(Mise à jour: que dit exactement Benoît sur « le seul Pape »?) Nous avons évoqué brièvement hier l‘interview que Benoît XVI AURAIT (le conditionnel est de rigueur) accordé à l’un des journalistes-vedettes du principal quotidien italien, « Il Corriere della sera ». Une interview qui tombe à pic pour le locataire de Santa Marta, qui voit ainsi valider par son prédécesseur ses choix politiques et ses amitiés (vaccin, Draghi, Biden, etc.). Et l’on peut légitimement se poser des questions sur les conditions dans lesquelles elle a été réalisée.

Parmi les invités récurrents sous pseudo du blog de Marco Tosatti, il y en a un qui signe « Mons. ICS » et que le journaliste présentait, en janvier 2020, à l’occasion de sa première contribution, comme « un haut prélat âgé de la Curie; à la retraite, mais chargé de temps en temps, en raison de ses quarante ans d’expérience derrière les murs, de tâches délicates et occasionnelles ». Bref, quelqu’un de bien informé, comme on dit, même si ses informations ne reposent que sur des rumeurs, et n’ont aucune prétention à refléter autre chose que son sentiment personnel. On ne peut donc pas parler de fake new. Mais ce qu’il écrit n’est pas dénué de bon sens, et même assez vraisemblable.

Cher Tosatti, je suis resté sans voix quand j’ai lu l’interview de Massimo Franco au pape émérite.
Oui, c’est vrai que Ratzinger dit qu’il n’y a pas deux papes, il y a un seul pape. Mais il ne dit pas qui il est. Peut-être se référait-il à lui-même?
Mais ce qui compte, c’est de savoir quelle était la véritable question de Massimo Franco.
Etait-ce par hasard : « Votre Sainteté, vous sentez-vous toujours pape ? » et à la question de Franco, Ratzinger n’entend pas, Ganswein se penche à l’oreille de l’émérite et dit: « Massimo Franco vous demande s’il peut y avoir deux papes dans l’Eglise en même temps… ».
Ce à quoi Benoît XVI répond à Franco : « Il n’y a qu’un seul pape… ».

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Interroger le pape émérite de 94 ans est une entreprise ardue, même pour un excellent et honnête journaliste comme Massimo Franco.
Parce que le pape émérite a du mal à comprendre la question, il a du mal à se souvenir, il a du mal à réfléchir à la réponse la plus appropriée qu’un pape émérite doit donner parce que ses réponses vont passer à l’histoire et sont même du magistère.
Mais nous aimons tellement le pape émérite Joseph Ratzinger que nous sommes surpris que son secrétaire ait autorisé une telle interview où il a certainement pris la peine de suggérer des réponses « adéquates » à des questions qui n’ont peut-être même pas été entendues.
Certaines personnes suggèrent ou se risquent à dire qu’il s’agit d’une interview avec Gänswein plutôt qu’avec Ratzinger.
A un Gänswein qui doit s’attirer les faveurs d’un Bergoglio qui ne le supporte pas, mais pauvre Georg, il doit penser à son avenir…
Il n’est donc pas très difficile d’imaginer un Gänswein qui traduise « pro domo sua » les questions-réponses pour que de Santa Marta arrive un placet pour être nommé au moment opportun, qui sait, cardinal de Cologne… et un « bravo! » pour la façon dont il a mené l’entretien.

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https://www.marcotosatti.com/2021/03/01/mons-ics-bxvi-nellintervista-dice-un-papa-solo-ma-non-dice-chi-e/

A noter, en juin 2019, le même Massimo Franco avait déjà « interviewé » le Pape émérite, et on a nettement l’impression que celle d’hier est un « remix » de la précédente (voir par exemple l’anecdote des caricatures de Gianelli), avec là encore le message à faire passer: il n’y a qu’un Pape! Voir ici: http://www.benoit-et-moi.fr/2019/benot-xvi/exclusif-le-reportage-du-corriere.html

Mise à jour ultérieure

La théorie qui sous-tend l’article qui suit (paru dans le quotidien Libero et repris par Marco Tosatti) est que depuis huit ans, les médias mainstream, à l’unisson avec le Vatican, ont construit autour de l’Emérite un récit visant à accréditer la certitude que François est le seul Pape, alors que Benoît XVI ne l’a JAMAIS dit tel quel, se contentant de répéter qu’il n’y a qu’un seul Pape. Nuance (même si ladite nuance me laisse quelque peu dubitative).

