Pape cherche désespérément légitimation
La lettre mutilée: la dernière analyse d'Antonio Socci (19/3/2018)
Je suis un peu réticente sur le paragraphe final, qui me semble tiré par les cheveux (je peux me tromper!).
Socci y donne son interprétation d'un adjectif mystérieux ("intérieure", accolé à "continuité") utilisé dans la lettre du Saint-Père; il le relie à un passage du dernier livre-interview avec Peter Seewald, où le même mot est employé (mais il faudrait contrôler en comparant avec le texte original en allemand du livre), lui fournissant une nouvelle justification à sa théorie selon laquelle Benoît XVI reste LE Pape.
LA HONTEUSE CENSURE VATICANE DES PASSAGES DE LA LETTRE DE BENOÎT XVI QUI DÉMOLISSENT LA THÉOLOGIE PRO-BERGOGLIO.
AVEC UNE RÉVÉLATION: LE "PETIT MOT" PASSÉ INAPERÇU NOUS DIT QUE LE PAPE BENOÎT EST ENCORE PAPE.
Antonio Socci
18 mars 2018
Ma traduction
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Même le "New York Times" a écrit vendredi que ce pontificat peut s'avérer «un désastre» pour l'Église [ndt: Ross Douthat, voir ICI].
En réalité, il l'est déjà, comme le confirme la piètre figure planétaire faite par le Vatican: hier, Bergoglio a été contraint de faire publier intégralement la lettre de Benoît XVI, y compris les passages controversés que de l'autre côté du Tibre, maladroitement, ils avaient omis (1).
Mais pourquoi a-t-on l'impression que les choses sont en train de se précipiter? Avec l'effondrement du grand sponsor impérial de Bergoglio (l'administration Obama/Clinton) et la consolidation de Trump, la légitimation géopolitique qui a vu naître ce pontificat a disparu. De là, la course spasmodique de Bergoglio et de sa cour pour étayer la saison sud-américaine branlante - car trop exposée à gauche - à la recherche d'un nouveau soutien (y compris dans la Russie de Poutine, sans grand succès).
IL CHERCHE UNE LÉGITIMATION
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Mais surtout, aujourd'hui, il cherche maladroitement la légitimation justement de cette Eglise ratzingérienne et wojtylienne que lui et sa cour ont bombardé pendant cinq ans avec toute l'artillerie polémique.
Hier, il s'est même rendu à Pietrelcina et à San Giovanni Rotondo, pour rendre hommage au saint le plus traditionnel (pour dire les choses selon ses catégories: le plus rigide et le plus conservateur), le plus éloigné de lui: Padre Pio (alors qu'il continue à persécuter ses fils spirituels, les Franciscains de l'Immaculée).
Il y a quelque temps, il a rendu hommage à Luther et à Fidel Castro. Hier à Padre Pio: il fait ce que l'opportunité politique du moment lui dicte (et juste au moment où il confie l'église chinoise persécutée au régime communiste).
Il croit ainsi récupérer le consensus perdu. Comme pour les problèmes récents non résolus mentionnés par le "New York Times": le cas de l'évêque chilien, émergé lors du récent voyage de Bergoglio et les polémiques qui ont investi «l'un de ses principaux conseillers, le cardinal hondurien Oscar Maradiaga».
Mais le plus grand problème est la confusion dans laquelle il a jeté les fidèles, les pasteurs et les évêques du monde entier. Ainsi, il y a quelques jours, le Vatican a tenté un mauvais coup, cherchant à «utiliser» la grande autorité de Benoît XVI pour légitimer une papauté qui fait eau de toutes parts. Sauf qu'il en est sorti un caffouillage planétaire. Un colossal but contre son camp.
DES CHOSES JAMAIS VUES
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Résumons les faits: le Préfet du Secrétariat à la Communication de Bergoglio, Mgr Viganò, écrit le 12 janvier à Benoît XVI pour lui demander d'écrire «une page théologique courte et dense» en commentaire de onze fascicules de divers auteurs, faisant l'éloge de la doctrine de Bergame.
Un mois s'écoule (on peut imaginer les pressions) et le 7 février Benoît XVI lui répond non, par une lettre "confidentielle" et "personnelle" (2).
Mais un mois plus tard, le 12 mars, à la veille de l'anniversaire de l'élection de Bergoglio, Viganò (au nom du Vatican) rend publics quelques passages extrapolés de cette lettre: «au grand public», écrit Sandro Magister, «elle est arrivée comme s'il s'agissait d'une sorte de "vote", plus que bon, donné par Benoît à son successeur, au terme de ses cinq premières années. Interprétation également favorisée par le communiqué de presse publié pour l'occasion par Viganò lui-même, qui n'a cité que les deuxième et troisième paragraphes de la lettre».
Ce n'est que plus tard qu'on a découvert qu'il y avait un autre paragraphe où Benoît XVI - précisément - répondait qu'il n'avait pas le temps de lire ces fascicules, pas même ultérieurement, parce qu'il avait autre chose à faire. Et qu'il n'écrirait pas le texte requis.
Avant-hier, on a appris que «le début de ce paragraphe avait été rendu artificiellement illisible dans la photo de la lettre diffusée par le secrétariat du Viganò» (Magister).
Enfin, hier, on a également appris que dans la lettre de Benoît, il y avait un autre paragraphe «que Viganò s'est bien gardé de lire en public et a pris soin de bien couvrir, sur la photo, avec les onze fascicules sur la théologie du Pape François» (Magister).
