François: un vent contraire souffle d'Amérique
Ce n'est peut-être pas ce à quoi on s'attendait, mais pour François, la chute - ou au moins la fin de l'état de grâce commencé il y a 5 ans et demi - pourrait bien arriver des Etats-Unis (26/11/2018)
L'article qui suit offre une bonne synthèse des commentaires sur le "conflit" entre le Pape et la Conférence des évêque US suite au veto vatican contre le plan des évêques pour s'attaquer concrètement et tout de suite au scandale des abus sexuels du clergé
USA-Vatican: la partie est ouverte
www.corrispondenzaromana.it
Emmanuele Barbieri
21 novembre 2018
Ma traduction
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Les États-Unis risquent d'être la plus grosse pierre d'achoppement rencontrée par le pape François dans son pontificat. Le récent bras de fer entre le Saint-Siège et les évêques américains en est la confirmation. La Conférence épiscopale américaine s'est réunie le 12 novembre à Baltimore pour discuter et approuver les directives sur la prévention des abus du clergé et la création d'une commission d'enquête indépendante.
Mais à la veille de l'ouverture des travaux, le Cardinal Di Nardo a reçu la demande du Saint-Siège de suspendre toute décision en la matière, d'attendre le sommet de toutes les Conférences épiscopales du monde, convoqué par le Pape François à la mi-février.
Quand le Cardinal Di Nardo a communiqué la décision à ses frères, il n'a pas pu cacher son regret, parlant d'«insistance» du Saint-Siège dans sa requête indue. Selon Andrea Tornielli, porte-parole informel du Pape François, la raison de la décision du Vatican tient au fait que les documents des évêques américains n'ont été envoyés à Rome qu'à la veille de l'assemblée générale.
«En l'espace de quelques heures, ceux qui ont examiné les textes au Vatican ont trouvé deux types de problèmes: le non-respect de ce qui est établi par le Code de Droit Canonique, et le caractère générique de quelques-unes des normes établies pour juger l'accountability, c'est-à-dire la responsabilité personnelle de chaque évêque dans la gestion des cas d'abus. (...) De plus, le vote de l'épiscopat américain sur ces nouvelles orientations aurait eu lieu alors qu'il reste un peu plus de deux mois avant le sommet convoqué par le Pape François sur les abus, sommet auquel participeront tous les présidents des conférences épiscopales du monde. Le Cardinal Marc Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les Évêques, au nom du Pape, a écrit une lettre adressée au président des évêques américains, le Cardinal Daniel Di Nardo, demandant de reporter le vote (le vote, pas la discussion)".
Mais selon un rapport précis d'Ed Condon sur CNS, les choses se sont passées bien différemment. Deux cardinaux "libéraux" proches du pape François, Cupich de Chicago et Wuerl, ex de Washington, en lien avec la Congrégation des Évêques, travaillaient depuis longtemps sur un plan alternatif à ceux de leurs confrères.
«Le plan proposé par la conférence devait établir une commission indépendante dirigée par des laïcs pour enquêter sur les accusations portées contre les évêques. Le plan de Cupich-Wuerl, en revanche, devait envoyer les accusations contre les évêques pour enquête à leurs archevêques métropolitains, en même temps qu'à des commissions de révision de l'archidiocèse. Ces mêmes métropolitains devaient faire l'objet d'une enquête par leurs évêques suffragants les plus âgés (*). Des sources de Rome et de Washington ont dit à CNS que Wuerl et Cupich travaillaient ensemble depuis des semaines sur leur plan alternatif et l'ont présenté à la Congrégation des évêques du Vatican avant l'assemblée de la Conférence épiscopale des États-Unis à Baltimore.
