Non, Benoît XVI n'est pas hérétique!
Ou, après les accusations d'hérésie qui l'ont pris pour cible, comment défendre Benoît pour discréditer les ennemis de François... La preuve par un site proche du Pape (9/1/2018, mise à jour le 12: Mgr Livi répond à Introvigne)
>>> Un 'timing' parfait
Voici le début d'un article issu de la version en italien du site "institutionnel" Aleteia. Il montre comment les récentes attaques contre Benoît XVI (sur lequel on trouvera par ailleurs de très belle choses dans l'article), avec les graves accusations d'hérésie, sont instrumentalisées pour discréditer les adversaires de François, et en particulier les signataires de la Correctio filialis. Cela en pratiquant l'amalgame pour arriver à l'équation simpliste, dont les faits ont amplement démontré la fausseté: ennemis de Benoît XVI = ennemis de François = ennemis du Concile. En réalité, la plupart des prétendus "ennemis de François" ne sont pas des ennemis de Vatican II (on en trouve de nombreux exemples dans ces pages, au premier rang Antonio Socci), et beaucoup se "fichent" même totalement du Concile (spécialement dans la sphère laïque). Les ennemis de Benoît XVI se rencontraient surtout chez les ennemis de l'Eglise (en externe) et chez les progressistes (en interne). Soit les mêmes qui aujourd'hui sont les meilleurs amis de François.
Au passage, on voit comment Massimo Introvigne règle assez mesquinement ses comptes avec ses anciens amis de La Bussola (dont il a été l'un des collaborateurs-fondateurs en 2010, avec Vittorio Messori et... Andrea Tornielli, sous le parrainage bienveillant de Mgr Negri, cf. benoit-et-moi.fr/2010-III). C'est l'un des aspects de l'effet François, jamais évoqué mais malheureusement indéniable: des gens qui, dans un contexte de marginalisation et même de persécution des chrétiens, devraient se serrer les coudes (et qui l'ont même fait Benoît XVI régnant), se disputent aujourd'hui comme des chiffonniers. Quel gâchis!
Ratzinger hérétique? Ne disons pas d'absurdités!
Giovanni Marcotullio,
it.aleteia
3 janvier 2018
ma traduction (partielle)
* * *
Le disciple et héritier de Romano Amerio, Enrico Maria Radaelli, a consacré son dernier livre à la contestation systématique de l'"Introduction au christianisme" de Joseph Ratzinger. Antonio Livi a écrit une préface, reprise en ligne par Magister: on pourrait discuter en profondeur de nombreux points, tandis que plusieurs choses se font claires - de l'adhésion du théologien à l'embarrassante "correctio filialis" contre le Pape, à la considération de l'aversion générique d'une certaine "théologie" à toute la tradition vivante de l'Église (le magistère et la théologie du XXe siècle semblent plutôt être un prétexte)
Hier a été publié sur le blog de Sandro Magister Settimo Cielo le texte de la préface de Mgr Antonio Livi au nouveau livre d'Enrico Maria Radaelli: "Al cuore di Ratzinger, al cuore del mondo". Le titre choisi par Magister pour la publication est très éloquent: L'hérésie au pouvoir. La thèse de Radaelli est exprimée en synthèse par Mgr Livi:
... la présence hégémonique (d’abord de fait et ensuite de droit) de la théologie progressiste dans les structure du magistère et de gouvernement de l’Eglise catholique est notamment– et peut-être surtout – due aux enseignements du professeur Joseph Ratzinger, des enseignements qui n’ont jamais été reniés ni même dépassés par l’évêque, le cardinal ni le pape Joseph Ratzinger.
