvelle biographie du pontife, « Léon XIV. Citoyen du monde, missionnaire du XXIe siècle », il convient de lire attentivement la réponse sur la synodalité.

Voici ce que dit Léon XIV:

La synodalité est une attitude, une ouverture, une volonté de comprendre. En parlant de l’Église d’aujourd’hui, cela signifie que chaque membre de l’Église a une voix et un rôle à jouer à travers la prière, la réflexion… à travers un processus.

Il y a de nombreuses façons de procéder, mais uniquement par le dialogue et le respect mutuel. Rassembler les gens et comprendre que la relation, l’interaction, la création d’opportunités de rencontre est une dimension importante de la manière dont nous vivons notre vie en tant qu’Église. Certains se sont sentis menacés par cela. Parfois, des évêques ou des prêtres peuvent penser : la synodalité va me priver de mon autorité. Ce n’est pas le but de la synodalité, et peut-être que l’idée que vous vous faites de votre autorité est un peu floue, erronée.

.

Je pense que la synodalité est une manière de décrire comment nous pouvons nous unir, être une communauté et rechercher la communion en tant qu’Église, de sorte qu’il s’agisse d’une Église dont l’objectif principal n’est pas une hiérarchie institutionnelle, mais plutôt un sens du « nous ensemble », de « notre Église ». Chacun avec sa propre vocation : prêtres, laïcs, évêques, missionnaires, familles. Chacun ayant une vocation spécifique qui lui a été donnée a un rôle à jouer et quelque chose à donner, et ensemble nous cherchons des moyens de grandir et de marcher ensemble en tant qu’Église.

C’est une attitude qui, je crois, peut apprendre beaucoup au monde d’aujourd’hui. Nous avons parlé tout à l’heure de polarisation. Je pense qu’il s’agit d’une sorte d’antidote. Je pense que c’est une façon de faire face à certains des plus grands défis que le monde d’aujourd’hui nous pose. Si nous écoutons l’Évangile, si nous y réfléchissons ensemble et si nous nous engageons à aller de l’avant ensemble, en nous écoutant les uns les autres, en essayant de découvrir ce que Dieu nous dit aujourd’hui, nous avons beaucoup à gagner.

J’espère vraiment que le processus a commencé bien avant le dernier synode, au moins en Amérique latine (j’ai parlé de mon expérience là-bas). Certaines Églises latino-américaines ont vraiment contribué à l’Église universelle et je pense qu’il y a un grand espoir si nous pouvons continuer à construire sur l’expérience de ces deux dernières années et trouver des moyens d’être Église ensemble. Il ne s’agit pas d’essayer de transformer l’Église en une sorte de gouvernement démocratique, car si nous observons de nombreux pays dans le monde aujourd’hui, la démocratie n’est pas nécessairement une solution parfaite à tout. Mais de respecter, de comprendre la vie de l’Église pour ce qu’elle est et de dire : « Nous devons le faire ensemble ».

.

Je pense qu’il s’agit d’une grande opportunité pour l’Église et d’une occasion pour l’Église d’interagir avec le reste du monde. Depuis l’époque du Concile Vatican II, je pense que cela a été significatif, et il y a encore beaucoup à faire.

« Et il y a encore beaucoup à faire… ». Oui, nous sommes sûrs qu’il y a encore beaucoup de destruction à infliger à notre Mère l’Église par les modernistes.

Une fois de plus, nous nous retrouvons plongés dans le brouillard feutré et sentimental de la « synodalité », cette fois-ci directement des lèvres du pape Léon XIV.

Ce qui frappe dans ces paroles, ce n’est pas leur profondeur, mais leur creux. Il réduit l’Église – fondée par le Christ en tant que hiérarchie divinement instituée – à un vague processus de dialogue, de respect mutuel et de rencontre. Mais ce ne sont pas là les caractéristiques de l’Église militante, appelée à garder et à proclamer le dépôt de la foi ; ce sont les slogans d’une culture thérapeutique allergique à la clarté, à l’autorité et à la vérité.

Le Saint-Père déclare: 

« Chaque membre de l’Église a une voix et un rôle à jouer… mais uniquement par le dialogue et le respect mutuel ». 

Notez ce qui est absent: le magistère, l’autorité des évêques, l’obéissance des fidèles, la soumission de la raison et de la volonté à la vérité révélée.

Au lieu que les pasteurs enseignent avec autorité, on nous propose des tables rondes où chaque opinion, aussi erronée soit-elle, a la possibilité de « marcher » à côté de la vérité. Le dialogue remplace la doctrine, la rencontre remplace l’évangélisation. Ce n’est pas du catholicisme. C’est la démocratie libérale transposée dans l’ordre surnaturel.

Ce qui est le plus inquiétant, c’est son rejet des préoccupations épiscopales et sacerdotales :

Parfois, les évêques ou les prêtres peuvent penser : la synodalité va me priver de mon autorité. Mais ce n’est pas le but de la synodalité….

Il se moque ici de l’autorité même que le Christ a établie lorsqu’il a dit à Pierre : « Pais mes brebis ».

L’autorité dans l’Église n’est pas « trompeuse » : c’est le moyen divinement institué par lequel les âmes sont protégées de l’erreur. Soutenir le contraire revient à saper les fondements de la structure visible de l’Église, que le Concile Vatican I a solennellement définie comme nécessaire au salut.

Le pape lui-même semble embarrassé par la « hiérarchie institutionnelle », lui préférant le nébuleux « nous ensemble, notre Église ». Mais de quelle Église s’agit-il ? Pas « notre » au sens démocratique du terme : c’est l’Église du Christ, son Corps mystique, hiérarchisée sous la direction de son Vicaire sur terre.

Enfin, Léon XIV tente de faire de la synodalité une panacée sociale: 

C’est une attitude qui peut apprendre beaucoup au monde d’aujourd’hui… un antidote à la polarisation.

La mission de l’Église n’est pas d’apaiser les divisions du monde par un dialogue poli. Elle est de convertir les nations, de les baptiser, de les soumettre au doux joug du Christ-Roi. Ce n’est pas le dialogue qui a converti l’Empire romain, mais les martyrs. Ce n’est pas le respect mutuel qui a sorti l’Europe des ténèbres païennes, mais la claire prédication de la foi.

Léon XIV nous offre ici une vision contrefaite de l’Église. Non pas l’Arche du Salut, mais un forum de bavardage sans fin ; non pas l’Épouse du Christ, mais un facilitateur de dialogue ; non pas le Royaume de Dieu, mais une ONG mondaine offrant un « antidote » à la polarisation.

Les catholiques traditionnels doivent rejeter cette dilution de la foi avec tout le zèle de nos pères. Ils préféreraient verser leur sang plutôt que de voir la constitution divine de l’Église réduite à un exercice bureaucratique de « marche ensemble ».

Mots Clés :
Share This