INDIGNATION
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Dans ce paragraphe, Benoît expliquait pourquoi il refusait d'écrire ce texte. Et ce sont des lignes explosives:
Accessoirement, je voudrais vous faire part de ma surprise de voir également figurer parmi les auteurs le professeur Hünermann qui, au cours de mon pontificat, s’est distingué pour avoir mené des initiatives anti-papales. Il a largement participé à la publication de la « Kölner Erklärung » qui, en ce qui concerne l’encyclique « Veritatis splendor », a attaqué l’autorité magistérielle du pape de manière virulente, particulièrement sur des questions de théologie morale. Même la « Europäische Theologengesellschaft » fondée par lui a été au départ pensée comme une organisation en opposition au magistère papal. Par la suite, la sensibilité ecclésiale de nombreux théologiens a empêché cette orientation, transformant cette organisation en un espace de débat ordinaire entre théologiens.
Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d’accepter mes cordiales salutations.
Bien à vous,
(www.diakonos.be/settimo-cielo)
Comme on peut le voir, il n'y a pas seulement le sarcasme du premier passage omis, où il refuse de lire les fascicules et d'écrire à leur sujet parce qu'il a d'autres choses à faire. Ici, il y a aussi la douce indignation d'un homme de Dieu qui subit un affront.
De plus, Hünermann était allé jusqu'à déclarer que le «fait marquant» de Benoît XVI dans l'Église avait été «de se retirer».
Donc, pour exalter Bergoglio, ils ont fait appel à un théologien qui avait publiquement pris parti contre Benoît XVI, «un théologien fondateur d'une organisation ouvertement opposée au magistère pontifical» (Badilla) [NDT: Il Sismografo].
Cela suffit pour comprendre quelle "continuité" il y a entre le pontificat de Bergoglio et celui de ses prédécesseurs.
Le passage polémique de Benoît XVI nous fait aussi comprendre comment lire les mots que le Vatican avait brandis comme soutien à Bergoglio. Là où il semblait faire l'éloge de l'objectif de ces fascicules, «s'opposer au préjugé stupide» sur Bergoglio et montrer «sa profonde formation philosophique et théologique».
C'étaient des formules de politesse, dans lesquels Benoît reprenait probablement les expressions de la lettre de Viganò, mais relus à la lumière des passages omis, ils prennent une toute autre lumière: ils soulignent un problème colossal, et non une continuité.
IL EST ENCORE PAPE
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C'est précisément au mot «continuité» - à l'évidence suggéré dans la lettre de Viganò du 12 janvier - que Benoît XVI a accolé un petit mot: «intérieure». Notons l'étrangeté de ce concept : «continuité intérieure entre les deux pontificats».
Tout d'abord, il suggère qu'il n'y a pas de continuité extérieure dans les actes et dans les enseignements.
Mais avec ce mot, il rappelle une page cruciale de son dernier livre, "Dernières Conversations", dans laquelle Benoît explique que - même après le renoncement - il continue d'être pape en utilisant la métaphore du père : «Même un père (qui) arrête d'être père ne cesse pas de l'être, mais renonce à ses responsabilités concrètes. Il reste père dans un sens plus profond, plus intérieur, avec une relation et une responsabilité spéciale» (page 45 dans la version française, où le "intérieur" de la version italienne a été traduit par "intime").
Et encore : «le pape... s'il démissionne, maintient la responsabilité qu'il a assumée dans un sens intérieur, mais pas dans la fonction» (idem).
C'est de là que vient ce mot. Benoît confirme ainsi la conférence explosive donnée par son secrétaire, Mgr Georg Gaenswein, à la Grégorienne [cf. benoit-et-moi.fr/2016], dans laquelle il affirmait - entre autres choses - que «depuis le 11 Février 2013, le ministère papal n'est plus celui d'avant. Il est et reste le fondement de l'Eglise catholique; et pourtant, c'est un fondement que Benoît XVI a profondément et durablement transformé dans son pontificat d'exception». Ganswein poursuit: «Avant et après sa démission Benoît a entendu et entend sa tâche comme participation à un tel "ministère pétrinien". Il a quitté le trône pontifical et pourtant, avec le pas du 11 Février 2013, il n'a pas abandonné ce ministère. Il a au contraire intégré l'office personnel dans une dimension collégiale et synodale, presque un ministère en commun»
La cour bergoglienne s'est déchaînée contre cette idée de «ministère commun», mais aujourd'hui Benoît lui a subtilement montré en action avec cette expression qu'ils n'ont pas comprise et qui dit que Benoît est toujours Pape.
Le mystère continue.
NDT
(1) Remarque d'une lectrice, F:
La lettre était confidentielle. Vigano ne s'est pas contenté d'occulter une partie de la lettre. Il a rendu publique une lettre confidentielle destinée uniquement à celui qui avait sollicité l'apport du Pape émérite. On voit donc que Benoît XVI n'avait aucune intention de rendre un hommage public à François dans la première partie de sa lettre! Vigano est donc doublement coupable!
(2) Jean-Marie Guénois écrit dans le Figaro ce détail capital, qui souligne que c'est Benoît XVI lui-même qui a demandé un droit de réponse, sous la forme d'une requête pour que la lettre soit publiée en entier:
Ne pas publier ce paragraphe final revenait toutefois à changer le sens de la lettre de Benoît XVI, puisque le pape émérite émettait là une réserve de type théologique. Devant la confusion - et à la demande de Benoît XVI lui-même -, le Vatican a finalement publié la lettre intégrale.
(merci à MC)
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