Immédiatement, l'éminent théologien a pris soin d'ajouter, pour clarifier:
Cette thèse, qui, formulée de la sorte, pourrait sembler inacceptable à beaucoup (je me réfère à tous ceux qui jusqu’à présent voyaient en Ratzinger cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi puis dans le Pape Benoît XVI un rempart providentiel contre ce qu’il qualifiait lui-même de « dictature du relativisme), trouve toute sa justification dans le livre de Radaelli qui analyse page par page le texte fondamental de Ratzinger, «Einführung in das Christentum : Vorlesungen über das apostolische Glaubensbekenntnis» paru en 1968 compilant les leçons de théologie données au cours du semestre précédent par le jeune professeur de l’Université de Tübingen et dont le texte original a connu près de vingt-deux rééditions, dont la dernière date de 2017.
Un passage très utile pour rappeler que la légende noire de Ratzinger "berger allemand" de la foi est un système subreptice de calomnie monté dans les dernières décennies contre un homme dont la douceur ne trouve en lui d'équivalent que dans l'érudition et la piété. Les responsables de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi m'ont raconté personnellement des procès qui ont duré beaucoup plus longtemps que prévu, car "le Cardinal" renvoyait la sentence de semaine en semaine, ajournant les sessions et demandant de nouvelles explications, réflexions, prières... Un jour, quelqu'un racontera l'histoire de "Joseph Ratzinger, l'inquisiteur au cœur d'or".
Mais ce jour n'est pas aujourd'hui: ce qui se raconte aujourd'hui, c'est l'ineptie de "Ratzinger, hérétique dissimulé". A première vue, il semblerait donc que le discours infamant soutienne et justifie celui élogieux - un peu comme Ebeneezer Scrooge faisait l'éloge de Jacob Marley [personnages de "Un chant de Noël" de Charles Disckens, cf. fr.wikipedia.org, NDT] pour son action sans scrupules au détriment des orphelins et des veuves: Pour ne pas tomber d'emblée dans le manichéisme simpliste, il faut se rappeler que des modernistes proclamés comme Hans Küng ont toujours pointé du doigt - et continuent à le faire - en Ratzinger/Benoît XVI le summum du conservatisme. Il n'est pas rare que dans les sciences ecclésiastiques, le feu croisé subi par une théorie ou une personne soit un bon (quoique rudimentaire) critère de discernement de leur bonté.
(...) Une première impression peut être tirée de la réaction à chaud partagée par Massimo Introvigne sur Facebook:
Intervention intéressante de don Antonio Livi, qui est le véritable maître à penser (en français dans le texte) de ceux qui gèrent la Bussola et d'autres publications hostiles au Pape François, où l'on accuse d'hérésie également Benoît XVI - et même Jean-Paul II ne s'en sort pas trop bien, surtout parce qu'il était trop ami des Juifs. Un texte très, très important pour comprendre l'idéologie sous-jacente aux campagnes contre le Pape François, dont les théoriciens les plus influents - qui ne sont pas nécessairement ceux qui apparaissent le plus souvent - ne sont nullement nostalgiques de Benoît XVI mais accusent d'hérésie globalement tous les Papes post-conciliaires (certains d'entre eux, en vérité, n'aiment pas non plus Pie XI et Pie XII, le dernier Pape "sûr" aurait été Pie X, qui est venu par ailleurs après un Pape dont ils se méfient, Léon XIII). Comme il m'est arrivé de l'écrire à d'autres occasions, ce sont les vrais chefs de la révolte contre François et les naïfs qui regrettent Benoît XVI ne sont que de la chair à canon pour des batailles dont ils ne connaissent pas les généraux.