Il faudrait illustrer la technique grâce à laquelle ce récit est construit, mais en attendant, j’aimerais offrir quelques détails qui sont intrigants.
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Tout d’abord, le timing parfait – comme une excusatio non petita [excuse non demandée: « qui s’excuse s’accuse »] – de la parution de l’interview de Massimo Franco au Pape Benoît dans le Corriere: un jour ou deux après l’article choc d’Aldo Maria Valli « Rome sans pape » qui, en raison de l’autorité de l’ancien vaticaniste de Tg1, a créé la panique parmi les intellectuels et les ecclésiastiques catholiques.

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La même interview, avec des tons littéraires et romantiques similaires sur le vieil homme « fragilisé », rappelle celle que Massimo Franco a faite en 2019.
Il est curieux de voir comment cette fois encore, comme déjà en 2019, Benoît XVI se voit offrir des caricatures de Giannelli. C’est précisément une grande passion – celle de Ratzinger pour le dessinateur – qui justifie évidemment le manque d’imagination des collègues du Corriere dans le choix des cadeaux…

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Il est toutefois étrange qu’aucune image de la nouvelle interview n’ait été publiée, comme cela s’est produit pour celle de 2019.

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Mais jusqu’à présent, nous ne sommes que dans le domaine du doute et il y aura certainement une explication pour tout.

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Ce qui n’est pas explicable, par contre, c’est à quel titre Massimo Franco fait dire à Benoît « le pape est François » alors que Ratzinger lui-même ne fait que répéter, depuis toujours : « Le pape est un et un seul », cette fois-ci en tapant même sur SON accoudoir.
Alors, qu’un journaliste de sa stature, après huit années où ecclésiastiques et intellectuels parlent explicitement de la démission forcée de Benoît, n’évalue pas avec une froide objectivité la déclaration sibylline de Ratzinger, n’est-ce pas un peu « naïf » ?

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Pour être correct, il aurait dû au moins écrire: « Benoît continue à répéter cette phrase qui, cependant, ne dissipe pas complètement les doutes des opposants de François ».
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Mais le collègue n’est pas nouveau dans ces « fuites en avant »: nous sommes allés relire l’interview de juin 2019 et nous découvrons un détail. Franco écrivait: « Les adversaires de Bergoglio, souvent des conservateurs qui voulaient désespérément entendre un mot de Benoît qui semblait critique à l’égard de Bergoglio, se sont invariablement entendu dire que ‘le Pape est un, c’est François’ « .
Ah oui, il était présent, lui? Les opposants conservateurs de Bergoglio lui ont-ils dit cela, ou l’a-t-il déduit? Car cette citation, « Le Pape est un, c’est François », n’est pas celle de Benoît, mais celle de Massimo Franco.
Et, malgré cela, il est encore plus étonnant qu’en juin 2019, Vatican News, citant étrangement (la veille de la publication) l’interview du Corriere, aient mis les mots de Massimo Franco dans la bouche de Benoît, en titrant :
« BENOÎT XVI : LE PAPE EST UN, FRANÇOIS ».
Et dans le texte : « L’Église est et doit rester unie. Son unité a toujours été plus forte que les luttes et les guerres internes ». C’est la certitude de Benoît XVI qui rappelle à tous: « Le Pape est un, François ».

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Faux. BENOÎT N’A PAS DIT CELA. Il a dit que le pape est un. Sans préciser lequel. Point final. Posons-nous une question et essayons de nous donner des réponses. Toutes.

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Andrea Cionci, Libero, 1er mars 2021
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