Comme l'écrit Marco Tosatti, qui a traduit l'article en italien,
«on comprend que Cupich, Wuerl et la Congrégation pour les évêques ont travaillé pendant des mois dans le dos la Conférence épiscopale américaine pour saboter les deux propositions auxquelles les Américains travaillaient. Et dont Rome a été continuellement informée. Ainsi tombe la pénible justification - également servie aux grandes agences de presse internationales, avant les versions officielles - selon laquelle Rome aurait été prise par surprise par les propositions des évêques. Non, il préparait simplement un plan fourni par des éléments du groupe de pouvoir proche de McCarrick».
Les 80 évêques qui à Baltimore ont voté contre le blocus vatican des décisions de la Conférence épiscopale américaine en prévoyaient peut-être les conséquences. C'est ce qu'écrit Ben Harnwell sur Breitbart, soulignant les risques de caractère international de l'interférence vaticane sur les évêques US. Selon Harnwell, en ordonnant aux évêques américains de s'abstenir de voter sur les mesures de lutte contre les abus sexuels du clergé, le pape François a peut-être commis par inadvertance l'acte le plus coûteux et le plus lourd de conséquences de son pontificat. Carlos Esteban, lui aussi, sur Infovaticana, se référant à l'article de Harnwell, observe que le veto du Vatican à l'épiscopat américain place l'Église américaine à la merci de l'autorité civile.
Selon le Foreign Sovereign Immunity Act de 1976, le gouvernement d'un État souverain ne peut être traduit en justice aux États-Unis, sauf dans des cas exceptionnels. Et l'un d'eux, "l'exception pour harcèlement", est celui avancé en 2010 par l'avocat William McMurray dans l'affaire O'Bryan contre le Saint-Siège, quand, dans un tribunal du Kentucky, au nom d'un groupe de victimes d'abus sexuels du clergé, demanda la déposition au tribunal du Pape de l'époque, Benoît XVI. Une fois la cause perdue, la Cour d'appel annonça qu'il n'aurait pu y avoir un nouveau procès que si les plaignants avaient pu prouver que les évêques américains agissaient sur ordre du Vatican. Et c'est précisément ce qui, selon Harnwell, rend si dangereux le veto du Vatican au document de la Conférence épiscopale des États-Unis. En se soumettant à l'ordre péremptoire du Vatican, les évêques semblent admettre qu'ils dépendent du Saint-Siège pour les questions opérationnelles relatives aux abus commis par le clergé aux Etats-Unis. Il est parfaitement concevable que dans le futur, les avocats des victimes s'en servent, entraînant une augmentation dramatique des poursuites judiciaires, ce qui pourrait exposer le Saint-Siège à des demandes d'indemnisation de millions de dollars [Le Vatican a ouvert une boîte de Pandore].
Aldo Maria Valli, rapporte sur son blog qu'une class action contre la Conférence épiscopale des États-Unis et le Saint-Siège a été intentée en Amérique par quatre avocats représentant six hommes qui affirment avoir été abusés sexuellement par des prêtres quand ils étaient mineurs.
«Avec l'action légale collective, les plaignants demandent à l'Église catholique une indemnisation pour les dommages subis, une déclaration publique de contrition et des initiatives de réparation au nom du sens des responsabilités et de la transparence. Le dossier de quatre-vingt-quatre pages, daté du 13 novembre, indique que le Vatican et les évêques américains, tout en sachant ce qui se passait dans certains diocèses et paroisses, ont pendant des années et des années constamment nié l'existence d'abus et enterré les affaires, et transféré les responsables d'une paroisse à une autre, mettant en danger d'autres mineurs. A travers «actions illicites, inaction, omissions, dissimulation et tromperie», peut-on lire, une «conspiration du silence" qui a causé de graves dommages personnels, mentaux, psychologiques et financiers aux demandeurs» s'est constituée. Et de la part des représentants de l'Église, ce n'était pas un comportement épisodique, mais adopté systématiquement».
La partie est donc ouverte.
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NDT
(*) Un diocèse suffragant est l'un des diocèses autres que l'archidiocèse métropolitain qui constitue une province ecclésiastique.
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