Introvigne est un sociologue, c'est vrai, mais c'est aussi un sociologue des religions - et l'un des plus accrédités au monde - ainsi qu'un homme qui, pour son passé personnel, a eu l'occasion de se familiariser avec les questions théologiques, et qui n'est donc pas contraint de les juger de l'extérieur (contrairement à beaucoup d'autres). Sans entrer dans les mérites des évaluations sur les titres de presse qu'Introvigne inclut dans les "campagnes contre le Pape François", on peut sans aucun doute être d'accord avec ce qui suit:
1. Les ennemis du pape François ont aussi fait la grimace dans les pontificats précédents [c'est faux pour la plupart!!];
2. Pour chaque Pape postconciliaire, ils ont à chaque fois rappelé les paroles de Paul VI sur la "fumée de Satan" qui est entrée dans l'Église (la seule citation montinienne qui trouve grâce à leurs yeux, qu'on peut par ailleurs promptement retourner contre son auteur);
3. Quand on gratte sous leur appréciation exagérée pour Pie XII (difficile d'échapper à la fascination magnétique d'un homme si hiératique et statuaire) et qu'on en sonde la vraie consistance, on les trouve ou ignorants ou extrêmement critiques sur des documents comme Divino afflante Spiritu , Mystici corporis et autres;
4. Comme ces documents de Papa Pacelli n'étaient que les derniers ajustements préparatoires au grand événement ecclésial du Concile Vatican II, les détracteurs en question font encore plus la grimace quand on remonte à Pie XI, à sa Quadragesimo anno et à sa Casti connubii.
Alors, quel est le Pape qui convient à ces gens-là? Je répondrais: aucun. En paroles, peut-être, Pie X (comme le suggère Introvigne), mais Papa Sarto est surtout apprécié d'eux pour une partie de son opposition dialectique aux dérives modernistes de certains théologiens, comme l'encyclique Pascendi, et je ne peux pas m'empêcher de penser que lui aussi - un homme doux qui, en tant que Patriarche de Venise, était disposé à visiter l'asile en tenue de choeur pour distraire les fous avec le spectacle de la pourpre («ghe piase el rosso» - ils aiment le rouge - expliquait-il aux siens) - attirerait rapidement les plaintes de certains mauvais coucheurs professionnels, pour qui le sacrement de leur religion semble être la bile.
Je ne dirais toutefois pas cela de Mgr Antonio Livi, dont l'équilibre érudit m'a toujours inspiré une grande estime: cela ne m'a pas empêché de le considérer, depuis quelque temps, comme la luxueuse feuille de vigne que les 62 signataires de la soi-disant "correctio filialis" avaient réussi à se procurer.
(...)
Mise à jour le 12/1
Il s'agit d'une interview de Mgr Livi, sur le site <La Fede Quotidiana>. Il faut noter que par ailleurs, le théologien "éminent" ne démord pas de ses critiques à Joseph Ratzinger (partie non traduite), qu'il ne nomme toutefois pas explicitement ici.
"LES ADULATEURS DE FRANÇOIS N'ADMETTENT AUCUNE CRITIQUE".
(extrait, ma traduction)
* * *
- Professeur Livi, selon vous, quel est l'origine de cette attaque?
- Demandez-le au Dottore Introvigne, ce n'est d'ailleurs pas la première fois. Il travaillait à la Nuova Bussola Quotidiana et parfois, il est entré en conflit avec moi (pour des raisons théologiques, jamais personnelles). Par la suite, il se trouve que le directeur a décidé d'interrompre la collaboration avec lui, décision dans laquelle je n'ai aucune responsabilité, même si Introvigne pense différemment de moi. Je pense que cela est dû au ressentiment personnel et non pas tant aux motivations théologiques. Je le comprends, mais je ne m'y attendais pas. Du reste, pour évaluer correctement la validité des affirmations d'Introvigne à propos de ce que je dis sur le dogme et la théologie, il faut rappeler qu'il est sociologue des religions et pas théologien de la foi.
- Mais sa voix n'est pas isolée....
- C'est exact. Il existe une sorte de cour, bien entraînée à la propagande, d'hommes de médias (parmi lesquels j'inclurai également le Vaticaniste Tornielli) qui ont choisi a priori de plaire au Pape François, même lorsqu'il change la forme ou la substance de la doctrine catholique, ou qu'il dit ou fait des choses qui sont inacceptables pour ceux qui se soucient de la Parole de Dieu dans sa vérité immuable. Cette cour d'adulateurs n'admet aucune critique de la part des catholiques (laïcs ou prêtres, évêques et cardinaux) qui savent qu'ils font partie de l'Église et ont une responsabilité dans la doctrine de la foi, qui est le bien commun de la communauté des croyants.
(...)
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