Monseigneur,
Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de Roberto Repole.
J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé » stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.
Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons physiques, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant que m’attendent d’autres engagements que j’ai déjà acceptés.
Accessoirement, je voudrais vous faire part de ma surprise de voir également figurer parmi les auteurs le professeur Hünermann qui, au cours de mon pontificat, s’est distingué pour avoir mené des initiatives anti-papales. Il a largement participé à la publication de la «Kölner Erklärung» qui, en ce qui concerne l’encyclique «Veritatis splendor», a attaqué l’autorité magistérielle du pape de manière virulente, particulièrement sur des questions de théologie morale. Même la « Europäische Theologengesellschaft » fondée par lui a été au départ pensée comme une organisation en opposition au magistère papal. Par la suite, la sensibilité ecclésiale de nombreux théologiens a empêché cette orientation, transformant cette organisation en un espace de débat ordinaire entre théologiens.
Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d’accepter mes cordiales salutations.
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Monseigneur,
Je vous remercie pour votre lettre du 12 janvier et pour les onze opuscules publiés sous la direction de Roberto Repole.
Je dois reconnaître que l’intention qui a présidé à leur rédaction est louable. Il s’agit de réfuter le cliché simpliste d’un pape François, homme de la réforme pratique, opposé à moi-même théologien abstrait ne comprenant rien à la vie concrète.
Il est évident que le pape François, comme tout Jésuite, a reçu une formation philosophique et théologique sérieuse et qu’il y a une certaine continuité spirituelle entre nos deux pontificats, malgré nos différences de style.
Toutefois, si vous pensiez que j’allais accepter de rédiger une "brève et dense page théologique" pour présenter cette collection, vous vous trompiez lourdement. Sachez que je n’ai jamais eu l’habitude d'écrire sur des livres sans les avoir lus attentivement. Or je n’ai pas l’intention de lire les opuscules en question dans un avenir proche. Non seulement à cause de ma santé, mais surtout parce que j’ai des choses plus importantes à faire.
Enfin, last but not least, je tiens à vous dire que j’ai été très désagréablement surpris de voir parmi les auteurs le professeur Hünermann qui au cours de mon pontificat, s’est distingué par ses initiatives anti-papales. Il avait d'ailleurs largement participé (avec, entre autres, Hans Küng) à la publication en 1989 de la Kölner Erklärung, un mémorandum (ayant pour titre "Contre la mise sous tutelle — Pour une Eglise ouverte") qui a violemment attaqué le magistère pontifical. Il s’est opposé à l’encyclique Veritatis splendor (1993) de saint Jean-Paul II sur des questions fondamentales de théologie morale. Quant à la Europäische Theologengesellschaft qu’il a fondée, elle n’était autre, du moins à l’origine, qu’une organisation d’opposition au magistère pontifical…
J'espère que vous comprendrez mon refus catégorique, et vous prie d’accepter mes cordiales salutations.
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